A la tête d'une entreprise de rénovation qu’il a créée il y a 3 ans, Vahagn Hovhannisyan, russe d'origine arménienne, a été naturalisé le 13 juillet dernier. Quatorze ans après son arrivée à Dijon, où il était venu, à l’origine, bénéficier d’un traitement qu’il ne pouvait trouver à Moscou. A l’instar de sa famille, Vahagn représente un bel exemple d’intégration réussie. En cette rentrée de septembre, cette « belle histoire » est pleine d’espoir…
« Vivre sans espoir, c’est cesser de vivre », écrivait, avec la justesse qui le caractérisait, Dostoïevski, qui n’avait pas son pareil pour décrire le monde dans son authenticité, s’inspirant, par là-même, de Balzac. L’histoire de Vahagn Hovhannisyan, qui fut, avec son épouse et deux de ses enfants, naturalisé le 13 juillet dernier, est synonyme d’espérance. « J’ai obtenu la nationalité française le 13 juillet, la veille de la Fête nationale et l’avant-veille de l’anniversaire de ma fille», sourit ce chef d’entreprise dorénavant franco-russe qui est arrivé à Dijon il y a 14 ans avec sa femme et ses deux premiers enfants. Il n’en est jamais reparti depuis.
A l’époque, il a rejoint la famille de sa femme, d’origine arménienne comme lui, afin de suivre un traitement au CHU. La capitale russe, où, après avoir effectué des études d’économie, il avait emboîté les pas de son père qu’il accompagnait, depuis son plus jeune âge, sur les chantiers, œuvrant dans la construction pour des grandes compagnies de téléphonie. « Je ne suis pas venu en France pour chercher un travail ou trouver l’Eldorado, j’étais beaucoup plus à l’aise économiquement à Moscou », explique-t-il.
Un passé et une réussite qu’il a dû, santé oblige, laisser derrière lui pour se bâtir un présent et un avenir dans l’Hexagone, dont il connaissait la culture. Certes Charles Aznavour faisait partie de ses classiques, mais il préférait Edith Piaf ou encore Patricia Kaas et ses acteurs préférés n’étaient autres que Louis de Funès et Pierre Richard. Ce n’est pas pour autant qu’il parlait le français : « A l’origine, je ne savais que dire bonjour, merci et au revoir. Je me souviendrai toujours de l’inscription de mes enfants à l’école Lamartine face au directeur d’école… J’avais honte devant lui, car je voulais lui expliquer que tout ce qui m’inquiétait était le fait que mes enfants ne perdent pas leurs années d’école. Cela s’est bien passé malgré mes balbutiements dans un mélange de russe, d’anglais et de français ».
« Reparti de 0 »
Et ses enfants ont pu suivre, avec brio depuis, leur cursus, les deux aînées étant respectivement en faculté de langue et de droit à l’Université de Bourgogne. Quant à Vahagn, qui, avec l’humilité qui le caractérise, précise qu’il apprend tous les jours, il maîtrise dorénavant la langue d’Honoré de Balzac.
Tout en étant traité au CHU, il est « reparti de 0 ». Il a commencé par se voir confier un travail de saisonnier au célèbre domaine Leroy (Romanée-Conti) où le directeur lui a offert rapidement un CDI. Un an et demi plus tard, on lui propose de s’installer sur la côte vineuse mais il préfère demeurer dans la capitale régionale et revenir à ses premières amours professionnelles. Après une formation dispensée par le Greta 21 au lycée Hippolyte-Fontaine, il travaille pour nombre de grandes sociétés locales de construction. Et, depuis 3 ans, il vole de ses propres ailes, à la tête de sa propre entreprise, tous corps de métiers, sauf gros œuvre. Et les clients qui font appel à ses services, que ce soit pour la peinture, le carrelage, la plomberie, le chauffage, l’électricité, la salle de bain… ne jurent après que par lui.
Institutrice à Moscou
Quant à son épouse Inga, institutrice en Russie (mais ne pouvant pas bénéficier ici d’équivalence), elle s’est orientée vers la boulangerie-pâtisserie et devrait dans un avenir proche ouvrir un snacking dans une rue bien connue de Dijon. Et la famille, agrandie depuis son arrivée avec dorénavant 4 enfants, poursuit son chemin : « Depuis le 1er jour, tout s’est bien passé. J’ai rencontré des gens exceptionnels. J’ai énormément appris ici. C’était le destin même si je ne crois pas trop à cela. Je n’avais en aucun cas comme objectif de partir vivre en France ou dans un autre pays européen. Cela s’est fait naturellement ».
Evidemment la guerre en Ukraine ne le laisse pas indifférent. Interrogé sur le sujet, sa réponse est sans ambiguïté aucune : « Vu d’ici, c’est une première situation, vu de Russie une deuxième, et vu d’Ukraine une troisième. Mais la réalité est catastrophique… que ce soit pour les familles ukrainiennes ou russes frappées par la guerre. Il y a des villes, des familles, des destins détruits. Qui je suis pour me prononcer ? Il faut être sur le terrain pour comprendre ce qui se passe. Il y a quelques années, il y a eu un affrontement en Arménie avec l’Azerbaïdjan. Cela a duré seulement 40 jours mais 5 000 gamins sont partis au cimetière. Tous les jours, je regardais les noms et les prénoms, ils avaient l’âge de mes enfants…
La France a été solidaire durant des siècles vis à vis de l’Arménie, je suis très reconnaissant. La France est notre pays, nous habitons ici, nous sommes intéressés par la France et j’élève mes enfants dans cette dynamique ». Et les 13, 14 et 15 juillet dernier, il a fêté sa naturalisation comme il se doit. Pas à la Vodka mais au rosé !
Camille Gablo