Coup de gueule N°101 : Gare à la gare !

 

Est-ce un cauchemar éveillé dû à l’ingestion de tartines de « Nutérats » ? Bref, je descends du TGV quasi pour atterrir en gare de Dijon, passage Henri Vincenot – du nom de l’homo sapiens du Chemin de fer préhistorique. Et me voilà, crevant la dalle,  dans ce couloir stylé  Robocop-city. Pas moins d’une dizaine de distributeurs de coca-cola, de cafés truc-machin-chose, de sodas sur-vitaminés ou de viennoiseries à être là, au garde-à-vous. Partout, ils sont partout : en bas des quais, dans le hall ou nichés dans les moindres recoins… Tous, bien sûr, le bec hautement sucré, et bourrés de trucs à consommer avec modération comme nous le ratiocinent les pubs à la télé.

Certes, on a besoin d’un apport de calories après s’être fait le biscotto à véhiculer valises et sacs, mais pas au point d’alourdir son viatique à coups de cholestérol ou de triglycérides !

Hourrah, voilà une pharmacie au rez-de-chaussée au cas où… Mais… Oui,  il y a un « mais »: que faire en effet quand je découvre que l’Ibuprofène et le Doliprane ont vu sur deux vis-à-vis de palier inattendus : une photocopieuse pour les urgences de papivores dénutris, flanquée de deux  distributeurs de friandises pour estomacs déprimés ?

Cette américanisation de la malbouffe, cette modernisation de l’amuse-gueule est d’autant plus incongrue à la gare de Dijon, que celle-ci garde résolument un pied dans le passé, tant elle est dramatiquement sous-équipée en escalators et en ascenseurs. A  qui donc profite ce crime de la super-consommation robotisée alors qu’il y a déjà moult boulangeries/traiteurs ou cafés/restaurants  à profusion, et ce, à tous les niveaux de la gare ? Sûrement pas à l’usager « usagé » de la SNCF qui, comme moi, part un jour ou l’autre part à la conquête du Graal pour dénicher l’oiseau rarissime : l’agent SNCF susceptible d’indiquer s’il y a une correspondance pour Chalon-sur-Saône. Ou bien pour renseigner sur ces questions bêtement pratiques : quel quai ? Et à quelle heure ?

Autant d’incohérences de la vie moderne obligent au questionnement – pour employer ce néologisme cher aux débatteurs patentés : à quel type de société nous renvoient  cette pénurie de personnel en gare, cette incitation quasi forcée à la surconsommation de foutreries dangereusement hypercaloriques –  contrebalancée certes par la montée himalayenne des escaliers de la gare,  ainsi que tout ce baratin qui accompagne chaque billet SNCF informant de l’impact CO2 occasionné par votre voyage ? Jusqu’à quand serons-nous obligés d’endosser le rôle de ruminants ferroviaires condamnés à regarder passer les trains ?

Marie-France Poirier