Faut-il supprimer les notaires ?

Notaires : une profession en danger ?
Xavier Alhéritière, président de la Chambre départementale des notaires : Le débat actuel autour des professions réglementées et donc du notariat est avant tout politique, mais politique au sens étymologique du terme, c’est à dire un débat sur l’organisation du pays, son organisation juridique et surtout la place du citoyen dans ce monde que l’on veut faire évoluer.
Derrière la remise en cause des professions réglementées, en général, et de notre profession, en particulier, c’est un véritable choix de société qui se profile.
Cette réforme voudrait la fin du modèle social « à la française », système protecteur du citoyen, qui disparaîtrait au profit d’un système libéral à l’anglo-saxonne, dans lequel le citoyen devrait évoluer dans des marchés libérés de toutes contraintes.
En voulant réformer les professions réglementées, pour de simples pseudo-considérations économiques, on oublie pourquoi un certain nombre de professions, dont les notaires, ont été réglementées. Contrairement à ce que l’on veut faire croire au grand public, elles n’ont pas été réglementées pour constituer une chasse-gardée à leurs membres mais pour protéger les citoyens contre les véritables situations de jungle qui existeraient si des réglementations ne s’imposaient pas aux professionnels : achat de médicaments contrefaits sur internet, pain cuit par des boulangers sans diplôme, contrats rédigés par des personnes sans compétence !
Clairement la déréglementation favoriserait le retour de prestataires douteux plus soucieux de leurs propres intérêts que de ceux de leurs clients.
C’est sur cette ligne de crête sociétale que s’inscrit le combat du notariat.

Derrière la remise en cause de la profession, n’est-ce pas le modèle juridique français qui vacille ; ne souhaite-t-on pas une société judiciarisée à l’américaine ?
Le notariat est un facteur de stabilité parce que les notaires rédigent des « actes authentiques » qui permettent d’établir de manière définitive et incontestable une transaction, une donation ou toute volonté de leurs clients, dès lors qu’elle est conforme à la loi, et qui en organisent la conservation.
Ces actes sont sans pareil dans le monde anglo-saxon et c’est pour cette raison que nos concurrents d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique appellent de leurs vœux la disparition du notariat et du système juridique « à la française ».
Le FMI ainsi que des universitaires américains de renom ont reconnu que si des notaires avaient existé aux Etats-Unis, ceci aurait permis d’éviter les nombreuses fraudes qui ont aggravé la crise des subprimes. Quel bel hommage rendu à notre profession !

Le notariat n’est-il pas poussiéreux, désuet, une survivance de l’Ancien Régime ?
Non, il puise dans sa longévité même la preuve de sa capacité permanente à s’adapter et à
répondre aux attentes de la société ;il répond à de réels impératifs économiques et sociaux.
Il a su se moderniser, au service des citoyens ; par exemples : le fichier central des dispositions de dernières volontés, les bases de références des valeurs immobilières, le fichier des Pacs, l’acte authentique électronique et la télétransmission des actes aux fichiers immobiliers.

Pourquoi conserver des notaires ?
Pour sécuriser tous les moments importants de la vie des Français afin d’assurer la stabilité de la Nation. Le notaire est promoteur de paix sociale !
Nos clients sont 20 millions à franchir chaque année la porte d’un office ; 84 % d’entre eux ont une image positive de leur notaire (enquête Harrys Interactive -mars 2013) car c’est cette sécurité juridique qu’ils recherchent et que leur notaire leur procure. Pourquoi modifier en profondeur, voire supprimer, une profession qui recueille, de la part de ses clients pareille adhésion ?
Soyons réalistes, la fonction de notaire protège la vie privée des Français et de tous les clients, tout en respectant ses missions au service de l’Etat ; voilà l’originalité fondamentale du notariat. La dualité est inscrite dans les gènes du notaire : officier ministériel et professionnel libéral, à la fois au service de l’individu et de l’Etat, du particulier et du collectif. Une forme moderne de service public sans coût pour l’Etat ; pourquoi en priver l’état, pourquoi en priver les français ?
De même que l’équilibre du contrat est l’objectif premier, la recherche de l’équilibre entre la nécessité sociale et les aspirations individuelles est sans doute ce qui définit le mieux le rôle du notaire. C’est d’ailleurs là aussi que s’enracine son rôle si unique et si particulier de régulateur au sein de notre société ; celui qu’il importe de faire connaître et de revendiquer au regard de la période actuelle et des tensions sociales qui la caractérisent.
Le notaire est le magistrat de l’amiable ; dans un monde en pleine mutation et en perte de certitude, les personnes ont fondamentalement besoin, à leurs côtés, de professionnels capables de leur assurer la sécurité Juridique, de conserver la trace des moments importants de leur vie et de s’inscrire dans une vision de long terme.
Un monde sans notaire, c’est un monde où l’on n’a plus l’assurance certaine d’être propriétaire de son logement, où l’on n’est plus sûr de la conservation de ses volontés mais aussi de leur exécution après sa propre disparition.
Un monde sans notaire, c’est un monde sans repères !

Quelles sont les raisons d’exister de la profession ?
L’obligation d’assurer la sécurité juridique des Français en prévenant les contentieux qui ne manqueraient pas d’exploser.
Le premier besoin des 20 millions de Français, qui chaque année se rendent chez leur notaire, est la pratique apaisée du droit par la rédaction de conventions équilibrées et conformes à la loi.
Les notaires sont des acteurs majeurs de la justice par le contrôle de légalité qu’ils assurent au nom de l’Etat, sur les conventions qu’ils reçoivent.
Le devoir de conseil, l’obligation d’efficacité et d’utilité sont indissociablement liés à la confection des actes qu’ils dressent car rédaction et authentification sont consubstantielles l’une de l’autre.
L’obligation d’être un vecteur de confiance et un facilitateur dans l’application d’un droit qui ne comporte pas moins de 500.000 textes, avec des problématiques juridiques des personnes ne cessant de se complexifier avec l’explosion des familles recomposées, l’allongement de la durée de vie ou encore la mobilité des personnes dans un monde comportant de moins en moins de frontières…
L’obligation de garantir la preuve des droits de propriété de chaque Français en conservant durant 75 ans leurs titres de propriété, testaments, contrats de mariage, pacs et autres conventions : un droit qui ne peut être prouvé est un droit qui n’existe pas !
L’obligation de garantir, sans coût pour l’Etat, le recouvrement efficace de plus de 22 milliards d’impôts par an. Ce recouvrement est efficace à raison d’une part de son statut d’officier public qui l’oblige à percevoir la fiscalité demandée par l’Etat et d’autre part par l’absence de dépendance économique vis-à-vis de son client. Quel serait le coût, pour l’Etat, du remplacement des notaires par des fonctionnaires ?

L’authenticité, c’est quoi ?
Les notaires sont détenteurs de l’authenticité : ils rédigent des « actes authentiques » qui permettent d’établir de manière définitive et incontestable une transaction, une donation ou toute volonté, dès lors qu’elle est conforme à la loi, et qui en organisent la conservation 75 ans, à la disposition de leurs clients, avant de les transmettre aux archives départementales.
Aujourd’hui, le notariat possède un minutier central électronique dans lequel sont stockés tous les actes dématérialisés signés à ce jour ; fin 2014, ils seront au nombre d’un million.
Seul le notaire confère l’authenticité à un acte : il est le délégataire de la puissance publique au sein de l’office, il est le détenteur du sceau de l’état. C’est sa responsabilité personnelle qui est en jeu au moment de la signature de l’acte. Tous, dans un office notarial, des personnes en charge de l’accueil jusqu’aux comptables, en passant par les formalistes ou les assistants, participent à l’élaboration de l’authenticité sous la responsabilité du notaire ; tous interviennent à un moment ou à un autre dans les opérations de contrôle et de conservation qui sont au cœur de l’authenticité.
Chaque collaborateur d’un office, à son niveau, a conscience qu’il doit veiller au respect des règles qui s’attachent à l’authenticité, car la plus-value de l’authenticité résulte du caractère certain qui s’attache aux vérifications opérées.
L’office notarial perçoit sa rémunération conformément à un tarif uniforme, fixé par décret, permettant l’égalité des usagers dans l’accès au service public de l’authenticité.
C’est parce que les notaires sont tenus d’observer autant de diligences avec rigueur que, chaque fois qu’un acte important doit être mis en application, le législateur préfère en réserver la compétence à l’acte notarié ; ce fut récemment le cas avec le mandat de protection future, le consentement à PMA, le mandat posthume, l’obligation de régulariser par acte authentique les cessions de parts de société à prépondérance immobilière passées à l’étranger.

Quelles raisons pour promouvoir le notariat et lui confier plus de missions ?
Parce qu’il est une profession réglementée, il a une organisation professionnelle structurée et unie capable d’accompagner toute modernisation de l’Etat sans coût pour ce dernier : le notariat l’a démontré lors de la mise en place des échanges dématérialisés avec les services de la publicité foncière qui ont permis de réduire de 3 000 le nombre de fonctionnaires affectés au fichier immobilier. Quelle économie pour la nation !
Les notaires sont prêts à aller plus loin dans leurs partenariats avec l’Etat et les différents ministères (Justice, Economie, Logement, Culture, Enseignement,…).
Ils sont un service public moderne sans coût pour l’Etat ; ils assurent, dans des conditions d’équilibre économique et financier que leur impose leur responsabilité de chefs d’entreprises, un service public moderne avec toutes les exigences éthiques et les garanties d’efficacité et de sécurité.
Ils sont une profession à la pointe des nouvelles technologies grâce à leur propre réseau sécurisé d’échange et de stockage des données personnelles des clients, protégées et soumises au droit Français (Acte authentique électronique unique en Europe, Fichier central des dernières volontés, Registre des Pacs, bases de données immobilières pour œuvrer à la transparence du marché, vente aux enchères sur le web, coffres forts électroniques, participations aux registres notariaux européens interconnectés,…).
Les notaires sont créateurs d’innovations juridiques et de simplification dans les domaines du droit de la famille, de l’immobilier et de l’entreprise à l’exemple de la donation entre époux, en passant par les lots-volume, le fonds de commerce et demain par la création d’un véritable statut de l’entrepreneur individuel grâce au concept révolutionnaire de la personnalité professionnelle.
Parce qu’ils sont au cœur des préoccupations essentielles de leurs concitoyens, d’ordre privé ou professionnel, les notaires sont des observateurs privilégiés de la société contemporaine; position qui fait d’eux des acteurs de premier plan pour anticiper les enjeux du monde actuel (famille recomposée, dépendance, parcours immobilier,…).
C’est une profession immergée dans la vraie vie qu’il faut écouter car elle est à la croisée du droit et de son application comme l’a démontré la mise en garde sur le malheureux dispositif de la loi ALUR.
C’est la seule profession du droit qui assure un véritable maillage territorial et permet aux notaires d’être proches de chaque Français, de chaque collectivité territoriale, et par voie de conséquence de trouver des solutions adaptées et non contentieuses aux particularités de chaque famille et de chaque territoire. Il serait dommageable d’ébranler le système notarial français, et de provoquer ainsi, après les déserts médicaux français, des déserts juridiques français.
Le notariat permet aux Français de disposer d’une administration de la justice efficace pour des coûts de 2 à 5 fois inférieurs au système en vigueur dans les pays de droit Anglo-saxon en évitant la lourdeur et les coûts financiers et humains de procès ou encore d’avoir l‘obligation de souscrire des assurances spécifiques pour garantir son titre de propriété.
Le notariat, par son tarif, permet aux plus modestes des Français de disposer d’un service juridique de qualité, sans avoir besoin de recourir à un système d’aide juridictionnelle financée par l’état.
Notre profession, 100 % « Made in France », forte de 48 000 emplois, exporte partout dans le monde son système notarial, et depuis 2005 en Chine ; assurant par là-même la promotion du droit continental face à la Common Law anglo-saxonne. 86 pays dans le monde, économiquement parmi les plus forts et représentant les 2/3 de la population mondiale, soutiennent leur notariat comme constituant un facteur de sécurité juridique et de confiance.
Alors pourquoi la France, qui a inventé ce notariat, qui donne désormais satisfaction à tant d’autres pays, le supprimerait-elle ?