Parce qu’il n’est pas toujours facile pour les victimes d’exercer leurs droits du fait soit d’une méconnaissance du fonctionnement judiciaire, soit du traumatisme qu’elles ont pu subir lors d’une agression, d’un attentat, d’une situation de harcèlement…, ces dernières font l’objet d’une attention de tous les instants par France Victimes 21. A Dijon, comme en Côte-d’Or, voilà une association qui ne fait jamais la une de l’actualité. Son président, Jean-Dominique Caseau, lève le voile sur un travail quotidien tout aussi discret qu’efficace.
Si vous deviez décrire l’activité de France Victimes 21 en quelques mots…
« France Victimes 21 offre non seulement aux victimes d’infractions pénales mais à toutes victimes un accompagnement personnalisé et gratuit, fondé sur trois principes que constituent l’accueil, l’écoute et l’information qui les aident à dépasser le traumatisme moral et matériel qu’elles ont subi à travers l’acte infractionnel, contribuant ainsi à leur pleine restauration. La réparation des dommages subis par toute victime à la suite d’un acte de délinquance, de violences, notamment conjugales, d’accident ou d’une catastrophe collective, c’est à dire l’indemnisation intégrale et effective comme reconnaissance des souffrances, du dommage psychique et des pertes subies constitue un impératif pour notre Justice ».
Pour autant, cette réparation dans la quête de justice ne se limite pas à l’indemnisation ?
« Les victimes veulent d’abord connaître la vérité. Ce qui pose encore la question de la juste place des victimes dans la procédure pénale et dans le procès pénal. A cet égard, l’accueil des victimes aux audiences correctionnelles ou leur accompagnement éventuel aux Assises participent à cette nécessité. Depuis 35 ans, de nombreuses évolutions législatives et réglementaires sont intervenues en faveur du renforcement des droits des victimes. Par ailleurs, le développement de la prise en charge de façon pluridisciplinaire incitée par l’Etat améliore la coordination et la mise en œuvre des différents dispositifs sur le plan départemental d’accompagnement juridique social et administratif ».
Chaque jours, l’actualité révèle des faits divers toujours plus nombreux. On imagine l’impact que cela peut avoir sur votre activité ?
« L’aide aux victimes s’inscrit aujourd’hui dans le paysage d’une actualité anxiogène. Après la crise sanitaire, les malaises sociaux, les problèmes environnementaux, les conflits internationaux surexposés médiatiquement, les enjeux géopolitiques, les influences non maîtrisées des réseaux sociaux… ont pour conséquence la multiplicité des formes de violences et de délinquances. C’est une réalité matérielle et quotidienne que ce soit en termes de violences conjugales, de violences volontaires, d’agressions sexuelles et viols, d’homicide ou tentative, de harcèlements, de menaces, d’injures, de discrimination, de vols, d’escroqueries, de troubles du voisinage, d’accidents de la voie publique…
Vous pouvez le constater : la palette est malheureusement très large et nous mobilise sur tous les fronts. Voici quelques exemples que vos lecteurs seront peut-être surpris de découvrir. Ce sont les pompiers qui bénéficient de notre aide pour des faits les ayant impactés dans le cadre de leurs interventions. Ce sont les rencontres avec des victimes pour les informer des raisons du classement sans suite de leur plainte et leur exposer les voies de recours… ».
Quelle est la nature des dossiers qui vous sont le plus souvent confiés ?
« Ces années de crise ont révélé, en particulier, une hausse des signalements de violences contre les femmes dans le cadre conjugal. C’est une question qui mobilise évidemment beaucoup de notre temps dans le sens où c’est la priorité qui nous est donnée. Ce qui a évolué au niveau des violences conjugales, ce n’est pas forcément qu’il y en a beaucoup plus, c’est avant tout leur mise en avant.
Pour l’année qui vient de s’écouler, ce sont 1 500 victimes qui ont été assistées. 30 % des victimes reçues relevaient d’une problématique extrêmement douloureuse de violences conjugales.
Si je reviens sur le chiffre global de 1 500 victimes accompagnées, c’est pour dire qu’il y en a 560 qui ont fait l’objet d’une réquisition du parquet. Au total, nous avons procédé à 4 000 entretiens et assuré une présence systématique aux audiences immédiates. Un de ces entretiens s’est même exceptionnellement tenu en gendarmerie afin d’accompagner une personne lors d’un moment sensible de sa procédure judiciaire.
80 % des victimes ont été aidées pour une atteinte à la personne. Parmi ces victimes, il y a une proportion plus importante de femmes que d’hommes. Le reste concerne des personnes qui ont subi des atteintes aux biens.
L’association aura 39 ans cette année. Depuis sa création, elle a traité environ 60 000 dossiers de victimes d’infractions pénales ».
Revenons aux violences conjugales et plus particulièrement à l’utilisation d’outils dont vous assurez la gestion…
« Il y a effectivement deux dispositifs dont nous sommes responsables. Ce sont les téléphones grand danger (TGD) et les bracelets anti-rapprochement (BAR), un système qui géolocalise le conjoint interdit d’approcher la victime et qui va déclencher une alerte reçue par la police ou la gendarmerie et par nous-mêmes dans la mesure où nous sommes soumis à ce type d’astreinte.
Sur décision du Parquet, c’est l’association qui gère l’aspect matériel et le suivi. 94 femmes sont actuellement équipées de TGD et 16 disposent de la technologie BAR.
Les juges d’application des peines nous sollicitent une fois le jugement rendu afin de recueillir les observations de la victime à chaque demande d’aménagement de peine formulée par l’auteur ».
Et que deviennent les enfants des victimes de violences conjugales ?
« Nous n’oublions évidemment surtout pas les enfants, parfois très jeunes, qui sont témoins d’actes de violences contre leur mère, voire pire… Ils subissent eux aussi un véritable traumatisme et c’est totalement intolérable. Les enfants ne sont jamais indemnes de tout retentissement lorsqu’ils ont été confrontés à la violence au sein de la famille.
Je n’ai d’ailleurs pas manqué d’attirer l’attention du Président de la République à ce sujet lors d’un de ses déplacements à Dijon. Il est essentiel que cette parole des enfants puisse être entendue surtout lorsqu’ils ont développé un ressenti de peur. Pour tenter d’être plus à l’écoute des enfants, de faciliter l’expression des émotions, et de lutter contre l’omerta et la honte qui accompagnent ces drames familiaux, nous avons mis en place une instance d’écoute et de suivi psychologique qui a été logiquement déplacée au CHU à la demande du ministère et du Parquet dans la mesure où cette initiative s’inscrit dans un schéma global ».
Et parfois vous tentez même d’instaurer un dialogue entre la victime et l’auteur ?
« C’est une expérience, encore peu développée en France, que nous avons mise en place à Dijon. On fait un peu figure de pionnier dans ce domaine. 23 entretiens ont été menés dans ce cadre là. Ils s’inscrivent dans un processus de mise en place du principe de justice restaurative qui a pour objet d’instaurer un dialogue entre la victime et l’auteur dans la reconstruction de l’une et la responsabilité de l’autre ».
Combien de personnes travaillent au sein de France Victimes 21 ?
« Nous avons une équipe de 5 salariés qui se compose d’une directrice, de deux juristes à temps plein, une psychologue à temps partiel et une aide sociale à temps plein. Grâce à des crédits que j’ai pu décrocher, nous allons créer un sixième poste. A cela vous ajoutez trois personnes bénévoles qui font également de l’accueil et de la médiation pénale ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre
Pour contacter l’association
Cité Judiciaire
13 boulevard Clémenceau. BP 1513
21033 Dijon cedex
03 80 70 45 81
francevictimes21@gmail.com