Antoine Hoareau : « Le problème de la pénurie de logements »

Dijon a participé, pour la 3e fois, à la Nuit de la Solidarité ayant pour but de quantifier le nombre de personnes vivant dans la rue L’adjoint Antoine Hoareau fait le point sur ces situations d’extrême précarité.

D’aucuns ont l’impression que l’on redécouvre chaque année la situation des personnes sans-abri au moment des périodes de grand-froid

« Nous sommes au plus près toute l’année à travers tout le travail que nous réalisons en lien avec l’État, qui, il faut le rappeler, a la compétence de l’accompagnement des sans domicile fixe et en lien avec toutes les associations avec lesquelles nous œuvrons. Nous mobilisons environ 2,5 M€ par an tous budgets confondus entre la métropole, la Ville et le CCAS uniquement sur la problématique des personnes sans-abri.

Effectivement, nous continuons la Nuit de la Solidarité parce qu’il nous semble important de comprendre quels sont les freins auxquels sont confrontés les personnes sans-abri pour l’accès à l’hébergement d’urgence. Ce que nous avons constaté sur ce sujet, c’est qu’il y a une très importante difficulté liée à l’accès au logement. Lorsque quelqu’un est en rue, il va passer par l’hébergement d’urgence et l’objectif est de le sortir de la rue pour qu’il puisse, à travers les dispositifs et après un accompagnement renforcé, pouvoir bénéficier d’un logement autonome. La difficulté que l’on rencontre aujourd’hui, c’est qu’ils n’arrivent pas à accéder à un logement autonome car nous avons une pénurie de logements à Dijon ».

En 10 ans, selon la Fondation Abbé-Pierre, les personnes sans-abri sont passées au niveau national de 142 000 à 330 000…

« C’est ce que nous avons constaté à Dijon. Entre la Nuit de la Solidarité 2022 et celle de 2023, le nombre de personnes constatées en rue a doublé. En 2022, nous avions vu 10 personnes et l’année suivante 20. Et nous en avons rencontré 50 ce 25 janvier ! C’est particulièrement inquiétant. La problématique des personnes en rue est prégnante et les travailleurs sociaux nous le disent. Il est aujourd’hui très difficile d’orienter les personnes en rue vers des dispositifs pérennes parce que, je le répète, nous avons un vrai problème de logements.

C’est un sujet national et je ne peux que regretter que dans le premier gouvernement Attal il n’y ait pas de ministre du Logement alors que c’est un sujet primordial. Il faut que l’on construise des logements. Localement, nous sommes parfois attaqués par des alliances objectives entre la droite conservatrice et une certaine frange de l’écologie radicale qui refusent absolument que l’on construise de nouveaux logements. Mais je rappelle que la première dignité humaine est de pouvoir se loger. Nous ne construisons pas pour le plaisir mais parce qu’il y a des besoins criants à Dijon comme partout ailleurs dans les grandes villes ».

Et les espaces urbains sont plus impactés par le phénomène de grande paupérisation

« Oui, les villes représentent les espaces qui concentrent le plus de pauvreté. J’en veux pour preuve l’évolution du taux de pauvreté à Dijon par rapport à celui dans le département. Nous sommes passés dans la capitale régionale de 13 à 16% en 10 ans de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté alors que dans le reste du département nous sommes passés de 11 à 12%. Cela montre bien la concentration des personnes les plus précaires sur les villes et ce n’est pas spécifique à la Côte-d’Or. C’est normal car c’est là où sont les services. Et malgré tous les dispositifs que nous mettons en place localement afin d’accompagner les personnes en très grande précarité, nous nous heurtons à l’accès au logement ».

Pouvez-vous nous dire aujourd’hui quel est le nombre de personnes sans-abri à Dijon ?

« C’est compliqué d’avoir un chiffre exhaustif. Nous avons les personnes que l’on connaît qui fréquentent le foyer Sadi Carnot, l’accueil de jour… et nous avons aussi toute une partie de la population en rue qui est invisible parce qu’elle est soit hébergée à titre gracieux chez un tiers, soit occupe un squat… Ce que l’on peut dire c’est que Dijon, par rapport à d’autres villes en proximité, n’est pas dans une situation où cette population en rue est nombreuse.

C’est toujours trop, forcément, mais c’est très faible comparé à Lyon par exemple. Ma collègue adjointe aux affaires sociales de Lyon, Sandrine Runel, m’expliquait qu’ils avaient mobilisé 11 de leurs écoles pour des familles afin qu’elles puissent y dormir, ouvert 2 gymnases… Nous ne sommes pas du tout dans cette situation-là à Dijon et on peut s’enorgueillir d’une chose même si nous avons eu un petit souci au mois de septembre : il n’y a pas d’enfant qui dort dans la rue à Dijon ! »

Propos recueillis par Xavier Grizot