Mascarade

Fresque sentimentale de Nicolas Bedos avec Pierre Niney, Isabelle Adjani, Marina Vacth, François Cluzet, Emmanuelle Devos, Laura Morante, Charles Berling et Nicolas Briançon.

Lorsqu’un jeune gigolo tombe sous le charme d’une sublime arnaqueuse, c’est le début d’un plan machiavélique sous le soleil brûlant de la Côte d’Azur. Les deux amoureux sont-ils prêts à tout pour s’offrir une vie de rêve, quitte à sacrifier celle d’une ancienne gloire du septième art et d’un notable transi ?

Après deux premiers films singuliers et réussis, Monsieur et Madame Adelman (2016) et La Belle Epoque (2019) et le ratage de la franchise OSS 117 avec le lourdingue Alerte rouge en Afrique (2021), l’excessif Nicolas Bedos signe pour son quatrième film une comédie noire sous le soleil de la Côte d’Azur, entre Sunset Boulevard (1951) de Billy Wilder et True Romance (1993) de Tony Scott, deux références assumées qui sont ne sans doute pas les seules.

Long, chiant et roboratif ?

Pendant deux heures et quart (le film a été remonté et raccourci de huit minutes depuis sa version projetée en mai au Festival de Cannes), nous allons suivre les histoires imbriquées de plusieurs personnages hauts en couleur, en plus de celle azuréenne de la riviera méditerranéenne. Ici tout le monde se souvient de Martha (Isabelle, plus Adjani que jamais), star sur le retour qui entretient le jeune et bellâtre Adrien (Pierre Niney impeccable), ancien danseur blessé reconverti en biographe de son illustre ainée. Lors d’une soirée organisée par l’actrice pour mettre en lumière toute l’étendue de son talent, Adrien croise la tonitruante et fraudeuse Margot (formidable Marina Vacth, mélange de vulgarité assumée et de classe renversante) et en tombe amoureux. Les deux arnaqueurs vont entrainer dans leurs manigances un agent immobilier (François Cluzet déboussolé), père de famille totalement dépassé par la bourrasque de sentiments provoquée par Margot, la reine de la mascarade.

Allez, j’avoue avoir toujours eu un faible pour l’œuvre de l’insupportable et médiatique Nicolas Bedos. Même s’il a souvent tendance à en faire « un peu » trop … Et encore une fois, il en fait des tonnes, dans son scénario comme dans sa mise en scène, et c’est peut-être bien là le souci de sa Mascarade. Certes, la réplique prémonitoire, « C’est long, c’est chiant, c’est roboratif. Et c’est la Palme d’or », après la consécration de Sans Filtre de Ruben Östlund, est assez drôle. Le problème est qu’on pourrait presque appliquer la répartie à ce quatrième opus bedossien, si bien déconstruit peut-être, sophistiqué assurément, mais aussi un poil tarabiscoté. Les scènes de tribunal par exemple n’apportent rien et ne font que rendre complexe inutilement une intrigue qui l’est déjà bien assez. Quant à la vulgarité pseudo provocatrice de certains passages, on pourrait s’en passer !

Une pluie de références

Si comme le reconnait Pierre Niney qui a découvert Sunset Boulevard de Billy Wilder lors de la préparation de Mascarade : « J’ai trouvé ça exceptionnel et évidemment, il y a des choses de la narration, de la pluralité des points de vue, du cynisme et de la virtuosité que l’on peut retrouver dans l’écriture de Nicolas Bedos. », on peut penser également à des œuvres moins prestigieuses mais néanmoins séduisantes : le Sexcrimes (1998) de John McNaughton ou Les Innocents aux mains sales (1975) de Claude Chabrol avec Romy Schneider. D’ailleurs Bedos a déclaré à propos de Marina Vacth qu’elle était « sa Romy Schneider à lui ».

S’il faut aller voir Mascarade, c’est bien pour elle : Marina Vacth ! L’actrice était à l’affiche encore récemment de deux très bons films : Le Soleil de trop près de Brieux Carnaille et Entre la vie et la mort de Giordano Gederlini. Son personnage d’escort, reine de l’arnaque, est beaucoup plus trouble qu’il n’y parait, et la jeune actrice apporte un dangereux mystère à un thème assez convenu que Bedos parvient quand même à transcender, grâce à la lumière incomparable du lieu qu’il a plaisir à filmer. Pour Marina Vacth « Ce sont en effet deux femmes, mon personnage et celui joué par Laura Morante, qui tirent les ficelles. Et Margot dit à un moment donné, dans le film, quand elle parle de son plan pour le futur : Je veux être tranquille avec ma fille sans homme pour nous faire chier. Mais Mascarade n’est pas pour autant un film contre les hommes ou seulement pour les femmes. Il croise des thématiques de société mais demeure une fiction avec des personnages qui font apparaître et disparaître certains masques et qui s’aiment trop tôt ou trop tard. » La vie, comme le cinéma, est une question de timing et de rythme.

La musique aussi ? Et pour finir, comme souvent, sur quelques notes musicales, Anne-Sophie Versnaeyen signe une bande originale romantique (piano, cordes et instruments à vents), influencée par les œuvres de Schubert et Liszt, valse de sentiments soulignant la dimension romanesque du récit, chère à son réalisateur. Sans oublier le tube de 1968 de Patty Pravo « La Bambola » (la poupée), qui célèbrerait ici l’ancienne reine Margot plutôt que la nouvelle. Bedos ne nous a pas trompés sur la marchandise avec sa comédie hypocrite et sa mise en scène trompeuse : il s’agit bien d’une mascarade.

Raphaël Moretto