Dijon va bientôt rayonner de mille feux, et les projecteurs médiatiques vont ajouter à son lustre dans quelques semaines. Ceci pour la bonne cause. En effet, c’est ce 6 mai que la Cité de la Gastronomie va enfin ouvrir ses portes, après des années de chantier, de préparatifs, d’attente impatiente ou résignée.
Les jaloux et les grincheux pourraient (se) demander : « Pourquoi ceci à Dijon, plutôt qu’ailleurs ? ». Prenons ici le ton d’une « Défense et illustration du bien manger en terre bourguignonne », et plus précisément en sa capitale.
Le terme « gastronomie », stricto sensu, est peu ragoûtant. Un préfixe assez maladif, quand on y pense ! Et en effet, cela renvoie au grec à « la loi du ventre ». Certes. « Se faire un gastro », ce n’est pas « faire une gastro » ! Mais bientôt, la culture prend le relais de la nature, et là… ! Explosion de sens, fête des papilles et des yeux, estomacs et cœurs en liesse, hommes, âmes et femmes à la fête de concert, fête de ce qui incorporé et par une mystérieuse alchimie, fait corps et fait lien.
Plus largement, cela nous rappelle aussi que cette cuisine possède des résonances culturelles et même civilisationnelles. C’est là qu’on rencontre sa pleine dimension anthropologique, outrepassant la surface biologique et fonctionnelle de ces plats qui ne le sont jamais, plats, tant ils racontent des histoires, transmettent des traditions, rassemblent des communautés de goûts.
Gastronomie et Dijon, une histoire liée. On égrène une heureuse liste, du cassis au bœuf bourguignon, de la moutarde aux œufs en meurette, du pain d’épices aux nonettes et jusqu’à des chapelets de fromages blancs et blonds, crémeux toujours, tristes jamais. Bien sûr, on pourrait aussi évoquer les vins de Bourgogne, voyant les plus grands crus de la planète être égrenés sur un route mythique, qui en quelques dizaines de kilomètres, réunit des étiquettes de légende et réussit un strike parfait.
La terre de Bourgogne est opulente, sa gastronomie généreuse, invitant à l’hédonisme, incitant à l’épicurisme, exigeant lenteur et hauteur, là où l’air du temps incline à l’urgence et à la superficialité.
Dijon, terre de banquets, de festins, d’agapes et de bombances, mérite cette couronne bien plus que d’autres villes, honorant la table certes, mais de manière moins symphonique et historique.
A l’avenant, la consécration par l’Unesco du repas gastronomique français au Patrimoine mondial immatériel il y a une dizaine d’années, ainsi que le classement au même rang des « Climats de Bourgogne » confirment la suprématie, assoit la légitimité de Dijon.
La gastronomie est un patrimoine, mais un patrimoine vivant, ouvert, dont le musée est l’assiette, et le conservatoire la table.
La gastronomie est cette étonnante alchimie consistant « à transformer de la matière en bonheur » (Guy Savoy). Elle est à la pointe de nouveau (après tellement d’expérimentations culinaires hasardeuses…), éclatante consécration de cette vague de fond, réhabilitant la cuisine pour en faire un « fait social total » (M. Mauss) : toutes les dimensions de la société s’y retrouvent, et y sont mobilisées. Michel Onfray affirmait que « manger est un acte politique en même temps que culturel, sociologique, métaphysique, philosophique »; un acte moral, aussi. Car à table, les plats servis sont bons ou mauvais, convoquant dès lors des catégories assignant le contenu de nos assiettes au bien et au mal. Et dans le registre religieux, quelques centaines de millions de catholiques implorent chaque jour le Ciel dans leurs prières, afin qu’Il leur donne « leur pain quotidien »…
La gastronomie en sa Cité pourrait avoir un côté intimidant, tenant nos tables quotidiennes à bonne distance, du haut de sa superbe aristocratique. N’oublions pas que plus largement, la table fait recette, et les Français se révèlent « toqués » de cuisine. Car ce vaste mouvement sociétal aboutissant au couronnement de notre ville traduit une aspiration profonde, exprimée par de plus en plus de personnes : manger mieux, retrouver le temps et le goût de la vraie cuisine, (ré)apprendre à les partager avec famille et amis. Et redécouvrir aussi le formidable potentiel de créativité, de sociabilité paisible, de longévité et de plaisirs dont marmites et fourneaux sont les sésames quotidiens.
Ce que notre Cité portera comme message, c’est que cette activité quotidienne – se nourrir – possède en fait une dimension culturelle primordiale. Heureux et judicieux message offert « à la ville et au monde », quand une part importante de notre destin individuel et collectif se lit et se joue au fond de nos assiettes. Celles-ci constituent un creuset identitaire ouvert sur les cultures et les générations, le passé et l’avenir, les autres et les nôtres.
Pascal Lardellier
10 bonnes raisons de goûter à la Cité
- Parcourir des expositions consacrées au repas gastronomique des Français et participer dans la foulée à des ateliers culinaires ou de dégustation.
2. Faire son shopping gourmand dans les boutiques spécialisées du Village gastronomique. Fromages de La Planche, fruits et légumes du Charreton, poissons et fruits de mer d’origine française de L’Ecaille, viandes françaises du Billot, douceurs de La Gloriette, pain et les viennoiseries du Moulin, arts de la table du Dressoir et condiments au Manège à Moutarde : il y en a pour tous les goûts.
- Dénicher à la Librairie gourmande parmi plus de 10 000 ouvrages culinaires et œnologiques, le manga branché La cantine de minuit ou l’un des rares exemplaires des Fastes de Bacchus de Gérard Oberlé.
- Déguster l’un des 250 vins au verre proposés quotidiennement par la Cave de la Cité parmi 3 000 références en bouteilles, dont 1 000 en Bourgogne.
- Offrir à un proche un dîner accords mets-vins conçu par Eric Pras, le seul chef 3 étoiles Michelin de la région Bourgogne-Franche-Comté, directeur culinaire du groupe Epicure dans la Cité.
- S’essayer face au public à un battle de chefs dans la Cuisine expérientielle.
- Découvrir l’adorable chapelle construite en 1459 ou vivre une expérience immersive au sein des paysages dijonnais du « 1204 », le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine de Dijon.
- Se faire une toile dans l’une des neuf salles du cinéma Pathé après avoir dévoré en famille une formule locavore sous la verrière du bar à manger Bamagotshi.
- Comprendre la notion de millésime à l’école des vins de Bourgogne du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) pour faire le lien avec les tout proches Climats du vignoble de Bourgogne inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.
- Changer de vie en s’inscrivant aux formations cuisine ou pâtisserie du campus de Dijon de l’école Ferrandi Paris.