Comme nous vous l’annoncions dans notre numéro du 21 avril dernier, le restaurant gastronomique, le comptoir bistronomique et la cave de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin ont été dévolus au groupe Epicure Investissement, piloté par Julien Bernard. Celui-là même qui créa le cabinet Nova Consulting dont l’excellence dans le domaine de la culture, du tourisme et du sport, à l’échelle nationale, est on ne peut plus reconnue. C’est notamment à ce cabinet que l’on doit le renouveau de la restauration de la Tour Eiffel. Quant à Epicure Investissement, il a déjà prouvé son savoir-faire avec la réussite d’un projet gastronomique et culturel à Sète, autour d’un restaurant iconique : The Marcel. Quelques mois seulement après son ouverture, celui-ci décrochait une étoile au célèbre guide Michelin et créait même une annexe sous les halles de la cité sétoise. Pour ses trois espaces de la CIGV, Epicure Investissement s’adosse à Eric Pras, à la tête de la Maison Lameloise à Chagny, le seul chef 3 étoiles de Bourgogne Franche-Comté, en lui confiant la direction culinaire. Julien Bernard se félicite de ce partenariat et nous explique les enjeux de son « plus beau projet… »
Dijon l’Hebdo : Eu égard à certains blocages dont a souffert ce projet, beaucoup d’investisseurs auraient pu abandonner. Cela n’a pas été votre cas. Bien au contraire… Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Julien Bernard : « Avec Nova Consulting, nous avons réalisé toutes les études de faisabilité. Il faut être lucide : le potentiel est essentiel. Nous sommes sur une région exceptionnelle, une région touristique, avec un terroir, à la fois vineux et gastronomique, bénéficiant d’une image incroyable. L’ancrage et la politique touristique de la ville faisaient aussi qu’il y avait un potentiel exceptionnel à Dijon. Nous avons, par exemple, la chance de développer la Cité du Chocolat Valrhona à Tain l’Hermitage, petite ville le long de la Nationale 7, qui fait 150 000 visiteurs. Le deuxième point qui a été fondamental réside dans le rôle de la ville. Celle-ci a joué un rôle différent que dans d’autres cités, puisqu’elle a décidé depuis le début de prendre les choses en main. Le président de Dijon métropole s’est engagé sur ce sujet, a convaincu des partenaires. C’est le point important. Derrière la ville, il y a le BIVB (Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne), l’école Ferrandi, des acteurs clefs comme Pathé-Gaumont sur la partie cinéma, le groupe K-Rey avec William Grief… Des gens se sont impliqués à un niveau que l’on ne retrouve pas sur tous les projets de ce type. Enfin, ce projet s’appuie sur des thématiques particulièrement fortes, la gastronomie et le vin, et surtout lorsque l’on peut les déguster. C’est un gage pour nous depuis le début de succès. Après il faut être patient, loyal, fidèle et cela fait partie de notre ADN. Nous sommes un petit groupe familial et nous avons décidé de nous engager ! »
DLH : En quoi consistera le rôle d’Eric Pras à qui vous confiez la direction culinaire de vos 3 futurs établissements sur la Cité ?
J. B : « Déjà, c’est un vrai bonheur de participer à ce projet depuis six ans avec Eric Pras, un homme incroyable qui a une vraie vision, une précision, une humilité. Nous apprécions à la fois son côté MOF (Meilleur ouvrier de France), son côté technique très présent. C’est un chef qui a fait très peu de partenariats, qui sort rarement de sa cuisine. Aussi sommes-nous très honorés qu’il ait accepté d’être notre directeur culinaire. C’est lui qui fait toute la cuisine de A à Z : il fait les cartes, choisit les équipes, s’engage dans le suivi, est présent sur place afin que le niveau soit bel et bien au rendez-vous. Notre projet se déclinera avec 3 formats différents mais sera toujours respectueux de la Bourgogne »
DLH : Vous souhaitez également fédérer autour de votre projet nombre de chefs du territoire…
J. B : « Eric Pras sera, en effet, en relation avec tous les acteurs du territoire, que ce soit les producteurs, les métiers de bouche, mais aussi tous les chefs afin de les fédérer ou de les associer sur la partie événementielle ou sur la carte des vins-restaurants. Il nous aidera à innover, afin de travailler sur des choses assez atypiques. Nous voulons accueillir tous les chefs qui le désirent. Nous avons actuellement beaucoup d’échanges. Notre carte permettra toujours de valoriser la cuisine de chefs locaux. Avec Eric Pras et la Maison Dansard (ndlr : traiteur), nous accueillerons tous les mois un chef différent afin qu’il présente ses recettes. Cela permettra de montrer qu’il existe ici nombre de profils de chefs, étoilés ou non, et cela valorisera toute la diversité de la gastronomie. Ensuite, Eric Pras préconise le repas à 4 et 6 mains. Il adore faire cela. C’est un MOF, c’est un compagnon qui apprécie travailler avec ses collègues. Nous pourrons réaliser ces belles histoires dans notre future table étoilée ou dans la cuisine expérimentielle. Enfin, je n’oublie pas la dimension événementielle que nous ferons aussi avec les chefs du territoire. Nous nous inscrirons dans la dynamique développée par la Ville pour mettre en place des événements collectifs »
DLH : Quel sera le concept de votre restaurant gastronomique, la Table du Chef ?
J. B : « Son objectif ne sera pas d’être un restaurant gastronomique de plus mais d’être différent. Les gens choisiront parmi 50 grands crus les vins qu’ils souhaiteront déguster et, en fonction, ils auront un menu personnalisé, qui ne sera jamais le même. Ce sera une alliance vins et mets et non l’inverse. Celui-ci disposera d’une cuisine ouverte qui, à nos yeux, est emblématique et magnifique sous des voûtes splendides qu’ont rénovées Eiffage et la Ville. Nous avons la chance d’avoir un écrin magnifique dans lequel nous verrons les chefs travailler sur ces fameux menus personnalisés. L’idée est d’avoir 40 à 50 couverts ».
DLH : Le Comptoir du Chef participera plus lui à la démocratisation de la gastronomie…
J. B. : « Ce deuxième restaurant est très important pour nous parce qu’il va être à l’entrée de la Cité, juste au-dessous de l’Ecole Ferrandi, dans le fameux canon de lumière. Nous aurons un comptoir de dégustation, de tapas, de choses extrêmement simples mais de qualité, locales, fraiches, dans des recettes conçues par le chef et travaillées par la Maison Dansard mais aussi dans une logique de vente à emporter. Nous voulons que les visiteurs comme tous les gens qui vivent dans le quartier puissent y accéder. C’est fondamental à nos yeux. C’est le cœur de notre concept chez Epicure, puisque nous avons développé une gamme d’épicerie fine de chefs, appelée Les Grandes Maisons de la Gastronomie française, destinée à respecter les saisons, les producteurs, les terroirs avec des chefs qui font des recettes étoilées mais à petits prix. Nous sommes sur des produits qui sortent à moins de 10 €. Notre objectif est de proposer aux visiteurs la possibilité de se régaler à des prix accessibles, que ce soit assis, au comptoir, ou en vente à emporter ».
DLH : Quid également de la Cave de la Cité ?
J. B : « C’est peut-être le projet qui nous tient le plus à cœur car c’est le plus atypique. C’est cette fameuse cave de la Cité. L’enjeu, pour nous, était de l’intégrer dans l’expérience de visite. L’idée est que les visiteurs puissent déguster une carte la plus large possible de vins, car nous aurons la chance de disposer 250 « œnomatic ». C’est à dire 250 vins au verre et ils pourront choisir évidemment des vins de Bourgogne à des prix très abordables mais aussi des vins d’autres régions et du monde entier. La signature qui est la nôtre est d’acheter des vins de vignerons. Nous aurons 3 000 références… »
DLH : Cet espace sera-t-il la plus importante cave au monde ?
J. B : « Factuellement, elle pourrait l’être mais nous ne l’avons pas du tout fait pour cela. Ce n’est pas une question de chiffres, notre volonté est de pouvoir gérer la diversité, de proposer un véritable choix, allant des vins au verre à 4 € jusqu’à des grands crus qui bénéficieront d’une cave dédiée. Nous travaillons sur ce projet en partenariat avec le BIVB afin de respecter, là aussi, l’image et le sens des vins de Bourgogne. A l’instar du restaurant gastronomique et du comptoir, notre volonté est de rester dans les alliances vins-mets. Avec le chef Eric Pras, nous avons aussi la chance de développer une cave à manger, qui sera un espace dans lequel les visiteurs trouveront des produits bruts, comme le fromage, la charcuterie… Dans chacun de nos lieux, les visiteurs découvriront également une bibliothèque monumentale afin de présenter tous les vins. Des œnologues seront présents afin de pouvoir échanger, répondre aux questions des visiteurs ».
DLH : Pouvez-vous nous dire combien vous investissez dans ce projet de taille ?
J. B : « C’est un projet de qualité, de sens pour notre groupe qui nous servira de vitrine, d’innovation, mais aussi de laboratoire parce que nous voudrions faire ailleurs ce que nous développons ici sur ces alliances vins-mets. Nous investissons beaucoup parce que, lorsque l’on veut être innovant, il faut s’en donner les moyens. Et nous allons faire le maximum… »
Propos recueillis par Camille Gablo
Eric Pras, directeur culinaire
« Ce projet de la CIGV me tient particulièrement à cœur. Ma fonction de directeur culinaire s’inscrit dans la continuité de mon engagement comme co-président du COS (comité d’orientation stratégique). Ce qui m’a plu dans cette offre de restauration, c’est qu’elle se décline autour de 3 formats différents, suivant les profils et les attentes des visiteurs. Je ne souhaite pas intervenir seul. Je veux fédérer l’ensemble des chefs du territoire qui le désirent. Nous sommes en train de discuter avec nombre d’entre eux pour pouvoir les intégrer au cœur du projet. Tout comme le COS, ce projet allie pour moi des valeurs qui me sont chères : le collectif, la passion et l’amour de la Bourgogne ! »