Aux portes de Dijon, Gevrey-Chambertin n’est pas une commune comme les autres. Elle est connue dans le monde entier pour ses 9 neufs grands crus (un record !). Mais le Maire Christophe Lucand entend aussi en faire une commune exemplaire sur le plan du développement durable.
Dijon l’Hebdo : Destinée à œuvrer à l’attractivité de votre commune, notamment touristique, la « Halle Chambertin » que vous avez inaugurée récemment s’articule autour du vin et de la nature. N’est-ce pas le meilleur exemple de votre engagement pour le développement durable ?
Christophe Lucand : « Pour Gevrey-Chambertin, le vin et la nature représentent en effet un couple essentiel et indissociable que le tourisme doit promouvoir à travers, notamment la Halle Chambertin. Gevrey s’est en effet fondée à l’articulation entre l’un des vignobles les plus réputés au monde et une Réserve Naturelle Nationale exceptionnelle, la « Combe Lavaux-Jean Roland ». Créée à l’initiative Jean-Claude Robert, aux portes de Dijon, elle se présente comme une véritable pépite parce que, aux abords de nos Grands Crus et de nos vignobles, nous disposons d’un espace forestier d’essence montagnarde où se développe, par exemple, la célèbre « Lunetière de Dijon » (la « Biscutelle »), espèce unique au monde. Cet espace hors du commun est ouvert aux visiteurs, aux curieux et aux touristes, pour les promenades dominicales, les randonnées, ou encore la pratique de l’escalade. Elle est un espace naturel où l’on éduque et où l’on sensibilise au respect et à la promotion de l’environnement. C’est essentiel pour nous ; une vraie vocation pour notre commune et, au-delà encore, pour tout notre canton que nous représentons et défendons avec Céline Tonot ma collègue au Conseil Départemental. »
DLH : Gevrey-Chambertin a ainsi pris le tournant du tourisme durable…
C. L : « Nous sommes en effet au cœur du sujet ! C’est une nouvelle forme de tourisme mais qui s’inscrit pleinement dans nos plus grands atouts. Le fait est que nous ne sommes pas calibrés pour accueillir un tourisme de masse. Nos grands vins et le vignoble se prêtent davantage à un tourisme qualitatif propice aux pratiques respectueuses de l’environnement dans une orientation éco-durable promue par mon équipe municipale. Avec mes élus, nous développons une dimension écologique totalement inédite, singulière et innovante. Notre adjointe à l’écologie, Malika Amini, a ainsi en charge de promouvoir à la fois des actions et des investissements identifiés comme transversaux sur toutes les dimensions de l’écologie. Il s’agit d’engager une conversion de nos modes de fonctionnement en offrant à chacune et à chacun de participer à un changement global des pratiques tout en permettant à tous de faire des économies. C’est la valorisation de la biodiversité, du patrimoine local, des filières courtes, du recyclage, du tri sélectif, de la transition énergétique, de la lutte contre l’émission de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. Nous allons également favoriser les nouvelles mobilités avec, notamment, la promotion du vélo, la mise en valeur de notre gare, le développement des déplacements doux, la valorisation de notre lien essentiel avec Dijon à travers le train et le covoiturage. Nous allons également mettre en valeur des initiatives écologiques nouvelles auprès de nos habitants ».
DLH : Sur les modes de déplacement doux, et notamment le vélo, particulièrement tendance actuellement, comment espérez-vous changer de braquet ?
C. L : « Nous réfléchissons actuellement sur la mise en place d’une prime « coup de pouce » aux vélos. Celle-ci sera dédiée à l’achat de vélos, neufs ou d’occasion, mais aussi à l’aide à la réparation et à l’usage. Nous allons œuvrer au développement de pistes cyclables, d’abris vélos esthétiques et sécurisés. Nous avons installé avec la Région Bourgogne Franche-Comté notre premier abri vélo solaire à la gare et nous allons développer cela sur le reste de la commune. Nous allons également lancer un sondage sur l’utilisation du vélo. Ce n’est pas si évident que cela pour une commune comme la nôtre, à la fois proche et lointaine de Dijon – nous sommes à 11 km. Comme nous l’avions fait il y a quelques années avec Alterre Bourgogne, sur la thématique « J’y vais autrement », les modes de déplacements sont à repenser. Le grand défi, c’est de permettre aux cyclistes de circuler en toute sécurité dans nos rues et sur nos routes. C’est ma préoccupation majeure. Il faut adapter la ville et son réseau routier ».
DLH : Comment une commune de la taille de la vôtre peut-elle réellement agir sur la sauvegarde de l’environnement ?
C. L : « Parmi les volets du bien-vivre à Gevrey-Chambertin, nous allons par exemple développer des « poumons verts » qui manquent aujourd’hui à notre commune. Je souhaite réaliser un véritable réseau de petits parcs et de jardins dans toute la commune et, pour ce faire, une réflexion est nécessaire avec tous les habitants qui le souhaitent, les acteurs locaux et les partenaires. Ce sont des espaces qu’il faut repenser comme des aires de repos, à la fois ludiques et favorisant le lien social. Aujourd’hui toutes nos communes sont menacées par l’isolement, l’individualisme. De plus en plus de communes tendent malheureusement à devenir des villages dortoirs… Il faut créer de nouveaux lieux de partage et de rencontres inscrits dans la nature, etc. »
DLH : Comment allez-vous faire participer vos habitants à ce chantier majeur pour leur bien-vivre mais aussi pour la sauvegarde de la planète ?
C. L. : « Qui dit développement durable dit en effet démocratie participative ! Sur le modèle de ce qu’a initié François Rebsamen à Dijon, je veux développer des brigades vertes, c’est à dire des groupes d’habitants volontaires et engagés qui pourront s’approprier une partie de l’espace public pour le valoriser en plantant des fleurs, des arbres fruitiers, etc. C’est un défi car nous ne sommes pas une ville fonctionnant avec des comités de quartiers. Nous avons déjà eu des retours très positifs sur cette proposition. Nous allons prochainement créer un Conseil Municipal Junior qui sera très orienté sur les thématiques écologiques. Il faut réveiller les consciences ! »
DLH : Que répondez-vous à certaines voix qui s’élèvent dénonçant l’incompatibilité entre le monde du vin et l’écologie ?
C. L : « L’écologie n’est pas, et n’a jamais été, contradictoire avec la vigne et le vin, au contraire. Il n’y a aucune incompatibilité. C’est un tout ! Chacun à son échelle, à sa mesure, doit agir dans le respect de son environnement en promouvant des pratiques responsables et raisonnées ; c’est l’intérêt de tous, et c’est ce qui est fait à Gevrey-Chambertin en association avec nos vignerons. En ce qui concerne les produits alimentaires en général, je ne suis pas du tout un fanatique du bio qui, pour une part trop grande encore, est issue de productions industrielles, lointaines et mécanisées. Face aux produits bio en provenance d’usines hors-sol, de serres climatisées équipées de lumière artificielle, venus de Hollande ou d’ailleurs, je valorise les produits fermiers locaux, issus de circuits courts et respectueux de pratiques éco-responsables. Dans cette perspective, l’écologie est fondamentalement et intrinsèquement opposée au dogme libéral encore dominant dans les esprits de ceux qui nous gouvernent, à la concurrence soi-disant « libre et non faussée » promue par des règles régies par la seule quête du profit à courte vue. Ces questions essentielles me tiennent réellement à cœur ; elles donnent du sens à mon parcours et à mon engagement local ».
DLH : Eu égard à ses grands crus, et de facto, son terroir, Gevrey-Chambertin est mondialement connu. Cela vous pousse-t-il à être exemplaire ?
C. L : « C’est certain. Cela renvoie à notre Histoire, portée par le prestigieux nom de Gevrey-Chambertin qui, s’il est renommé partout dans le monde, a acquis sa réputation à travers les siècles. Si nos viticulteurs ont la chance d’avoir cette appellation en héritage, c’est parce qu’il y a eu avant eux, à travers les précédentes générations, des femmes et des hommes qui ont rendu cela possible, en créant, par exemple, l’édifice des appellations d’origine, inventé dans notre Côte viticole, afin de garantir l’inscription qualitative de nos prestigieux vins dans le terroir. Autrement dit, ce qui est produit ici, ne peut pas l’être ailleurs. Il y a donc une vraie cohérence aujourd’hui à agir pour le bien-être des habitants de Gevrey-Chambertin, pour le rayonnement et l’attractivité de cette petite ville, et de promouvoir son Histoire, ses héritages et traditions, son identité, son environnement et la dimension écologique qui fonde notre relation du local au plus global. C’est bien dans cette vision que nous nous inscrivons ! »
Propos recueillis par Camille Gablo
Le Wine Food Music de Gevrey-Chambertin
Christophe Lucand : « Nous lançons le 12 septembre le « Gevrey Wine Food & Music » avec notre Office de tourisme. C’est un événement festif, ouvert à tous, petits et grands, promouvant nos beaux produits régionaux qui seront valorisés par de prestigieux viticulteurs et restaurateurs locaux… Parmi les professionnels présents, nous aurons le plaisir d’avoir à nos côtés notamment notre ami Thomas Collomb, étoilé Michelin et lauréat d’une « Étoile Verte » de la gastronomie durable. Cet événement annuel consacre une vraie cohérence d’ensemble pour notre commune. Nous n’additionnons pas les événements et les actions sans un regard global. La valorisation de nos produits et de nos producteurs locaux, notamment à travers ce type d’événement, est essentielle ! L’événement s’inscrit bien dans son terroir, dans le lieu et parmi les producteurs qui le consacrent. Promouvoir nos vins et notre gastronomie, c’est promouvoir notre patrimoine, et notre environnement tout entier. La semaine suivante, le samedi 19 septembre, la ville de Gevrey-Chambertin répondra d’ailleurs présente pour la « Journée mondiale du nettoyage de la planète », le « World CleanUp Day », à laquelle s’associeront tous les habitants volontaires. C’est une première et cela permettra aux habitants de s’approprier l’idée qu’une ville propre où il fait bon vivre est aussi une ville où l’on s’investit. Le lendemain, Gevrey-Chambertin lancera son nouveau « Marché gourmand », chaque dimanche matin, place des Maronniers, réunissant là encore des produits et des producteurs locaux, associant bien-être de tous et rayonnement de notre belle ville. »
