La santé, on l’a veut à tout prix, sous couvert « qu’elle n’a pas de prix ». Alors que Matignon ou Bercy n’en ont vu trop longtemps que… le coût ! Là, réside la faille qui a fracturé et fracture l’Hexagone. Le Coronavirus a fait tomber la France de haut. Quarante ans durant, les présidents de la République ont plus ou moins laissé s’instaurer une santé publique low cost. Les maîtres-mots jusqu’à la récente mise au vert de la presque totalité de nos territoires ? Rentabilité des hôpitaux, gestion fondée sur le paiement à l’acte, fermetures de lits, circuits administratifs exponentiels au détriment du médical, numerus clausus… Les pouvoirs publics ont occulté jusqu’à l’émergence du Covid-19 un phénomène comportemental qui prime sur tout : la santé érigée en valeur suprême vécue par les Français comme finalité existentielle, quitte à envoyer les notions de liberté et de responsabilité individuelles aux oubliettes !
A la suite de l’Assemblée nationale, le Sénat a donc donné son feu vert à l’application Stop Covid, outil de traçage numérique avec brigades sanitaires en amont, en principe conçu pour enrayer la propagation de la pandémie. Dans l’esprit du gouvernement, ce modus operandi est un geste barrière supplémentaire, conçu pour optimiser la distanciation sociale ainsi que le port du masque. Le niveau de sécurité dudit dispositif devrait garantir l’anonymat des utilisateurs. Il n’empêche que la CNIL a approuvé en mettant un bémol… Ce qui nous est proposé comme un filet de sécurité démontre que par le biais du sacro-saint « la santé à tout prix », on autorise le pouvoir politique tout comme l’espace virtuel à pénétrer dans la sphère relevant du domaine de notre santé et de l’intimité.
Un quidam croisé sur un trottoir, un voisin salué au coin d’une rue, un commerçant chez qui on fait ses courses sont ipso facto perçus comme autant de personnes potentiellement dangereuses, nuisibles. Voire des… armes fatales ! De cet espionnage digne de Big Brother revu et corrigé à l’aune d’un micro-trottoir, surgit la double question : est-ce acceptable philosophiquement? Et que reste-t-il de la pensée humaniste fondée sur l’ouverture à autrui ?
On n’en est plus à un brouillage des consciences près… En effet, que dire de la fameuse prime exceptionnelle allant de 500 à 1500 € pour « récompenser » l’effort des personnels soignants, en choisissant pour critère la classification de zones rouges, oranges ou vertes ? Donner une valeur marchande à géométrie variable à ce formidable dévouement général en fonction d’un positionnement géographique aboutit à une vision cynique et mercantile. Tout se passe comme si l’on jaugeait le poids de ces actes de courage sur une simple balance de commerce (1).
Concluons le propos sur le show, sur la dramaturgie des JT du 20 heures. Qui nous ont asséné et nous assènent encore les scores quotidiens établis par un Covid-19 – campé telle la divinité noire d’un théâtre létal ! On a atteint là les bas-fonds d’une télé-réalité digne au pire du « panem et circenses », ou au mieux de la Grand Peur de l’An mille. On savait l’année 2020, échappée des tableaux de Jérôme Bosch ou du triptyque de Robert van der Weyden… Alors, pas besoin de cette surenchère médiatique à toute heure du jour ou de la nuit conçue pour faire monter l’audience, bien plus que pour nous livrer des informations au sens noble du terme ! Car, jusqu’ici, on ne nous a pas révélé grand-chose des dessous du… masque.
Marie-France Poirier
(1) Bien évidemment, pas question de revenir sur le principe de cette prime méritée pour tous ces personnels de la Santé Publique jusqu’ici rémunérés de façon lamentable (environ 30% de moins que dans une grande partie de l’UE). Espérons que du fameux plan Ségur, la revalorisation de leurs salaires sera enfin le signe d’une reconnaissance authentique.