Coronavirus : bas les masques !

La France a coutume de vivre sous plusieurs menaces – sans doute un lointain écho à la grand peur de l’An mille. Après les Gilets Jaunes, la réforme des retraites taille XXL 49/3, voici le Coronavirus. Et par ricochet, l’intrusion dans la vie quotidienne des Français d’un docteur House flanqué de son staff de toubibs ou d’experts, à qui les médias TV demandent un diagnostic 24 heures sur 24. Parole de téléspectateur assidu et donc lobotomisé, gare à celui qui oserait ni changer ses (mauvaises) habitudes ni non plus se laver les mains toutes les 60 minutes ! Gare aussi à celui qui oserait se moucher une seconde fois dans son Kleenex ou bien encore éternuer à la volée sans avoir l’urbanité de se soucier de son entourage ! Celui-là, disons-le haut et fort « qu’il soit exécuté » pour parodier la chanson du regretté Guy Béart !

C’est à se demander si nous ne sommes pas dans les entrailles d’un sous-marin promu au même non-futur que le Titanic, et dont le sonar annoncerait sur les stations radio ainsi que les chaînes télé d’information la présence d’un insubmersible et mortel ennemi. Bref, filons la métaphore subaquatique et affirmons que le flot ininterrompu de reportages, d’émissions en direct à tout heure du jour ou de la nuit fait entendre « le chant du loup » (1).

Certes, la marche du monde est tragique, comme le peint si magistralement Yan Peï Ming ! Mais faut-il accentuer cette dramaturgie du Coronavirus avec le port d’un masque, même si l’on ne souffre d’aucun symptôme ? Faut-il participer à la chasse bébête et collective à ce dahu de masque – une espèce en voie de disparition et réservée en priorité, rien de plus normal, au corps médical tout comme aux personnes fragiles ? Que préconiserait notre si singulier docteur House ? On le dit – mazette ! – émule de Socrate ou de Sherlock Holmes, toujours prompt à remonter la filière d’une pathologie et à résoudre tout problème médical à la manière d’un flic métaphysicien… Alors docteur, que préconisez-vous ?

En tout cas, qu’il s’agisse du théâtre précolombien au théâtre Nô en passant par les théâtres gréco-romains, les acteurs revêtaient leur visage d’un masque grimaçant ou tragique, dont la mission était double : hisser les stars des époques lointaines au rang de demi-dieux pour l’édification religieuse, morale ou politique de l’assistance, tout en faisant office… de porte-voix efficaces jusque dans les derniers gradins des amphithéâtres.

Dans toutes les cultures archaïques, sur tous les continents, très tôt la succession de tableaux scéniques animés à grand spectacle, tout comme l’art de la machinerie, atteignirent une perfection époustouflante. Nous voilà, nous aussi, en attente d’un nouvel épisode où docteur House fera la peau au COVID-19 et démasquera cette sale bestiole de pangolin par qui le malheur est arrivé. Les metteurs en scène de la mondialisation – dont notre président Macron – se trouvent face à ce défi herculéen du Coronavirus qui s’éteindra un jour à petit feu, même si des répliques comme le disent les séismologues ne manqueront pas, ici ou là, de rallumer l’inquiétude. Les ayatollahs de l’écologie se plaisaient à nous échauffer le ciboulot ainsi que de la mauvaise conscience, s’en remettant à la vestale Greta Thunberg pour foutre une trouille verte au monde entier. Quant aux économistes, ils prédisaient la fin d’un modèle de consommation ainsi que l’éclatement de bulles fiduciaires ou encore une production en surrégime mortifère… Une fois encore, la nature nous coupe l’herbe sous le pied, par l’entremise d’un virus qui vient de franchir sans vergogne la barrière de l’espèce humaine. Qui retiendra la leçon ? Qui osera désormais s’en laver les mains ? Allez-allez, bas les masques…

Marie-France Poirier

(1) A bord d’un sous-marin, quand l’officier chargé d’analyser les données acoustiques du sonar et de les interpréter se rend compte de la présence d’un bâtiment, on dit qu’il entend « le chant du loup ».