Les accusations de l’actrice Adèle Heanel contre le réalisateur Christophe Ruggia pour harcèlement sexuel durant le tournage et la promotion du film Les Diables ont alimenté nombre de conversations de l’épisode 2019 des Rencontres cinématographiques de Dijon. Mais l’actualité, les enjeux et l’avenir du cinéma français, face aux monstres américains et chinois, ont rapidement repris la vedette. Bilan (pardon rétro) de débats toujours aussi passionnants !
Une certitude : l’événement a la capacité de vous faire vivre trois jours magiques et, cette année encore, ces Rencontres, les 29e du nom, organisées par l’ARP (Société civile des Auteurs- Réalisateurs- Producteurs) ont été fidèles à leur réputation : avec la présence des grands noms du Cinéma français : Cédric Klapisch, Gérard Krawczyk, Pierre Jolivet, Jean-Paul Salomé, Camille de Casabianca, Radu Mihaleanu, Jacques Fansten, Laurent Heyneman, Jeanne Labrune, Sylvie Pialat… Et l’arrivée d’une jeune génération de réalisateurs pleins de fougue, à l’image de Jeanne Herry, qui co-présida l’événement et suscita tout l’intérêt car elle s’affirme de plus en plus comme une scénariste de talent. Et car (il faut bien l’avouer !) elle est la fille de Miou-Miou et de Julien Clerc ! Oui, on se laisse facilement envahir par le piment engendré par une telle concentration de célébrités… Qui est même capable de vous offrir le privilège de croiser, dans les escaliers du Grand-Théâtre, Costa-Gavras auquel vous vous accordez la liberté de bafouiller quelques paroles déformées de reconnaissance et d’émotion : « Z, l’Aveu, c’était bien ! » Et qui vous remercie… Mais les saveurs de ce piment sont éphémères.
Car la visée des Rencontres est avant tout de mener une réflexion collective et surtout approfondie sur la complexité des problèmes qui se posent aux cinéastes d’aujourd’hui, avec la nécessité d’apporter des réponses solides afin de pouvoir faire encore de bons films. Des professionnels du 7e art qui ont compris que le monde vit des bouleversements gigantesques et que se joue, actuellement, l’avenir du Cinéma français, le maintien ou l’affadissement de sa qualité. A Dijon, on analyse, débat, arrête des idées, sanctuarise des valeurs en croisant ses points de vue avec les dirigeants des chaînes de télévision, des parlementaires et le ministre de la Culture, Franck Riester, venu à la soirée du 7 novembre, salle des Etats de l’Hôtel de Ville. Beaucoup de sérieux, de la gravité même, compte tenu des enjeux… « Les Rencontres cinématographiques de Dijon, c’est donc pas du cinéma ! »
« Le remède à l’éloignement des jeunes »
Durant les quatre demi-journées d’échanges au Grand Théâtre, la tâche fut souvent ardue de comprendre les interventions d’experts du Cinéma et de l’audiovisuel nageant comme des poissons dans l’eau au milieu de la chronologie des médias ou du droit d’auteur à protéger… Au milieu surtout de la recherche de règles permettant de conforter notre modèle d’exception culturelle, dans un monde où des appétits de plus en plus puissants risquent de mettre à mal sa vitalité créative. Si la France occupe l’une des meilleures places dans le cinéma mondial, c’est bien en raison de politiques audacieuses, équilibrées entre dimensions artistiques, culturelles et industrielles. Et nous avons saisi que le tropisme industriel qui, dans l’Hexagone, semble repousser les créateurs au second rang depuis deux ans pouvait être dangereux.
Nous avons mesuré aussi combien l’agressivité des mastodontes venant des USA et de la Chine risquait de nous conduire à la catastrophe. D’où l’exigence, largement exprimée dans les travées du Grand Théâtre, d’une politique publique à forte ambition culturelle. Capable de proposer une alternative efficace aux objectifs de domination américains et chinois. Capable, en ne niant pas le marché et en misant sur une complémentarité public-privé, de valoriser nos œuvres, en favorisant leur exportation. Capable d’une régulation salutaire à l’ère du numérique. Capable enfin de trouver un remède à un phénomène nouveau et angoissant : l’éloignement des jeunes des salles de cinéma… Que l’on freinera par une offre riche et renouvelée. Pour encourager l’appétence de tous les publics.
A ces débats, vous l’avez compris, les paillettes, tapis rouges et projecteurs étaient absents ! Remplacés par la compétence, le talent novateur et audacieux, la volonté d’une profession qui s’inquiète, doute, cherche, ose et, surtout, veut continuer sur le chemin de l’excellence…
Ainsi, les Rencontres cinématographiques sont un lieu irremplaçable pour le Cinéma. Le Cinéma de demain ! Avec un scénario qui tire sa force de vouloir toujours plus de diversité et de qualité ! Et Dijon peut être fière d’abriter des échanges aussi déterminants et aussi fructueux pour l’avenir.