En cet automne 2019, quatre points cardinaux marquent le territoire du peintre dijonnais mondialement connu, Yan Pei-Ming : au musée des Beaux-Arts où son exposition de « L’Homme qui pleure » est prolongée jusqu’au 23 octobre, au musée Courbet à Ornans (jusqu’au 30 septembre), au Petit Palais à Paris où, du 12 octobre au 23 janvier, il poursuivra ses joutes picturales avec Gustave Courbet entamés cet été. Et enfin, au musée d’Orsay (du 1er octobre au 12 janvier). Ces deux géants s’imposent au regard du visiteur comme deux « écorchés » de la vie, deux artistes au tragique surdimensionné. En route pour leur paradis perdu …
« Corps à corps ». Tout de Yan Pei-Ming est dans l’intitulé de l’exposition que le Petit Palais organise à Paris à l’occasion du Bicentenaire de Gustave Courbet, du 12 octobre au 19 janvier. La quinzaine de toiles monumentales que l’artiste dijonnais avait réalisées pour la plupart dans l’atelier de Courbet à Ornans « affronteront » la dizaine d’œuvres de Courbet, toutes issues des collections permanentes du Petit Palais.
Les deux artistes ont en partage l’acuité tragique de la vie, la densité et la matérialité de leur peinture, et bien sûr un regard, une conception réaliste. Quant à l’accrochage des toiles de Ming au musée des Beaux-Arts à Dijon – prolongée jusqu’au 23 octobre –, il révèle son affrontement frontal avec la grande sculpture de la Huerta, Claus Sluter, Claus de Werve, ou Le Moiturier, ou encore avec la peinture occidentale d’un Goya ou d’un Caravage. L’exposition de « L’Homme qui pleure » aux MBA, surprend Ming en flagrant délit de combat. Elle le surprend également en flagrant délit de génie !
Plus que jamais en cet automne, Yan Pei-Ming s’avère le meilleur ambassadeur culturel de la Cité des Ducs, comme il le fut lors de la grande opération Dijon Must-Art en 2010, accompagnant les Pleurants du palais des Ducs dans leur tournée des musées américains, avec son tableau représentant un Christ gisant sur une mer d’écumes. Un hommage au Christ Mort de Mantegna, peintre italien de la Renaissance qui, lui aussi, atteint l’universalité. Déjà en 2009, Yan Pei-Ming fut parmi les trois seuls artistes contemporains exposés de leur vivant au Louvre, lorsqu’il dévoila ses gigantesques Funérailles de Mona Lisa à quelques mètres à peine de la Joconde du maître florentin. Les toiles immenses de l’artiste, réalisées à grands coups de brosse et de rouleaux dans son atelier de Dijon, s’exposaient ainsi à la face du monde depuis le premier musée de France.
Mais revenons à ces deux génies, un Courbet blessé au combat de la vie, et Ming, 1er Empereur d’… un Milieu instable : ils ont en commun de transcender – chacun dans une narration picturale puissante – la cohabitation duelle entre la Grande Histoire – guerres, dévastations, morts – et leur Petite Histoire à eux ourlée de l’intimité tragique des deuils, des débris des vies ou des brisures des âmes. Outre leur amour pour ces joutes entre la marche – ou la déroute ? – du monde, les deux peintres ont en partage une autre terre de prédilection : les animaux jouent un rôle important dans l’œuvre de l’un comme dans celle de l’autre. Là encore pas de gentils matous domestiqués, mais un univers de bêtes, sortes de hérauts se faisant la clameur de noirs soleils et d’hallali dans leurs tableaux respectifs pour rappeler les blessures infligées par l’homme au monde du vivant. Magistral !
Ming versus Courbet
Le Petit Palais possède l’une des plus grandes collections de tableaux de Courbet grâce à des achats de la Ville de Paris effectués dès la fin du XIXe siècle, puis au début du XXe siècle avec les dons de sa sœur, Juliette Courbet, et du critique Théodore Duret. Cet ensemble comprend des œuvres majeures du chef de file des réalistes telles que Le Sommeil, Les Demoiselles de Bord de Seine, Proudhon et ses enfants, L’Autoportrait au chien, Les Amants dans la campagne, ou encore La Sieste pendant la saison des foins… Yan Pei-Ming avait découvert le peintre français dans un livre de propagande en noir et blanc lors de ses premières années d’études en Chine. Dans ce corps-à-corps présenté dans la galerie des grands formats du Petit Palais, les peintures de Yan Pei-Ming et de Courbet s’affrontent, se parlent et se répondent.
Même duo/duel au Musée d’Orsay : Ming y expose « Un enterrement à Shanghai », réponse en oblique à « Un enterrement à Ornans », conçu spécialement pour le musée d’Orsay en célébration du 200e anniversaire de Courbet.