René Petit : Carnot dans la peau

 

L’association des Anciens de Carnot vient d’élire un nouveau président en la personne de René Petit, un homme qui ne cache surtout pas la passion qu’il porte à l’établissement. Il faut dire qu’il y a passé près de 30 ans ! Comme élève et comme prof.

 

Carnot… René Petit sait utiliser les mots qu’il faut pour raconter et nous entraîner sur ce territoire familier qu’il parcourt avec la même assurance qu’un facteur effectuant sa tournée de quartier. Sa mémoire est remplie de l’histoire du plus prestigieux établissement dijonnais où il a passé 7 années d’études puis 20 de sa vie professionnelle. Voilà le type même du prof qu’on aurait aimé avoir.

Souvenirs en vrac mais inoubliables qui nous propulsent dans ce coeur qui bat depuis bientôt 125 ans boulevard Thiers, dans le tohu-bohu des entrées et des sorties, avec leurs symphonies de bruits si particuliers, la sonnerie -désormais très musicale- qui rythme les heures, le brouhaha de la cour, les cris dans les couloirs, les coups de gueule…

René Petit raconte cette vie comme une aventure joyeuse jamais contrariée. Il intègre Carnot en 1958, l’année où le général de Gaulle devient Président de la République, à une époque où l’on rentrait au lycée dès la sixième. Etudes littéraires « avant de passer la barrière artistique à cause de Pirandello » s’excuse-t-il. Le théâtre, il le découvre grâce à un prof qui lui fait jouer une pièce de l’écrivain italien mort à Rome en 1936.

Du coup, René Petit veut être scénographe ce qui l’amène au Conservatoire de Dijon (chez André Héraud qui accueillit, entre autres, Claude Jade), et aux Beaux-Arts de Dijon… « pour fabriquer les décors ». Il joue à la Comédie de Bourgogne et trouve le temps de faire encore et encore du théâtre avec des copains jusqu’à ce qu’il abandonne ce joli monde pour frapper à la porte de l’Education nationale pour devenir prof d’arts plastiques, « un métier de rencontres ». Et c’est une belle carrière qui commence en 1968. D’abord à Joigny, dans l’Yonne, puis à Montbard, Beaune, Dijon (au clos de Pouilly). Et en 1989, le lycée Carnot. « C’est le retour à la maison. J’étais franchement heureux » se souvient-il comme si c’était hier. Avant de confesser : « Je n’ai jamais souffert d’aller au boulot. C’était de la joie permanente ».

 

Le théâtre, encore et toujours

Et, à côté des cours, devinez un peu ce que crée René Petit pour ses élèves ? Un atelier théâtre ! Il monte même un spectacle très remarqué, en 1991, pour célébrer le bi-centenaire de la mort de Mozart avec les forces vives de la maison Carnot, ses profs, ses élèves, son orchestre, sa chorale. Un spectacle qui fut proposé en tournée en République tchèque. Sacré fil rouge dans cette carrière sans taches ni ratures. Et pas besoin de s’interroger longtemps sur le pourquoi du comment de cette belle éloquence, ce sens aigu de la formule dont ont profité des générations de collégiens et de lycéens. Le théâtre, encore et toujours.

A 70 ans tout juste fêtés, ceux qui écoutent aujourd’hui ses lectures publiques reconnaissent que sa voix donnerait des frissons aux nostalgiques des plus beaux textes de la littérature française. Il est vrai que sa voix aérienne est une promesse de douceur qui parle avec des points de suspension, des raccourcis, des silences… Amateur de curiosités, créateur d’atmosphères… Ainsi est cet homme, foncièrement amoureux du verbe qui le porte, de la réthorique, et qui peut exprimer la plus farouche détermination ou la plus franche gaieté avec la même conviction.

Dommage que René Petit n’ait pas été joueur de foot car la langue française, il la manie comme un ballon : dribbles, petits ponts, passes en retrait, en profondeur, frappes soudaines…

 

2018, année du 125e anniversaire du lycée

Et surtout, il n’est jamais à court de projets, dès qu’il s’agit de promouvoir Carnot. Le nouveau président de l’association des anciens de l’établissement (qui a succédé au docteur Planson) fourmille de projets qu’il a évoqués à Michel Gey, proviseur et principal de Carnot. Par exemple, l’aide qui peut être apportée aux élèves en vue de leur orientation en demandant à des gens de parler de leur métier, quelque soit le domaine où il l’exerce, pour donner une image plus réaliste du passage dans la vie. Aider aussi les profs qui souhaitent faire venir des personnalités d’envergure. Et puis, aussi et surtout, montrer toutes les ressources, toutes les richesses du lycée y compris sur le plan artistique. « Il y a des classes musicales avec des élèves qui partagent leur emploi du temps entre Carnot et le Conservatoire » précise-t-il. « Certains sont devenus de véritables pointures. Dès lors, pourquoi ne pas imaginer de mettre sur pied un concert pour que s’y expriment tous les talents de cet établissement ». Sans oublier l’amicale des personnels du lycée qu’il entend associer. Faire régner le maximum de convivialité, tel est son credo.

2018 sera aussi l’année du 125e anniversaire du lycée. René Petit propose propose, avec l’appui d’une consœur qui enseigne les arts plastiques, de réaliser une grande exposition de dessins issue d’un concours sur un thème qui pourrait être « Dessine moi Carnot ». Carnot et son architecture, ses grandes cours, ses salles prestigieuses, ses coins, ses recoins… L’âme de Carnot. L’association décernerait quelques prix et renouerait ainsi, d’une certaine façon, avec ce qu’on appelait à l’époque le prix « Vaclav Havel » qui lui était plus littéraire.

On l’a bien compris. René Petit ne veut pas que « les Anciens de Carnot » devienne une association d’anciens combattants avec son banquet annuel qui fait suite à son assemblée générale et son dépôt de gerbe aux monument aux morts. On a bien compris aussi qu’à 70 ans, il ne vieillira pas Charentaises aux pieds et viandox tiède à portée de main et ses journées ne sont pas prêtes à s’étirer comme le gruyère dans une assiette de pâtes.

Jean-Louis PIERRE