La Fédération régionale des Travaux publics ne va pas attendre la rentrée pour faire valoir ses doléances. Le 7 juillet, à Beaune, elle a invité les nouveaux députés des quatre départements de Bourgogne à exprimer les représentations qu’ils ont du développement du territoire (1). Vincent Martin, le président, explique la démarche d’une profession au service du citoyen, qui se bat pour les générations futures.
Dijon l’Hebdo : Les élections sont passées et votre fédération ne souhaite visiblement pas perdre de temps ?
Vincent Martin : « Un gouvernement est en place, le nouveau Parlement s’installe. C’est le moment de délivrer un message fort : organisons-nous pour aménager au mieux notre territoire. Ce message, nous l’adresserons aux députés élus le 18 juin dernier. Nous avons souhaité les interpeller, le 7 juillet, pour que de bonnes décisions soient rapidement prises en matière d’aménagement du territoire et leur faire comprendre que c’est aussi une façon efficace de générer de la croissance ».
DLH : Et ce rendez-vous s’est déroulé dans un cadre un peu particulier ?
V.M. : « Effectivement. Nous recevons les parlementaires, à Beaune, aux ateliers du cinéma chez Claude Lelouch. C’est une façon souriante de les mettre en scène. Plus sérieusement, on aimerait qu’ils nous disent en quoi le développement du territoire est, pour eux, une priorité essentielle.
Nous vivons des situations préoccupantes. La France décroche chaque année un peu plus dans les classements internationaux pour la qualité de ses infrastructures. En Europe, elle est passée du 3e au 10e rang. Le manque d’entretien, l’insuffisance d’investissements et de vision à long terme, commencent à avoir des effets visibles sur l’économie et la vie quotidienne. Entretenir et moderniser les infrastructures, c’est préserver la compétitivité et l’attractivité des territoires. A titre d’exemple, un million d’euros investi dans un chantier, ce sont 7 emplois directs et 3 indirects chez les fournisseurs des travaux publics.
DLH : Et de votre côté, qu’avez-vous à dire aux députés ?
V.M. : « Le message que l’on souhaite faire passer aux élus est simple : plus on attend pour entretenir nos infrastructures, plus on laisse une dette aux générations futures. Nous aussi, nous voulons réussir la croissance verte. La transition écologique est un enjeu majeur pour les 15 prochaines années. L’investissement dans les infrastructures contribue à la mettre en œuvre et est un générateur de croissance verte, plus respectueuse de l’environnement. Voilà déjà un certain temps que nous affirmons qu’un bon entretien des réseaux d’eau éviterait des déperditions inutiles qui représentent un coût astronomique. Saviez-vous qu’un litre d’eau potable sur 5 est perdu ? »
DLH : Justement, n’est-ce pas frustrant de répéter toujours la même chose et de ne pas être entendu sur des sujets cruciaux ?V.M. : « On n’a pas d’autres alternatives. Nos entreprises dépendent à 70 % de la commande publique. On change un peu notre stratégie d’approche mais le fond de nos propos reste le même. Force est de constater que les lignes bougent. On est partie prenante dans le Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire et nous participons, en tant qu’expert de l’aménagement du territoire, aux ateliers qui sont ouverts depuis peu. Olivier Ritz, directeur général adjoint du conseil régional, en charge de la mise en œuvre du SRADDT, a prévu de nous rencontrer le 13 juillet prochain pour prendre le pouls des entreprises, écouter leurs doléances, et recueillir de la matière pour alimenter les orientations du SRADDT. C’est un signe encourageant ».
« Nos entreprises dépendent à 70 % de la commande publique »
DLH : Le 7 juillet, vous ciblez tout particulièrement les députés. Et les autres élus ? Les maires, les présidents de communautés de communes, de collectivités locales et territoriales ? Ce sont eux qui sont aux manettes des commandes publiques…
V.M. : « Nous travaillons régulièrement avec eux. On fait un lobbying important auprès des présidents de communautés de communes en lien avec les départements et les associations des maires. Nous organisons régulièrement des réunions thématiques sur les montages technique, administratif et juridique des dossiers. Nous sommes aux avant-postes pour éclairer les élus sur l’impérieuse nécessité de rénover les infrastructures. Nous leur présentons des courbes dites de résilience qui permettent d’évaluer la durée de vie d’une infrastructure et à partir de quand il est nécessaire d’investir. On peut même donner le surcoût généré si les travaux sont différés ».
DLH : Les élus de terrain n’ont-ils pas tendance à évoquer la baisse régulière des dotations pour ne pas entamer des travaux ?
V.M. : « Les Travaux publics irriguent la vie au plus près des territoires. Nous nous efforçons d’établir une vraie confiance avec les élus au travers de tous les réseaux que l’on installe, que ce soit les routes, les pistes cyclables, les réseaux d’eau, les réseaux d’énergie, les réseaux télécom, les voies ferrées, les voies navigables… Nous sommes en capacité d’aider les élus qui sont dépourvus de méthode et de moyens, d’optimiser leur capacité d’investissement dans le millefeuille des financements possibles pour mener à bien les projets. Notre démarche se veut résolument pédagogique ».
DLH : L’emploi a été malmené ces années dernières dans les Travaux publics. Qu’en est-il aujourd’hui ?
V.M : « Depuis 2008, nous avons perdu 20 % de nos emplois. Les entreprises ont ajusté leurs moyens humains. Pour autant, d’ici 2022, 30 % des effectifs partiront à la retraite. C’est pourquoi nous allons passer des messages forts auprès des jeunes : notre métier d’aménageur du territoire est un métier pérenne. Il y a des gisements d’emplois dans les Travaux publics. Et nos métiers ont cette particularité de permettre de belles évolutions professionnelles. Il y a peu de secteurs qui peuvent offrir de telles perspectives avec des conventions collectives très attractives ».
Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE
(1) Une manifestation similaire a été organisée en Franche-Comté le 3 juillet.