L’Odyssée… Cousteau

Aventure biographique de Jérôme Salle, avec Lambert Wilson, Audrey Tautou et Pierre Niney.

1948. Jacques-Yves Cousteau, sa femme Simone et ses deux fils Philippe et Jean-Michel, vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais « JYC » ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier.
Jérôme Salle, réalisateur du très remarqué thriller Zulu et des deux Largo Winch, nous revient à renfort de palmes, pour une évocation de la vie de l’homme au bonnet rouge (belle invention marketing), entre drame familial (les relations complexes père-fils) et grand film d’aventure sous-marine. Tournée en Croatie, en Afrique du Sud, en Antarctique et sans trucages aux Bahamas au beau milieu des requins, L’Odyssée est un voyage bouleversant aux images saisissantes, dans les abysses des océans et ceux de l’âme humaine : l’âme d’un commandant laissant plus chavirer son cœur que son navire, bateau remis à flot grâce à sa flotte et sa femme, vaisseau qu’il mènera contre vents et marées au bout du monde.
Oui, car ce film, éminemment romanesque et spectaculaire, est avant tout une histoire d’hommes… et surtout celle d’une femme : Simone, première épouse du commandant, sans qui la Calypso n’aurait jamais existé. Magnifiquement gouailleuse, Audrey Tautou crève l’écran du continent blanc que viennent conquérir son JYC de mari, ses deux fils et tout le personnel mâle de son navire océanographique. La belle quarantenaire ne s’épargne pas pour jouer celle que son équipage appelait respectueusement « La Bergère ». Elle noie sa tristesse de femme trompée et délaissée dans l’alcool et la fumée des cigarettes, cocktail détonnant qui lui donne un grain de voix se mariant divinement avec la musique ensorcelante du grand Alexandre Desplat.
A ses côtés (mais pas trop), Lambert Wilson livre plus une sensation de Cousteau qu’il n’en donne une imitation. L’acteur rend bien compte de la complexité de ce personnage populaire, plus opportuniste qu’idéaliste, génial « self-made man » mégalo financé par l’industrie pétrolière, inventeur de scaphandres et de télé-réalité. Cousteau va sur le tard épouser la cause écolo, grâce notamment à son fils Philippe, campé par un Pierre Niney au top de sa plastique sculpturale, étonnant de fragilité et de retenue, jusqu’au moment de son envol …
Alors oui, L’Odyssée est peut-être un peu trop classique dans sa forme, malgré la séquence inaugurale de l’hydravion qui nous fait envisager cette œuvre délirante comme un long flash-back. Mais le biopic de Jérôme Salle a le mérite de ne pas céder aux sirènes de l’hagiographie, son Cousteau se situant entre l’infâme salaud et le demi-dieu, quelque part où il reste encore une part d’humanité à sauver chez ce grand personnage populaire pétri de contradictions. Film d’acteurs plus que film d’auteur, L’Odyssée est une plongée à haut risque dont les protagonistes ne sortiront pas sains et saufs. Le spectateur aurait tort de se priver d’un tel spectacle en salle, la démesure du commandant ne s’accommodant pas de l’aquarium télévisuel de son salon. Alors excellente traversée, et bon vent à toutes et à tous !
Raphael Moretto

A revoir avant de replonger
Tout Audrey Tautou en six films :
Vénus beauté Institut (1999) de Tonie Marshall
Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001) de Jean-Pierre Jeunet
L’Auberge espagnole (2002) de Cédric Klapisch
Coco avant Chanel (2008) d’Anne Fontaine
La délicatesse (2011) de David Foenkinos
Thérèse Desqueyroux (2012) de Claude Miller