Musée des Beaux-Arts : L’œil aux mille facettes de Vieira da Silva

Avec les œuvres de Vieira da Silva provenant de la donation Granville ou de collectionneurs privés, de musées français et étrangers, c’est là l’une des expositions des plus passionnantes qui nous accueille au Palais des Ducs.

Jusqu’au 3 avril, le visiteur aura tout loisir de se perdre pour mieux se retrouver dans les labyrinthes peints par cette artiste immense, à l’écart des rivages galvaudés du plagiat, nourrie de cette mystique qui habite les âmes inspirées. Trente ans après sa mort, la peinture de Maria Helena garde, grand ouvert, un œil kaléidoscopique sur les entrailles d’un univers vertigineux aux lignes, aux structures mouvantes ; elle nous initie aux chatoiements d’une palette aux mille nuances de blancs, de rouges sombres ou irradiants, de gris lumineux ou mats, de bleus flamboyants à l’image de son Portugal natal.

Avec son mari, le peintre Arpad Szenes, Maria Helena Viera da Silva a toujours fait partie des amis les plus intimes de Pierre et Kathleen Granville : ces derniers n’ont cessé d’acquérir leurs œuvres montrant, là, un talent de grands collectionneurs. Cette artiste, « femme unique et multiple » – pour reprendre l’expression de la conservatrice des musées de Dijon Frédérique Goerig-Hergott – a toujours gardé dans un coin de son imagination l’empreinte de peintres italiens de la pré-Renaissance, ou – plus près de nous – de Cézanne ainsi que de Pierre Bonnard. On retrouve leur esprit dans ses galaxies des villes, de monuments ni vraiment réels ni totalement fantasmés : « Urbi et Orbi », « Lisbonne », « La Ville Rouge », « La Cathédrale Engloutie ». Chacune de ces représentations incite à la réflexion. Que dire des cités, des vastes bibliothèques tournées vers le ciel, si chères à Vieira da Silva ? Elle les a « construites » à partir de damiers ou de azulejos pris dans un vertige de distorsions graphiques, que l’on retrouve aussi dans les « Joueurs de cartes », dans des scènes de vie, également dans l’explosion d’objets en apesanteur telle sa fameuse « Bibliothèque ». Chez elle, d’un tableau à l’autre, tout échappe aux lois de la gravité.

L’autre mérite de cette rétrospective Vieira da Silva consiste en une seconde partie consacrée à une chronologie inédite, fort documentée – parfois avec une pointe d’humour, notamment sur la longue période où elle et Arpad Szenes furent mondialement connus. Des lettres, divers documents nous initient aux recherches picturales, au vaste cercle de leurs amis, aux retentissements de l’ensemble de leurs œuvres. Le visiteur, l’amateur d’art ne pourront que quitter le musée avec un regard renouvelé sur cette œuvre prismatique bien avant l’avènement des pixels, à la fois si originale, si magique, si poétique, si profonde…

Marie-France Poirier

Coulisses de l’exposition

L’exposition revêt une telle ampleur, grâce aux prêts de la galerie Jeanne Bucher, du Centre Pompidou, des musées de Comar, de Nantes, de Rouen, de Saint-Etienne, de la Fondation Gandur à Genève ainsi que des Fondations Calouste Gulbenkian et Arpad-Szenes-Vieira da Silva de Lisbonne… Commissariat général : Frédéric Goerig-Hergott. Commissaires de l’exposition : Naïs Lefrançois, et Agnés Werly, assistées de Virginie Barthélémy.