Seule la 4e circonscription de la Côte-d’Or – la plus rurale – a placé Marine Le Pen en tête au soir du 2e tour de la Présidentielle. Et les résultats du 1er tour pouvaient laisser présager des triangulaires possibles sur les 2e et 3e circonscriptions. Encore faut-il que la participation soit au rendez-vous, ce qui n’avait pas le cas en 2017. Bienvenue dans le monde politique d’après…
Le 16 mars 2020, alors que la planète entière était confrontée à la plus grande pandémie depuis la grippe espagnole, Emmanuel Macron prit la parole à 20 heures devant plus de 35 millions de Français suspendus à ses lèvres. Vous vous en souvenez évidemment et, avec une sémantique guerrière, il décréta la fin du monde d’avant. Eh bien, cette élection présidentielle aura elle aussi marqué une rupture avec le monde d’avant… politique. Celui-là même qui voulait que l’hôte de l’Élysée soit de droite ou de gauche. Ou vice et versa ! La bipolarisation que la France a connue durant tant d’années est tombée aux oubliettes.
La preuve cinglante – enfin là nous aurions pu écrire la gifle – est apparue au soir du 10 avril, lorsque Valérie Pécresse au nom des Républicains ne fut créditée que de 4,78% au niveau national (4,83% à Dijon). Un score, sous la barre fatidique des 5%, qui l’obligea tout de même à en appeler aux dons pour rembourser ses frais de campagne ! Et que dire de la candidate socialiste, Anne Hidalgo, qui a vécu de plein fouet la chronique d’une mort annoncée : 1,26% ! Dans la cité des Ducs, terre socialiste par excellence depuis 2001 même si le premier d’entre eux, le maire François Rebsamen, avait pris fait et cause pour Emmanuel Macron dans la dernière ligne droite de la campagne, la maire de Paris ne récolta que 2,16%. Personne n’aurait imaginé cela il y a encore peu…
Mais Emmanuel Macron, qui avait anticipé cet effondrement – il faut lui reconnaître, maintenant, c’est une certitude, même s’il y a de facto participé –, est passé par là et s’est imposé comme le plus jeune président de la Ve République en 2017. Le seul du « ni de droite ni de gauche… » Et, 5 ans plus tard, il a réussi le tour de force d’être le premier président de la République réélu hors contexte de cohabitation…
Seulement, le monde d’aujourd’hui est celui de la tripartition (il va falloir se familiariser avec ce terme) et le bloc macroniste se confronte à deux autres blocs : celui de Jean-Luc Mélenchon qui dépasse la France Insoumise puisqu’au 1er tour nombre de soutiens de « l’ancienne gauche » l’ont rejoint en « votant utile »; et le bloc de Marine Le Pen et du Rassemblement national qui n’a pas réussi à le faire tomber de son piédestal au soir du 24 avril. Ceux-ci escomptent dorénavant de le priver de la majorité dans les urnes lors des législatives des 12 et 19 juin prochain.
La loi d’airain
Quels ont été les enseignements de la présidentielle localement en vue de ces échéances qui s’apparentent (pour une première) à un véritable 3e tour de la Présidentielle ? La preuve : Jean-Luc Mélenchon a innové en annonçant avant même le verdict final des urnes vouloir être élu Premier ministre !
Une seule des circonscriptions de Côte-d’Or, la 4e, a placé Marine Le Pen (52,08%) en tête, les quatre autres choisissant majoritairement le candidat-président sortant et participant à le faire s’imposer dans toute la Côte-d’Or. La 1re circonscription lui a déroulé le tapis rouge (69,12 %) – soit pratiquement à la même hauteur qu’à Dijon dans sa globalité. Ont suivi la 2e (59,04%), la 3e (58,65%) et la 5e (52,75%). Si bien que les députés sortants estampillés LREM, Didier Martin, Fadila Khattabi et Didier Paris semblent avoir entre les mains les cartes pour recouvrer leurs sièges. Mais, si l’on tient compte du 1er tour, des triangulaires pourraient avoir lieu sur la 2e et la 3e circonscription entre les candidats d’Emmanuel Macron, de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. Seulement, voilà, pour ce faire, il ne faut pas de forte abstention car pour que les candidats se maintiennent au 2e tour il est nécessaire qu’ils dépassent 12,5 % des inscrits. Et rappelons qu’en 2017 la participation au 1er tour des législatives n’avait été que de 47,62% !
Sur la 4e, la partie s’annonce plus délicate pour la parlementaire Yolaine de Courson (LREM/Modem), puisque, dans le camp macroniste (aux multiples visages décidément), la maire de Montbard, Laurence Porte, engagée sous les couleurs du parti d’Édouard Philippe, Horizons, lui conteste déjà la place. Sans compter le maire de Châtillon-sur-Seine, Hubert Brigand qui, à droite, se proclame comme « le candidat de la ruralité ».
Quant à la 2e, celle-là même qui fut la seule à résister il y a 5 ans à la vague macroniste, une chose est sûre, elle aura un nouveau représentant à l’Assemblée nationale puisque le sortant LR, Rémi Delatte, a annoncé qu’il ne repartait pas (voir également en page X). Non sans adouber l’adjoint de Saint-Apollinaire Adrien Huguet. Son suppléant Ludovic Rochette, président de l’Association des maires de la Côte-d’Or, n’a pas dû apprécier, lui qui sollicite l’investiture pour Horizons. François Deseille, l’adjoint Modem de François Rebsamen, qui avait échoué il y a 5 ans, annonce être plus motivé que jamais et espère que la Macronie tranchera en sa faveur pour porter les couleurs de LREM.
Le Rassemblement national réussira-t-il à montrer début juin qu’il représente la 2e force du pays ? On en doute puisqu’il y a 5 ans cela ne s’était traduit que par 8 sièges au palais Bourbon. Qu’en sera-t-il de l’Union populaire chère à Jean-Luc Mélenchon qui entend rompre avec la loi d’airain qui veut qu’un président élu dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale ? Réponse dans… le monde d’après !
Camille Gablo