Philippe Maupetit : Un livre pour une métamorphose

Philippe Maupetit. Photographe. Aussi étonnant que cela puisse paraître, s’il est une personne qui connaît parfaitement le chantier de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, c’est bien lui. Durant 4 ans, il a suivi, avec le regard qu’on lui connaît, la progression des travaux colossaux de transformation du site de l’ancien hôpital général. Au final, il propose un travail remarquable qui prend la forme d’un livre haut de gamme de 352 pages.

Ce livre, c’est à la fois l’histoire de la construction de la Cité et l’histoire d’Eiffage. Mais Philippe Maupetit met tout de suite en garde : « Ce n’est surtout pas un carnet de chantier. C’est le récit d’une métamorphose urbaine avec les différents acteurs qui y sont intervenus ». Un livre qui s’inscrit tout naturellement dans l’histoire de ce qu’il a fait auparavant : le livre sur Dijon avec Jean Vautrin, sur le tramway, sur l’insertion pour les 25 ans du Groupe Idées, sur la paysannerie et sa coopérative… Et là encore, on retrouve la « patte » de l’auteur. Photographe, mais pas seulement. Penser un livre pour quelqu’un qui va le commander. Penser un objet particulier avec une ligne éditoriale, une mise en scène, une mise en harmonie avec des textes et des images soutenus par une création graphique forte. Il n’en fallait pas plus pour séduire Jacques Delaine, l’exigeant patron d’Eiffage.

Il est toujours plus facile de photographier l’inconnu ou le lointain. La vraie difficulté est de chercher l’image dans un quotidien que l’on connaît par cœur. Philippe Maupetit, témoin privilégié de la Cité, de sa ville, a toujours pensé que l’on n’avait pas besoin de partir en quête de sens aux antipodes, mais qu’on pouvait en trouver chez ses voisins de palier… et chez les ouvriers qui ont contribué à l’émergence d’un quartier dédié à la gastronomie, au vin, à l’art de vivre à la française.

La photographie pour témoigner du monde dans lequel il vit. La photographie comme moyen de véhiculer des émotions, de pénétrer l’intimité de chacun… Fixer et retenir le temps… Avec la patience et la passion d’un gardien de phare, Philippe Maupetit a suivi toutes les étapes de ce chantier colossal pour les traduire à sa façon. Et c’est précisément là qu’intervient son rapport au livre : « J’ai toujours eu besoin de lire pour faire des images. Quand je suis dans une phase de création intense, j’ai besoin de me plonger dans des livres. Je ne peux pas m’en passer ».

Une larme impossible à réprimer brûle au coin de son œil à l’évocation de son père qui lui a donné le goût de la lecture : « Si je fais des livres depuis une dizaine d’années, c’est une forme d’héritage. Je suis le fils d’un ouvrier qui fréquentait les milieux intellectuels. Pour lui, la connaissance était une gourmandise incroyable. Son propre père était éboueur et il lui mettait soigneusement de côté les livres qu’il récupérait dans ses collectes. On peut dire qu’il a appris à lire dans les poubelles… ».

La publication de l’ouvrage de Philippe Maupetit marque un temps fort de la riche histoire de Dijon.

Deux types de papier ont été choisis, trois livrets distincts sont présentés. Un sur l’histoire d’Eiffage, un autre sur l’histoire du chantier et un dernier sur la biophilie. « Il m’a semblé important de figer, d’immortaliser tous ces gestes qui ont permis l’édification de la Cité. Des gestes qui traduisent la qualité de la formation mais aussi un état d’esprit qui existe depuis les opératifs qu’on trouvait sur les chantiers des cathédrales. C’est un livre qui contextualise complètement l’action de construire d’Eiffage à Dijon et qui met à l’honneur tous les artisans de cette réussite collective ». Et ce livre en fait partie.

Jean-Louis Pierre