La recette (gagnante) de François Rebsamen

Naturellement, il faudra patienter pour savoir si les touristes et les Dijonnais dégustent en nombre la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin. Mais la réalisation déjà d’un projet d’une telle ampleur mérite d’être saluée comme il se doit. Trois ans pratiquement après l’inauguration du musée des Beaux-Arts métamorphosé que l’on annonçait déjà comme le plus grand chantier de François Rebsamen, voici une nouvelle ouverture qui fera date dans l’Histoire dijonnaise.

Et nous n’écrivons pas cela uniquement parce qu’elle confère à Dijon un statut à l’échelle internationale de capitale du Repas Gastronomique des Français. Pour preuve, avant même que cette Cité n’ouvre en grand ses portes, la chaîne de breaking news américaine CNN classait dès le mois de janvier la cité des Ducs comme l’une des 10 destinations incontournables au monde à visiter en 2022.

Les 400 Américains accueillis, avec la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, la semaine dernière au palais des Ducs témoignaient de cet engouement outre-Atlantique puisque nombre d’entre eux regrettaient de ne pas pouvoir découvrir la nouvelle vie gastronomique et vineuse de l’hôpital général. 818 ans précisément après que le duc Eudes III de Bourgogne a fondé les Hospices de Dijon… Ils ne se doutaient pas, qu’à quelques pas d’eux, se trouvait certainement dans son bureau l’actuel « Duc de Bourgogne ». Dans une version très républicaine s’entend ! Celui-là même à qui l’on doit l’avènement de cette Cité. Car ce projet et sa finalisation illustrent parfaitement la méthode du maire et président de Dijon métropole.

Peut-être plus encore que toutes les réalisations qu’il a inaugurées depuis qu’il a pris les rênes de la capitale régionale en 2001. Et elles sont nombreuses : le Zénith, la piétonisation du cœur de ville, dont la place de la Libération et la rue de la Liberté… libérées des bus et voitures, la piscine olympique, le Grand Stade, le tramway, OnDijon… et la liste est loin d’être exhaustive. C’est dire s’il a respecté son premier slogan de campagne et su éveiller Dijon !

Déjà, c’est par le biais d’une innovation financière à l’échelle européenne qu’il a réussi ce bain de jouvence pour tout un quartier qui était préalablement en déshérence. Certes, le tram l’avait désenclavé mais il restait la douloureuse question du devenir des friches hospitalières. C’est par le biais d’un appel à manifestation d’intérêt que fut confiée la transformation des 6,5 ha de ce projet titanesque au groupe Eiffage. Tout comme avec la Smart City, il choisit un partenariat public-privé pour trouver les investissements nécessaires à un tel projet. Au final, Eiffage a investi 250 M€ pendant que les fonds publics ne dépassaient pas 10% de ce montant (État, Région et Ville réunis). Et c’est grâce à ce partenariat avec Eiffage que la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin s’avère économe en deniers publics.

Il ne bitume pas, il plante

Ce choix lui valut les foudres de son principal opposant qui, recours politiques à l’appui, a retardé le projet. Bilan des courses pour Emmanuel Bichot : une claque infligée lors des élections municipales de juin 2020 – un 4e succès de rang pour François Rebsamen – et un abandon en rase campagne par ses troupes au conseil municipal.

L’adversité, le maire de Dijon connaît et, comme lorsqu’il évoluait sur les terrains de foot de la région, on peut même dire qu’il la maîtrise… Autre preuve : alors que les oiseaux de mauvais augure (et le ciel dijonnais en a été couvert longtemps) prétendaient que cette Cité ne verrait jamais le jour, il a tenu bon et encouragé ses équipes. Résultat : le chantier le plus complexe qu’il ait eu à gérer est, comme il l’a toujours déclaré, arrivé à son terme. Et quelle issue : un menu complet avec 1 750 m2 d’expositions, un Village Gastronomique de 5000 m2, une Cave de la Cité avec 250 Oenomatic – la plus importante de ce genre en Europe –, un village destiné aux start-up de l’agroalimentaire, un complexe cinématographique de 9 salles… Et, cerise sur le gâteau, une Cuisine expérientielle qui n’était pas prévue à l’origine. Sans omettre le nouvel éco-quartier durable de 600 logements.

Ses détracteurs pourront toujours lui reprocher qu’il bitume, il pourra leur rétorquer…qu’il plante ! Avec humour et réalisme… Car c’est vrai qu’il plante des vignes dans le Jardin de l’Arquebuse voisin. Un symbole mais qui n’est pas sans rappeler le terroir métropolitain (40 ha replantés aujourd’hui), histoire de lutter contre le réchauffement climatique mais aussi de rappeler que les vins de Dijon étaient, il y a fort longtemps, bien plus réputés que les vins de la Côte de Nuits et la Côte de Beaune… D’ailleurs un nouveau combat s’ouvre à lui : la reconnaissance de l’appellation « Bourgogne Dijon ».

Et l’avènement annoncé de la Cité lui a permis en octobre dernier aussi de s’imposer dans une autre bataille face à des concurrents de taille comme Bordeaux ou Reims pour accueillir le siège de l’Organisation internationale de la Vigne et du Vin (OIV) qu’il logera à l’Hôtel Bouchu d’Esterno. Certes la Cité a fait beaucoup mais ne doutons pas que le président de la République, Emmanuel Macron, qui avait envoyé son missi dominici Jean-Baptiste Lemoyne pour épauler Dijon, ne fut pas étranger à ce choix. Un président réélu, qu’il a soutenu dès le premier tour tout en restant socialiste, que François Rebsamen a régulièrement au téléphone.

Que ce soit avec l’OIV ou avec cette Cité, François Rebsamen confère à Dijon un statut de plus en plus international. Avec le sens du partage et l’humanisme qui le caractérisent, le fait que ce soit dans le domaine du « bien manger » et du « bien boire » doit lui plaire particulièrement. Avec François Rebsamen comme grand chef, après s’être éveillée en 2001, Dijon dîne désormais à la table des grands !

Camille Gablo