Il le raconte lui-même dans l’ouvrage qu’il a publié aux éditions La Marinière intitulé « La Transmission au cœur de ma cuisine ». C’est à l’âge de 15 ans qu’Éric Pras pénètre pour la première dans la prestigieuse maison Lameloise à Chagny. Comme client, aux côtés de son père… Nous sommes en 1987. Vingt-deux ans plus tard, il en deviendra le chef, inscrivant son nom au firmament de la gastronomie bourguignonne, puisque cet établissement est le seul de la région à être triplement étoilé. Un an plus tôt, seulement, Il prenait place près de Jacques Lameloise au piano, qui avait, quant à lui, emboîté les pas de son père et de son grand-père, après être passé par l’École Ferrandi (c’était dans le campus parisien et personne ne pouvait imaginer à l’époque que le « Harvard de la gastronomie » s’implanterait à Dijon).
Jacques Lameloise a ainsi choisi Éric Pras pour succéder à sa longue tradition familiale, Meilleur Ouvrier de France (MOF) en 2004. Et c’est dans cette Maison unique à plus d’un titre que ce travailleur acharné affichera toute l’étendue de son talent. « Une cuisine créative, fraîche, précise et délicate, bannissant les rapports de force, pensée autour du produit pour le mettre en avant », résume celui, qui, précédemment, avait également fait le bonheur d’autres belles adresses : le Relais Bernard Loiseau à Saulieu, la Maison Troisgros à Roanne, Pierre Gagnaire à Saint-Etienne, Antoine Westermann à Strasbourg… Des noms qui résonnent aux oreilles de tous les gastronomes !
C’est grâce à son exceptionnel savoir-faire au piano et ses sublimes recettes, à l’image de ses « langoustines, chaud & froid au jus de pomme verte, crème légère à la moutarde Fallot et caviar d’Aquitaine », que son nom s’est imposé pour co-présider le Comité d’orientation stratégique de la future Cité internationale de la Gastronomie et du Vin avec Jocelyne Pérard, responsable de la Chaire Unesco « Culture et traditions du vin ». C’est ainsi à la tête d’une tout autre brigade – composée d’experts cette fois-ci dans de multiples domaines – qu’il a œuvré à la rédaction du menu culturel. La belle histoire d’Éric Pras avec la Cité aurait pu connaître là son épilogue mais c’était sans compter le groupe Épicure et son président Julien Bernard qui décida de lui confier la direction culinaire de ses établissements.
« Savante et gourmande »
A la Table des Climats, restaurant « vistronomique », Éric Pras développe une expérience inédite tournée vers les accords vins-mets (et non l’inverse), grâce à une alliance entre des plats bourguignons et des crus également originaires de nos vignobles. Dans cette adresse d’exception – elle l’est déjà par son histoire puisqu’elle n’est autre que le logis de l’ancien directeur des Hospices de Dijon –, il a confié la brigade au chef exécutif Kevin Julien d’à peine 30 ans qui a œuvré à ses côtés à Chagny. Celui-ci officiera dans une cuisine ouverte au cœur d’un bâtiment bénéficiant d’un espace voûté exceptionnel. Les clients dégusteront devant une bibliothèque vineuse monumentale, répertoriant les grands vins de Bourgogne.
Au Comptoir de de la Cité, donnant sur le parvis Unesco, autrement dit sous le canon de Lumière, l’approche est différente. Éric Pras a défini une carte beaucoup plus décontractée avec des plats (toujours bourguignons) retravaillés et une offre finger-food locavore. Avec comme objectif : « Donner accès au meilleur de la gastronomie avec des plats accessibles dès 10 € ».
Dans ces deux établissements, la même recette lui tient à cœur : « Notre volonté, c’est que la Cité soit autant savante que gourmande ». Car, là aussi, il est question de transmission : « Le repas gastronomique à la française, c’est notre vécu à tous, notre patrimoine, un pan de la culture de ce pays. C’est quelque chose que nous avons reçu en héritage et que nous devons transmettre aux générations futures. Cela en fait à la fois un cadeau et une responsabilité ! »
A la différence de nombre de chefs qui ont la communication chevillée au corps, Éric Pras préfère parler avec sa créativité. C’est avec ses recettes envoûtantes, élaborées dans sa Maison Lameloise, qu’il est passé de l’ombre à la Lumière. Avec la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin dont il représente l’un des acteurs majeurs, les projecteurs devraient s’avérer plus intenses… Une chose est sûre, Éric Pras et le groupe Épicure, dont le nom renvoie au premier gastronome grec, étaient faits pour se rencontrer !
Camille Gablo