Le 5 mars dernier, le maire et président de Dijon métropole, François Rebsamen, annonçait son choix pour le premier tour de la Présidentielle : Emmanuel Macron ! Ne « se retrouvant plus dans ce qu’est devenu le PS » et fustigeant « sa direction sectaire qui fonctionne en autarcie avec un logiciel usé », l’ancien ministre de François Hollande officialisait ainsi son soutien au président sortant qu’il jugeait comme « le plus compétent, « la crise ukrainienne en étant une nouvelle illustration ». Mais, dans le même temps, il expliquait qu’il « restait socialiste ». Sa première adjointe Nathalie Koenders, qui a, quant à elle, parrainé la candidate socialiste Anne Hidalgo, revient, dans cette interview, sur le choix de celui avec qui elle travaille de concert pour œuvrer à la transformation de Dijon. Sans, comme elle le rappelle, « une feuille de papier de cigarette entre le maire de Dijon et elle ». En substance, à Dijon, le rassemblement derrière François Rebsamen et Nathalie Koenders, qui préside, rappelons-le, le groupe SRC et apparenté au conseil municipal, continue de fonctionner à plein…
Dijon l’Hebdo : Il m’est impossible, en premier lieu, de ne pas vous interroger sur la situation internationale actuelle et la guerre en Ukraine. J’imagine que, pour vous aussi, le discours de Poutine le 24 février et l’invasion qui a suivi furent de véritables coups de tonnerre ?
Nathalie Koenders : « Oui et nous sommes toutes et tous en pleine solidarité avec le peuple ukrainien. Et ce, parce que je pense que la guerre menée en Ukraine est une guerre contre la Démocratie. Cela nous rappelle que la Démocratie est un bien précieux et qu’elle nous est enviée à travers le monde. Maintenant, le temps est à la solidarité. Et celle-ci fonctionne à plein de la part des Dijonnais. Nous avons vu vraiment un élan de solidarité, de générosité qui s’est manifesté. Et celui-ci perdure encore. Je pense aux manifestations qui ont lieu régulièrement place de la Libération, à la création de diverses associations que nous avons reçues… je pense également à nombre de courriers de Dijonnais et même de personnes venant d’ailleurs proposant leur aide ou leur logement. La municipalité est également pleinement solidaire : nous adoptons ainsi au conseil municipal une subvention de 100 000 € et il en sera de même au prochain conseil métropolitain. Nous avons organisé une soirée de solidarité le 8 mars dernier afin de répondre aux multiples interrogations et tenter de coordonner toutes les actions. Je rappelle aussi que 60 logements ont été mis à disposition au foyer Aubriot et, depuis le 18 mars, le gymnase Chambelland pour le premier accueil de ces familles qui fuient la guerre. Notre objectif est de les accueillir dignement ».
DLH : Cette guerre, à 2 300 km de la France, fait, une chose est sûre, passer au second plan la campagne présidentielle. Le regrettez-vous ?
N. K : « Ce que je regrette, c’est qu’il y ait la guerre ! Maintenant, je trouve que le Président de la République gère bien cette crise, comme il a bien géré celle du Covid qui, au demeurant, n’est pas terminée. Il fait preuve de fermeté tout en maintenant le dialogue diplomatique. C’est important et il incarne bien la position de la France mais aussi celle de l’Union européenne qu’il préside. D’ailleurs Dijon vient d’accueillir une partie des ministres européens. Le président de la République est forcément renforcé politiquement durant cette crise. Je ne suis pas d’accord sur tout ce qu’il a pu faire durant son quinquennat mais il a en tout cas incarné la posture du chef de l’État aussi bien pour la gestion de la crise sanitaire que depuis le début de cette crise mondiale. Y aura-t-il une prime au président sortant ? En Démocratie, une élection n’est pas jouée d’avance. Ce ne sont pas les sondages qui font l’élection mais on voit que la campagne est mise entre parenthèse ».
DLH : Vous avez parrainé Anne Hidalgo. Votre suffrage lui sera donc de facto adressé ?
N. K : « J’ai choisi de parrainer Anne Hidalgo – et elle n’avait pas besoin de mon parrainage puisqu’elle n’a eu aucune difficulté à recueillir ses 500 signatures – parce que cela s’inscrit dans la continuité de mon engagement militant au Parti socialiste. Et, bien sûr, en cohérence avec mon parrainage, je voterai Anne Hidalgo au premier tour. Ensuite, au deuxième tour, on verra bien… Mais je voterai aussi ainsi parce qu’elle propose des réformes sociales qui me sont chères. Sur le quinquennat d’Emmanuel Macron, même s’il a bien géré certaines choses, les réformes de l’ISF ou de l’Assurance Chômage ne sont pas allées dans le bon sens pour les populations les plus défavorisées. Mais je constate avec tristesse que les Français ne se reconnaissent pas dans la candidature d’Anne Hidalgo ni dans le programme du PS ».
DLH : La campagne d’Anne Hidalgo n’imprime pas en effet, mais, une chose est sûre : le PS ne pèse pas 2 ou 3% en France. A votre avis, où sont passés les autres électeurs ?
N. K. : « Beaucoup d’anciens électeurs du parti socialiste sont partis chez Emmanuel Macron. Je pense, pour ma part, que le problème de la candidature d’Anne Hidalgo réside dans le fait qu’elle s’est opérée sans débat en interne, alors que nous le demandions. Je pense qu’avant toute candidature il faut qu’il y ait un débat interne. Et peut-être qu’au niveau de la direction du Parti socialiste, il n’y a pas eu assez de droit d’inventaire, pas assez de reconstruction… Anne Hidalgo en paye les conséquences ! »
DLH : C’est au lendemain de la Lettre de candidature aux Français du président sortant que le maire de Dijon, François Rebsamen, a annoncé son choix, dans Le Parisien, de voter Emmanuel Macron. Même si d’aucuns s’y attendaient, cette prise de position a tout de même fait grand bruit…
N. K : « François Rebsamen n’a pas de preuve à apporter pour justifier qu’il est socialiste. Il suffit de voir la politique qui est menée sur Dijon depuis 2001. Ce qu’il a fait de la capitale régionale en est une belle preuve. Et c’est quelqu’un qui sait rassembler. Il l’a dit lui-même : son étiquette socialiste, ses valeurs, on ne pourra pas lui enlever ! »
DLH : François Rebsamen a fait le choix de la compétence. Dans son interview du 5 mars dans Le Parisien, le maire et président de Dijon métropole a notamment précisé : « Emmanuel Macron a l’envergure et la crédibilité d’un chef d’État. La crise ukrainienne en est une nouvelle illustration. il s’est montré à la hauteur des enjeux qui pèsent sur nos sociales démocraties… »
N. K : « Il y a eu la crise sanitaire puis la gravité de la situation internationale. Comme il l’a dit, la politique intérieure doit être menée par quelqu’un qui incarne la fonction. Dans ce contexte, il a choisi Emmanuel Macron, sans pour autant rejoindre ni En Marche ni Territoire de Progrès. C’est le choix d’un homme libre. François Rebsamen a toujours été un homme libre ! Et il rappelle également à Emmanuel Macron qu’il faut qu’il ait aussi une jambe gauche… Pour marcher droit, c’est important ! Je n’ai pas fait le même choix mais je comprends le choix de François Rebsamen. Je le respecte et je peux vous dire qu’il n’y a pas une feuille de papier de cigarette entre lui et moi ! »
DLH : Sans se transformer en pythie politique – je ne lis pas dans le marc de Bourgogne ou dans les entrailles des poissons de l’Ouche – les signaux sont au rouge pour le PS qui pourrait, pour la 2e fois consécutive, ne pas être au second tour de la Présidentielle. Si tel est le cas, utiliserez-vous, pour reconstruire la gauche, une méthode qui vous est chère comme vous l’avez prouvé, à Dijon, à savoir la consultation ?
N. K : « François Rebsamen a annoncé qu’il souhaitait participer à cette reconstruction de la gauche au niveau national. Je pense qu’il faut que les différentes sensibilités de gauche se parlent et arrivent à fonder un programme commun. C’est ce que nous avons réussi à faire à Dijon et je pense que cela peut se faire au niveau national. Et ce, d’autant plus que les cartes politiques vont bouger. Si le président sortant est réélu, il ne pourra plus se représenter. Nous voyons bien déjà que la droite est en train de tenter de se reconstruire avec différents courants. Je pense que c’est important pour la Démocratie qu’il y ait un parti de gauche républicain qui puisse donner un cap, un avenir. Nous voyons bien aujourd’hui que c’est un peu ce qui manque. Il ne faudrait pas qu’à terme il y ait un parti centriste regroupant toutes les forces et que les alternatives ne soient que l’extrême droite et l’extrême gauche. Vous savez, la droite est un parti républicain avec qui l’on peut débattre, discuter. Ce sont des idées. C’est important que ce parti soit aussi présent sur l’échiquier politique. S’il est réélu, Emmanuel Macron aura peut-être l’opportunité de changer les institutions, d’instaurer un vrai régime parlementaire. Dans notre pays, où l’on a coupé la tête des rois, nous sommes très attachés à l’aspect monarchique. Nous avons encore un régime très présidentiel. Peut-être que c’est le moment de passer à un modèle parlementaire, à la Nordique, où chaque parti et chaque courant sont susceptibles de trouver un consensus afin de composer un gouvernement commun avec l’ensemble des sensibilités ».
DLH : Vous présidez, au conseil municipal, le groupe SRC et apparentés, dont les parrainages couvrent donc un large champ : de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron, en passant par Fabien Rousselle. Ce rassemblement continue-t-il à être opérant ?
N. K : « François Rebsamen a toujours montré que pour éveiller une ville et faire ce qu’est devenue Dijon nous avons besoin de toutes les forces sociales-démocrates écologistes. C’est grâce à un groupe uni, dans sa diversité, que l’on peut faire avancer les choses. Cela ne changera rien. Et maintenant, ce qui est important c’est peut-être de reconstruire une force politique de gauche… Imaginons qu’Emmanuel Macron soit réélu président – et même si les sondages ne font pas une élection –, il faudra vraiment reconstruire une gauche solide, sociale-démocrate, parce que moi je ne me reconnais pas forcément dans la gauche de Jean-Luc Mélenchon ! »
DLH : Une nouvelle rumeur insistante circule à Dijon : après le vote de François Rebsamen pour Emmanuel Macron, c’est cette fois-ci un potentiel ministère qui pourrait lui être alloué (certains vont même jusqu’à avancer le ministère de la culture). Si tel est le cas, vous pourriez qui sait, comme maire, présider l’inauguration de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin…
N. K. : « Vous savez et François Rebsamen l’a dit : il n’a rien demandé pour lui-même et c’est vraiment le choix d’un homme libre. Et quoi qu’il arrive, c’est François Rebsamen qui présidera l’inauguration de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin et je serai à ses côtés. Nous ferons tout pour que ce soit une belle fête pour Dijon, pour la gastronomie… et pour la France ! »
Propos recueillis par Camille Gablo