Hamid El Hassouni : « L’éco-réhabilitation pour répondre à l’urgence sociale et environnementale »

« Un des enjeux principaux est de réduire durablement les consommations d’énergies, et de faire à la fois baisser les charges locatives et émissions de gaz à effet de serre sur nos bâtiments les plus énergivores » déclare Hamid El Hassouni, le président de Grand Dijon Habitat. Mais l’éco-réhabilitation n’est pas la seule à figurer sur une feuille de route bien remplie. Explications.

Dijon l’Hebdo : Comment se porte Grand Dijon Habitat ?

Hamid El Hassouni : « Globalement, Grand Dijon Habitat va bien grâce à une gestion très rigoureuse, sans faille, et au partenariat privilégié avec la Métropole qui est notre collectivité de rattachement. Et nous nous inscrivons pleinement dans son projet pour le territoire. De ce fait, nous avons les moyens d’agir, de construire et d’éco-réhabiliter. C’est ce qui fait notre force aujourd’hui. Tout cela dans un contexte national qui est loin d’être favorable. Rappelons que les bailleurs sont dans l’obligation de baisser leurs loyers pour compenser la baisse des APL décidée par le gouvernement. En 2022, ça représentera quand même une perte de 3 200 000 € ».

DLH : Quelles auront été les principales actualités de Grand Dijon Habitat en cette année 2021 ?

H. E H : « C’est avant tout la programmation relative aux travaux d’éco-réhabilitation du parc ancien. C’est notre principale obsession. Il faut là répondre à une double urgence : l’urgence sociale et l’urgence environnementale. De nombreux projets sont engagés et on sait qu’ils vont impacter favorablement le pouvoir d’achat de nos locataires qui sont en souffrance dans le contexte socio-économique qu’on connait. Et parallèlement, et c’est un petit clin d’oeil à la COP 26, cela traduit notre volonté de limiter les effets de gaz à effet de serre.

A ce jour, 2 200 logements ont été éco-réhabilités sur un parc total qui avoisine les 11 000. Pour les cinq prochaines années, ce seront 1 800 logements qui seront éco-réhabilités dont 850 l’année prochaine. Les choses pourraient aller plus vite mais n’oublions pas que nous sommes tributaires des financements et des co-financements dans un contexte de loi de finances qui a amputé nos ressources. Et puis il y a aussi un point sur lequel il n’est pas question de déroger : c’est la concertation avec les locataires. Et cela aussi c’est du temps utile mais incompressible ».

DLH : Quels sont les villes ou les quartiers concernés ?

H. E H : « Nos projets touchent différents secteurs géographiques. Je vais prendre deux exemples de chantiers d’éco-réhabilitation qui fonctionnent particulièrement bien : la Fleuriée, à Saint-Apollinaire, dont les travaux s’achèveront dans le courant du premier trimestre 2022 sur neuf bâtiments qui représentent 210 logements. Ces travaux portent sur l’isolation des bâtiments, façades et toitures, remplacement des portes palières, réfection des parking, amélioration de l’éclairage… mais aussi la sécurisation de nos îlots d’habitat. C’est aussi une forte attente de nos locataires. Et cela correspond bien sûr à notre volonté d’en faire des lieux apaisés. C’est un budget important : 3 670 000 € d’investissement qui bénéficient aussi à une quasi-totalité d’entreprises locales. Vous voyez, on ne fait pas les choses à moitié ».

DLH : Et le deuxième exemple ?
H. E H :
« L’autre exemple, c’est Fontaine d’Ouche. Globalement, ce sont 35 millions d’euros d’investissement. L’îlot Corse est terminé. C’est en quelque sorte la vitrine du quartier, l’entrée principale qui a bénéficié de la suppression du pont. C’est un bâtiment que tout le monde voit désormais. Les autres projets portent sur l’îlot Franche-Comté avec 377 logements, Berry-Gascogne, 369 logements. Au total, c’est un millier de logements concernés. Le principe est le même : on ne lésine pas sur les moyens. Quelles que soient les niveaux d’intervention. Avec les autres opérations effectuées ces années dernières, c’est l’ensemble du parc de Grand Dijon Habitat à la Fontaine d’Ouche qui aura, à court terme, à l’horizon 2024, bénéficié d’un programme d’éco-réhabilitation.

Un mot encore sur l’îlot Franche-Comté qui fait partie du projet Response (voir encadré) de Dijon Métropole et sur lequel nous allons avoir une démarche très innovante autour de l’énergie solaire. Des panneaux solaires bi-faciaux permettront d’injecter l’énergie produite dans le bâtiment. La gestion du chauffage sera quasi-individualisée avec des vannes thermostatiques connectées et la présence de deux thermostats dans l’appartement. Le locataire, à qui on aura permis d’appréhender le mode d’emploi, va pouvoir devenir acteur de sa consommation et donc de ses économies d’énergie. S’il y avait encore une image archaïque du logement social, voilà de quoi la dépoussiérer complètement. Le numérique est là et bien là. Il va adapter les fonctionnements à la réalité de la vie des gens. Il nous faut rendre les appartements intelligents. On n’est plus du tout dans cet esprit qui a toujours prévalu de chauffage envoyé à outrance dans les bâtiments. C’est une chance qu’on ne laissera pas échapper.

Tout cela s’inscrit dans notre PSP -plan de stratégie patrimoniale adopté en décembre 2020- qui prévoit 100 millions d’euros d’investissement. Un plan qui s’appuie sur la convention d’objectifs et de moyens avec Dijon-Métropole ».

DLH : Les locataires expriment-ils leur satisfaction ?

H. E H : « Vous ne pouvez pas imaginer la satisfaction de celles et ceux qui habitent dans des bâtiments jusqu’alors mal isolés, énergivores. Nos locataires apprécient et ils nous le montrent au travers de leur fidélité. On leur permet à la fois de faire des économies et d’améliorer leur cadre de vie. Et cela va jusqu’à impacter le taux de rotation, le nombre de demandes de changement de logements qui diminuent là où on a lancé ce type d’opération. Il faut savoir qu’un bâtiment éco-réhabilité repart, si vous me permettez la formule, pour 30 ans. La durée de vie d’un bâtiment, c’est en moyenne 50 ans ».

DLH : La construction de logements neufs est-elle toujours une priorité ?

H. E H : « Absolument. C’est l’autre axe principal de notre feuille de route aux côtés de l’éco-réhabilitation. La construction de logements neufs est absolument nécessaire pour répondre à la demande. Nous vivons dans une société en mouvement avec des séparations, des recompositions familiales, des personnes âgées qui aspirent au maintien à domicile dans des logements accessibles, des personnes handicapées qui aspirent à avoir des logements adaptés… Nous continuerons à construire « quoi qu’il en coûte… ».

Nous avons un rôle d’amortisseur social. Sur ces questions là, il n’y a pas de dogmatisme. Il y a une forte demande et c’est un devoir que d’y répondre. Et la seule manière d’y répondre, sans être dans une quelconque forme d’opposition avec le parc privé, c’est de continuer à construire. Il n’y a pas d’autres choix. A moins qu’on réussisse à me convaincre qu’il faut agrandir les centres d’hébergement et installer des tentes à même les trottoirs… Soyons sérieux.

Construire, c’est aussi soutenir l’économie locale sur des emplois non délocalisables. La bataille contre le chômage, ça passe aussi par les carnets de commandes qui se remplissent. Il y a bien là un double intérêt : répondre aux attentes de la population dans une capitale régionale très attractive et donner du travail aux entreprises et à leurs salariés après les moments compliqués que l’on a vécus depuis le début de la pandémie ».

DLH : La demande de logements est-elle toujours aussi forte ?

H. E H : « Elle est loin de faiblir. Il y a, chaque année, 10 000 demandes de logements en direction de tous les bailleurs confondus et 3 000 logements sont attribués. Et Grand Dijon Habitat prend en charge un tiers de ces attributions, 1 100 très précisément. Ce qui, au passage, est normal dans le sens où nous sommes le principal bailleur de la métropole dijonnaise. Ce sont là des chiffres incontestables qui viennent contrarier toutes les positions de ceux qui s’opposent au principe de construire ».

DLH : La commission nationale présidée par François Rebsamen va-t-elle dans votre sens ?

H. E H : « Le rapport porté par le groupe de travail présidé par François Rebsamen est à même de redonner une impulsion à la construction en général. Mais c’est un autre sujet. Un sujet qui ne vient pas mettre de l’huile entre le mouvement HLM et le gouvernement. En septembre dernier, au congrès national des HLM, le Premier ministre Jean Castex n’a pas tenu de propos rassurants. En gros, c’est « débrouillez vous ». En l’espace de 4 ans, il n’y a pas eu de véritables bonnes nouvelles pour le mouvement HLM. Notre modèle, il est financé par nos locataires. C’est un modèle vertueux dont les équilibres sont très fragiles. Grâce au soutien de la Métropole, nous avons au moins une vision et un cap. Et un parc qui reste attractif grâce aux investissements que nous engageons ».

DLH : Les locataires peuvent-ils s’inscrire dans une logique d’acquisition de leur appartement ?

H. E H : « Le principe de la vente du patrimoine existe depuis maintenant une dizaine d’années et il a vocation à monter en puissance. Chaque année, dans le cadre de parcours résidentiel, nous vendons en moyenne 25 logements à nos locataires, avec des coûts d’acquisition qui défient toute concurrence. Cela nous permet d’avoir de nouvelles recettes que nous réinvestissons dans le patrimoine ancien ou dans les programmes neufs. Petite nouveauté depuis maintenant deux ans, l’ONV -l’organisme national des ventes- a la capacité d’acquérir des immeubles sur la base de cahiers des charges et de critères bien définis. Nous avons répondu à l’appel à manifestation d’intérêt. Nous avons ciblé trois / quatre immeubles qui peuvent être vendus à l’ONV et qui généreront de nouvelles recettes. Dans ce cas présent, nous ne sommes plus propriétaires mais nous restons gestionnaires, c’est à dire que les locataires en place ne changent pas d’interlocuteurs. C’est une co-propriété qui va ainsi se créer le temps qu’il faut pour la vente de tous les appartements. Il est important de dire qu’aucune pression n’est imposée aux locataires. Ils sont prioritaires pour acheter mais s’ils ne le souhaitent pas, ils bénéficieront du droit au maintien dans les lieux et conserver ainsi leur statut de locataire. Maintenant, on n’a pas vocation à vendre notre patrimoine. Cela se fait uniquement dans le cadre d’un parcours résidentiel réfléchi et mis en place avec les locataires, avec l’aval des mairies concernées ».

DLH : Que faites-vous face à l’explosion du coût de l’énergie ?

H. E H : « Depuis 2015, pour le gaz, et 2016 pour l’électricité, on s’est engagé, avec d’autres bailleurs, d’autres services publics, dans un achat groupé de fluides sur des contrats de longue durée pour obtenir les meilleurs prix. Nous ne sommes malheureusement pas épargnés par les hausses mais cela permet de ne pas subir les pics qu’on a connus cette année. Je souhaiterais que l’on puisse bénéficier d’un fond de compensation pour nos publics les plus défavorisés. J’en appelle à l’Etat. Le risque, c’est l’endettement de nos locataires qui subissent de plein fouet les augmentations du coût de la vie sans pour autant voir leurs ressources augmenter. Nous tirons la sonnette d’alarme. C’est notre rôle que de prendre la défense de nos locataires. Et, du coup, on mesure pleinement l’utilité de nos travaux d’éco-réhabilitation. C’est contexte morose et nous ne resterons pas les bras croisés. Nous serons offensifs pour soutenir nos locataires ».

DLH : Les clauses d’insertion sont-elles toujours en vigueur avec les entreprises qui travaillent pour Grand Dijon Habitat ?

H. E H : « C’est une obligation, dans nos chantiers, de réserver 10 % des heures travaillées à de l’insertion. Sur ce point, nous sommes un des acteurs de premier plan. Depuis 2015, ce sont près de 144 000 heures qui ont été réalisées, dont 22 000 en 2020, en direction des publics éloignés de l’emploi qui ont l’occasion de s’inscrire dans un parcours d’insertion. Près de 700 contrats, touchant un nombre important de femmes, ont été signés dans le cadre de ce dispositif. 30 % de ces bénéficiaires habitent les quartiers politique de la ville. On a la réputation de bâtir la ville de demain en partenariat avec la Métropole. C’est une chose mais il ne faut pas oublier toute la dimension sociale qui alimente notre quotidien.

Et puis, dans un contexte de raréfaction de la main d’oeuvre dans le BTP, c’est une occasion qui se présente aux entreprises pour recruter les salariés dont elles ont besoin. C’est une démarche vertueuse que nous mettons, notamment, en place avec l’association Créativ que préside Océane Charret-Godard, qui peut permettre un retour à l’emploi ».

DLH : Et dorénavant on peut se rendre plus facilement dans les locaux de Grand Dijon Habitat ?

H. E H : « Il a toujours été facile de venir jusqu’à nous. Comme tout service public, nous recevons des milliers de personnes. 25 000 en 2019. C’est un service qu’on veut améliorer. C’est pourquoi nous invitons nos locataires à prendre rendez-vous. Et ensuite, on envoie un SMS de confirmation. On a mis en place depuis le mois de mars une sorte de « Doctolib » pour être plus efficient. Cela va nous permettre de les recevoir dans les meilleures conditions avec un interlocuteur qualifié qui aura pris connaissance de la situation et préparé au mieux l’entretien. Dans le contexte sanitaire que l’on connait, cela nous permet de gérer les espaces d’accueil. 83 % des personnes qui viennent en rendez-vous repartent satisfaites et cela quelque soit le motif : signature de bail, retrait de clés, suivi de sinistres, demande d’intervention technique, négociation d’une dette éventuelle… »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre

 

Le projet européen RESPONSE

Dijon métropole a remporté le projet européen RESPONSE dont l’objectif est de lutter contre le réchauffement climatique, réduire les inégalités et favoriser le développement économique sur la Fontaine d’Ouche. Lors du conseil métropolitain du 7 février 2019, Dijon métropole annonçait son engagement dans le défi «H2020, Villes et communautés intelligentes » en répondant à l’appel à projet européen. Sur les 12 candidatures déposées, seule celle de Dijon a été retenue par la commission européenne pour le projet «RESPONSE » (integRetEd Solutions for POsitive eNergy and reSilient CitiEs –Solutions intégrées pour des villes à énergie positive et résilientes)

Référence écologique en France et en compétition au titre de capitale verte européenne 2022, Dijon métropole déploie, depuis 2011, une stratégie exemplaire de lutte contre le changement climatique. Des actions menées et à venir (un réseau de tramway 100 % électrique et de bus hybrides, un réseau de chaleur alimenté à 70 % par les énergies renouvelables, OnDijon, pour une gestion connectée et rationalisée de l’espace public, développement d’une filière d’hydrogène avec la création d’une unité de production et de distribution…), autant de points forts qui ont participé au succès de la candidature de la collectivité.