Plus de 350 propositions ont vu le jour à Dijon grâce aux commissions de quartier. Les boîtes à livres, dont le succès ne se dément pas, sont les plus emblématiques d’entre elles. Les projets pourront prendre une dimension supplémentaire, la municipalité ayant souhaité élargir les champs d’action des budgets participatifs (1). L’adjoint en charge de ce domaine, Christophe Avena, nous en dit plus sur les évolutions attendues afin de renforcer la parole des citoyens. Et de rappeler que tous les Dijonnais ont jusqu’au 31 mars pour soumettre leurs idées sur jeparticipe.dijon.fr ou sur dijon.fr Interview de celui qui, au demeurant, vient d’être élu à la tête du groupe des Forces de Progrès au conseil départemental…
Dijon l’Hebdo : Au lendemain de sa première élection, le maire de Dijon, François Rebsamen, créait dès 2002 les commissions de quartier afin que les habitants puissent devenir acteurs de leur cité. Plus de 6 000 d’entre eux se sont investis, au fil des deux dernières décennies, dans ces structures faisant de la capitale régionale une véritable agora… Etait-ce nécessaire de faire évoluer ce système participatif ?
Christophe Avena : « 19 ans. C’est important de le préciser : Dijon a décidé depuis longtemps de construire la démocratie participative autour des commissions de quartier et l’évolution a été continue. Fort de cette expérience, il a été démontré qu’aujourd’hui il était encore nécessaire de leur faire franchir un cap. Mais cette évolution sera cette fois-ci plus forte. Ce sera presque du domaine de la mutation et cela demandera un tout petit plus de temps que de simples décisions de règlement intérieur ou d’organisation. Nous ne pouvions pas mettre en place une telle évolution sans que celle-ci ne s’inscrive ni ne respecte cette démocratie participative. L’arrêt des commissions s’était fait de façon quelque peu brutale eu égard au contexte sanitaire mais aussi aux élections. Les gens ont ainsi eu un sentiment d’inachevé et nous l’avons bien entendu. Aussi avons-nous souhaité nous appuyer sur les commissions elles-mêmes pour les faire évoluer de façon forte ».
DLH : Une première évolution a été entérinée. La ville a décidé d’élargir le champ d’action des budgets participatifs. Les commissions disposaient précédemment d’un budget d’investissement, dorénavant il sera aussi de fonctionnement…
C. A : « Le conseil municipal a validé la possibilité de fusionner l’investissement avec le fonctionnement. C’est une évolution forte qui a déjà été apportée. Dans les modalités, jusqu’à présent, les commissions de quartier disposaient d’un budget d’investissement qui permettaient de réaliser des projets que je qualifierais de mobiliers. A l’instar de bancs pour les jardins, de bornes à vélo, des créations de fresques, des boîtes à livres… C’étaient des réalisations très intéressantes et portées par la population. Cependant, ces commissions ont compris que la démocratie participative, qui prenait au quotidien plus d’importance, devait être encore plus transversale. Pour ce faire, ces commissions disposent désormais aussi d’un budget de fonctionnement. Quelle est la différence ? Il pourra être destiné à des projets à long terme, la mise en place de programmes variables – associatifs, culturels, éducatifs, solidaires… Ce dispositif va impliquer encore plus les Dijonnais et leur avenir. Cette différence est majeure ! »
DLH : Avec un budget de fonctionnement, les commissions de quartier sont ainsi renforcées…
C. A : « Cela va leur conférer un rôle de décision plus important dans le fonctionnement du quotidien. C’est l’expérience de la Ville de Dijon et de ses propres commissions qui a montré que cette transition était indispensable. Et cela va s’accompagner d’un remodelage de la représentativité. Nous allons essayer d’être le plus représentatif possible des habitants du quartier. Les commissions sont peut-être composées aujourd’hui de gens très fortement impliqués mais cela écarte parfois aussi d’autres personnes qui n’osent pas. Nous allons tenter de pallier cela… »
DLH : Le tirage au sort qui a été choisi, dès l’origine, pour composer les commissions de quartier sera-t-il maintenu ?
C. A : « Je ne peux pas répondre à cette question puisque le travail des commissions sera de le déterminer. Notre cahier des charges est clair : obtenir une représentation forte des quartiers dans toute leur diversité. Pour ce faire, tout est envisageable et pourquoi pas encore le tirage au sort ? »
DLH : La crise sanitaire et ses restrictions ont mis à mal depuis le mois de mars dernier le fonctionnement de la démocratie participative. Comment, alors que l’épée de Damoclès de la Covid plane encore au-dessus de nos têtes, allez-vous relancer le fonctionnement des commissions ?
C. A : « Les conditions ne sont certes pas idéales mais il a été décidé de réactiver ces commissions de quartier le plus rapidement possible. Une question s’est naturellement posée : doit-on le faire en distanciel ou en présentiel ? L’immense majorité de leurs membres a exprimé son besoin de présentiel, avec, bien évidemment, toutes les mesures de sécurité sanitaire. Nous avons assisté ainsi à une très forte demande de ces commissions pour se remettre en route et retravailler. Le calendrier est serré puisqu’il faudrait qu’avant l’été nous ayons une bonne idée de ce qui pourrait être mis en place. Et ce, afin qu’à l’automne prochain ce modèle soit fonctionnel. Avec la volonté qu’elles ont exprimée, je ne doute pas de la capacité des commissions à travailler aussi rapidement sur le sujet ».
DLH : Pourquoi n’avez-vous pas, en tant qu’adjoint en charge de la démocratie participative, souhaité présider l’une des 9 commissions de quartier ?
C. A :« Le rôle de l’adjoint est d’être un véritable recours pour l’ensemble des commissions sans faire aucune confusion. Il doit être le garant de cette différence fondamentale entre les programmes et la démocratie participative. Il est garant que les commissions ne sont pas des lieux d’affrontement politique au sens partisan du terme mais bien des lieux de proposition et de construction. C’était important pour moi de conserver cette distance. Je peux comme cela être présent et répondre aux problèmes dans toutes les commissions ».
DLH : Au moment où la parole publique est (très souvent) décriée, le modus operandi participatif ne peut-il pas tout de même participer de son retour en grâce ?
C. A : « Nous entendons souvent dire que les gens ne sont plus mobilisés politiquement. La participation aux élections est faible, la parole publique n’est pas respectée, etc. Je pense que c’est une erreur de croire qu’il n’y a plus d’intérêt politique des gens. Bien au contraire, lorsque l’on voit l’intérêt des habitants de participer à leur ville au quotidien, cela redonne de la valeur à la collectivité et à ses orientations ».
DLH : Jusqu’au 31 mars prochain, les Dijonnais peuvent faire part de leurs idées aux membres des commissions sur la plateforme numérique jeparticipe.dijon.fr ou sur dijon.fr J’imagine que la réflexion autour du développement du numérique pour le côté participatif est intense…
C. A : « Tous les Dijonnais ont en effet jusqu’au 31 mars pour faire part de leurs idées. Voilà une des évolutions au fil du temps qui a été actée : la plateforme numérique fait partie des réflexions sur le participatif. Dijon est très en avance dans le domaine avec, notamment, le projet On Dijon. La Smart City prend ici tout son sens : comment un citoyen peut refaire remonter, participer, être informé et informer ? C’est, en effet, une vraie réflexion que nous devons avoir dans la réorganisation de ces commissions de quartier. Et cela s’adresse à tous les habitants… »
DLH : Vous venez d’être élu à l’unanimité président du groupe d’opposition des Forces de progrès au conseil départemental à la suite de Colette Popard. Comment envisagez-vous cette présidence ?
C. A : « Vous avez compris que j’étais pour le débat d’idées et le fait de porter clairement les valeurs que nous défendons. Nous sommes là dans une démarche politique où nous allons présenter nos orientations, notre programme, notre stratégie pour le département. Il faut que très clairement les électeurs identifient facilement de quoi il s’agit. Je suis pour une confrontation d’idées qui ne soit pas dogmatique ou basée sur des choses extrêmement brutales. Elles doivent être sur la réalité et la clarification : voilà ce que je crois et ce que je défends, voilà ce que croit et défend mon adversaire, voilà pourquoi nous sommes en désaccord. Je ne suis pas pour le oui-oui, le non-non ou le ni-ni; il faut réellement que les gens puissent choisir. Cette orientation va être construite sur la transversalité du territoire. La Côte-d’Or est une et indivisible. Nous sommes tous côte-d’oriens et nous ferons des propositions qui toucheront tout les monde ».
DLH : Cela signifie-t-il que la dichotomie entre l’urbain et le rural, qui fait toujours couler beaucoup d’encre, appartiendrait au passé…
C. A : « On a toujours eu le sentiment qu’il y avait l’urbain et la ville. C’est quelque chose qui m’a toujours étonné. Je suis un élu d’un canton urbain mais je suis côte-d’orien avant tout. J’adore mon département. J’ai travaillé dans le Châtillonnais, je suis issu du monde rural. Il n’existe aucune fracture. Nous parlons souvent de la péréquation afin d’équilibrer le territoire mais la problématique n’est pas la péréquation mais le territoire dans son ensemble. Je ne pense pas que les Côte-d’Oriens se sentent d’un monde ou d’un autre. Ils se sentent côte-d’oriens, dans la région Bourgogne Franche-Comté, français et pour la plupart européens. Ce département est extrêmement important pour moi. C’est mon combat. Et, dans mon exercice professionnel (ndlr : Christophe Avena est médecin), s’il y a bien quelque chose que je connais bien, c’est le territoire de la Côte-d’Or, ses différences, ses forces et ses faiblesses. Alors au lieu de mettre en avant nos faiblesses, parfois en les opposant, mettons ensemble nos forces ! Je peux vous garantir que ce département possède un très fort potentiel… »
Propos recueillis par Camille Gablo
La municipalité de Dijon alloue à chacune des 9 commissions un budget de 40 000 € par an.