Ming : un homme sans concession !

Ces 7es rencontres littéraires de « Clameur » – intitulées « Mon œil ! Le roman de l’art » – ont donné l’occasion de croiser aux cimaises auteurs, essayistes, en un mot gens de lettres concernés par la peinture et la sculpture, ou encore par les créateurs aussi bien que par les faussaires. Ce programme était bien évidemment en lien avec la réouverture du Musée des Beaux-arts, qui fait la part belle à Yan-Pei-Ming.

Invité au Consortium à dialoguer avec le critique d’art et essayiste Bernard Marcadé, Ming a enchanté le public par sa façon de penser, de vivre son art sur un mode absolument pas conventionnel : « Le joli ne m’intéresse pas. Le beau, le tragique oui ! Je fais ça pour moi. Ca m’est essentiel …»

Entre questions et réponses scandant cette rencontre avec le public, Ming s’est expliqué sur l’intitulé de son exposition L’Homme qui pleure actuellement au Musée des Beaux-arts de Dijon, ainsi que sur toutes ses autres expositions – à Ornans ou dans un proche avenir à l’étranger dont l’Allemagne… Sa saga picturale ? Le duel, la déchirure spectaculaire de l’infiniment grand – l’univers en guerre, des villes en feu, des paysages explosés par « les guerres passées, actuelles ou futures, toutes inévitables car ancrées au cœur de l’homme qui pourrit tout » – avec l’infiniment microscopique et intime des drames, des deuils, des épisodes mortifères qui ont jalonné, jalonnent et jalonneront son passage sur terre.

Mais l’homme a su également se montrer charmant, bourré d’humour sur lui-même. Mieux ! D’une authenticité déconcertante qui a constitué une arme irrésistible de séduction auprès de l’auditoire du Consortium. Et alors, comment dire ? Le succès appelant le succès, face aux nombreuses propositions qui lui sont faites d’exposer dans le monde entier, Ming de répondre ainsi à Bernard Marcadé l’interrogeant sur le « pourquoi » de son autre exposition à Ornans, chez le grand Courbet : « La directrice du musée m’avait sollicité auparavant. Je m’étais alors dit : On va mettre à ta disposition à peine trois salles… J’ai laissé tomber. Elle m’a de nouveau sollicité en me disant que ce serait dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Courbet. Et là, je me suis dit : C’est pour toi, tu vas avoir dix salles, et son atelier ! ». Bien évidemment rires d’une salle sous le charme. Et quelques instants plus tard, moments graves et profonds – c’est tout ça Ming, en prise totale avec le duo/duel entre son côté sombre et sa face « lumière ». Il précisera sur une intervention de Marcadé : « Ce qui m’intéresse, c’est de me mesurer à l’immense génie d’un Courbet, comme je l’ai d’ailleurs fait à Dijon avec Goya et Le Caravage. J’aime ce choc frontal entre eux et moi. »

Humour, dérision de soi – autant d’antidotes au vertige du succès – Ming conclura adroitement son propos par cette confidence à la mode-pirouette : « Oui, je suis né chinois à Shanghai, mais je me sens français dans l’âme. D’ailleurs, je n’ai rien, strictement rien d’un peintre chinois, car le « made in China » ça n’est pas cher ! »

Marie-France Poirier