Le MEDEF a organisé à la fin du mois d’août sa vingtième université d’été sur le campus d’HEC de Jouy-en-Josas. Retour sur cette grand messe qui marque chaque année à pareille époque la rentrée économique avec le nouveau président départemental du MEDEF, David Butet.
Dijon l’Hebdo : En ouverture de la vingtième université d’été du Medef, le Premier ministre a défendu la politique «pro-entreprises» de son gouvernement. Edouard Philippe vous a t-il vraiment convaincu ?
David Butet : « Je vais dire oui et non… Oui, dans la mesure où la philosophie qui est mise en place par le gouvernement prend véritablement en compte l’accompagnement du développement de l’emploi. Non, au regard de la réalité économique de la France qui, on le sait, est dans un surendettement phénoménal. Certaines décisions, importantes pour les entreprises, devraient ainsi être décalées dans le temps et cela impactera inévitablement la croissance et l’emploi.
DLH : Quels sont les points forts que vous retenez de ce vingtième grand rendez-vous national du MEDEF ?
D. B : « Tout d’abord, l’ambiance générale. Personnellement, j’en suis à ma douzième université du MEDEF, et c’est bien une des première fois où transpirent à la fois un bon état d’esprit, la convivialité et l’optimisme. Certes, il y a beaucoup de choses qui vont bien mais c’est peut-être aussi concomitant à l’arrivée du nouveau président, Geoffroy Roux de Bézieux, avec son président délégué, Patrick Martin. Cette nouvelle gouvernance a exprimé sa volonté de réorganisation globale du MEDEF -car, il ne faut pas se voiler la face, il y a des choses à faire- mais aussi une véritable et sincère prise en compte des territoires pour les intégrer dans les réflexions nationales, dans les déploiements de services qui seraient délocalisés. C’est extrêmement encourageant de voir que l’on ne sera pas soumis à une centralisation à outrance qui, on le sait bien, est une des problématiques de toutes les institutions françaises.
DLH : La France est de retour sur la scène internationale a souligné Geoffroy Roux de Bézieux lors de cette université d’été. Un retour qui reste à confirmer tant le défi est important…
D. B :« Geoffroy Roux de Bézieux a insisté sur le renouveau de l’image de la France qui passe par son Président. Il est vrai que, sans parti pris aucun, Emmanuel Macron a redonné à la France une visibilité internationale positive et une présence dans certaines branches d’activités économiques comme la french tech, par exemple. Cela a été décrié par certains, mais force est de reconnaître qu’il s’est présenté comme notre premier VRP à l’international. Oui, la France est de retour. Ce n’est peut être qu’une question d’image, mais l’image est préalable à beaucoup de choses. Il faut d’abord avoir une image de marque pour ensuite pouvoir vendre les produits et développer les activités. Maintenant, comme on dit en rugby, il faut transformer l’essai. C’est à dire se mettre à l’oeuvre.
Geoffroy Roux de Bézieuxa insisté qu’il ne fallait pas oublier, nous chefs d’entreprises, derrière nos propres responsabilités. Il nous faut employer et investir. »
DLH : Dès lors, que faudrait-il réellement faire pour que les patrons n’aient plus peur d’embaucher ?
D. B : « Je ne suis pas sûr que les patrons aient peur d’embaucher. C’était vrai il y a quelque temps, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Ce que je retiens de cette université d’été du MEDEF à Jouy-en-Josas, c’est que les patrons ne trouvent pas les compétences à embaucher. C’est que j’ai surtout entendu de la part de mes collègues. Les compétences et les personnes formées se font rares. Et on constate un manque de motivation de la part des candidats à l’embauche. La formation est donc un véritable enjeu majeur. Que ce soit la formation des plus jeunes ou la formation professionnelle.
C’est donc une bonne chose que de confier aux branches professionnelles la gestion de l’apprentissage »
DLH : Justement, le président du Medef plaide « pour des objectifs ambitieux en matière de contrats d’apprentissage ». Quels sont-ils ?
D. B : « On ne va pas parler de « quanti », on va surtout parler de « quali ». L’ambition réside dans la création ou le soutien de filières qui embauchent. L’apprentissage subit cet écueil depuis bien trop longtemps. C’est donc une bonne chose que de confier aux branches professionnelles la gestion de l’apprentissage. Il y aura de l’emploi quasi-certain à l’arrivée. L’ambition, elle est là. Comment travailler efficacement avec les territoires et les branches pour créer les filières et les modalités d’apprentissage les plus performantes ? Si vous prenez l’exemple de l’hôtellerie-restauration, il y a de belles formations mais il y a un manque de formateurs… Notre ambition, c’est aussi d’aller vers un apprentissage qui pourrait intégrer, pourquoi pas, des populations intégrées, réfugiées… qui sont prêtes à travailler et qui font montre d’une belle motivation. »
DLH : Le Budget 2019 inquiète-t-il le patronat ?
D. B : « On n’est pas inquiet mais il y a tout de même des points de vigilance car il y a un décalage entre les intentions qui sont déclarées et la réalité d’application. »
DLH : Que penser de l’exonération de cotisations sociales pour les heures supplémentaires ?
D. B : « Que du bien ! Cela avait été mis en place par un précédent gouvernement puis retirée par la présidence suivante pour des raisons de dogme et de principes comme souvent ça arrive. Sincèrement, c’est quelque chose qui fonctionne très bien tant pour les salariés que pour les employeurs. Remettre en place l’exonération de cotisations sociales pour les heures supplémentaires, c’est juste du bon sens.
DLH : La démission de Nicolas Hulot, est-ce une bonne chose pour l’industrie française ?
D. B : « Je pense que c’est un non événement à la fois pour l’industrie française et le MEDEF ; C’est un ministre. C’est donc le problème du gouvernement, pas le nôtre. Sachez que pendant les deux jours de l’université d’été, il y a eu de nombreuses tables rondes, groupes de travail et conférences sur l’intégration de l’environnemental dans les modèles économiques. Ce sont les entreprises elles-mêmes qui identifient et développent des outils de croissance qui passent par l’environnemental.
DLH : Qu’attendez-vous des discussions sur de nouvelles règles pour l’assurance-chômage et la santé au travail qui se sont ouvertes à Matignon ?
D. B : « Geoffroy Roux de Bézieuxa rencontré le Premier ministre Edouard Philippe avant l’université d’été. Des groupes de réflexion ont déjà été constitués au sein du MEDEF pour travailler sur cette question. Il faut considérer que l’assurance-chômage doit se gérer par l’emploi, d’abord et avant tout. Je le redis : nous sommes prêts à contribuer et à prendre nos responsabilités pour employer ; Maintenant, le bon sens doit prévaloir : permettre à des salariés d’être assurés pour un chômage qu’ils ont choisi, c’est compliqué. C’est ce qui nous rebute le plus. Je peux mettre en avant un certain nombre de demandeurs d’emploi qui sollicitent des rendez-vous pour simplement démontrer à Pôle Emploi qu’ils sont venus me voir, dans mon entreprise, pas pour trouver du travail mais avec l’objectif principal de rester au chômage. Ce sont ces comportements qu’il faut endiguer. L’homme n’est pas fait pour être au chômage. Ce n’est pas un métier que d’être au chômage.
Sur la santé au travail, je vais évoquer des points qui peuvent heurter certaines personnes. Les prescriptions médicales de convenance, ce n’est plus possible. On veut évidemment préserver la santé de nos collaborateurs. C’est un souci majeur. En revanche, on ne peut pas se permettre d’avoir, en permanence, des arrêts maladie cumulés. Il faut également porter un regard sur l’organisation de l’organisme de santé au travail car c’est aussi un véritable enjeu. »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre