Spécial Collectivités : L’Union Sociale pour l’Habitat

Eric Philippart : « Nous ne sommes pas magiciens ! »

L’Union sociale pour l’Habitat de Bourgogne Franche-Comté a décidé d’aller à la rencontre des députés et sénateurs ce mercredi 29 novembre à l’Assemblée nationale. Et ce, afin de les sensibiliser (encore plus) au combat qu’elle mène pour faire abroger l’article 52 du Projet de Loi de Finances 2018. « Une triple peine » selon le président régional de l’USH, Eric Philippart. Interview du premier des bâtisseurs sociaux de Bourgogne Franche-Comté…

Dijon l’Hebdo : Au sortir de l’intervention d’Emmanuel Macron lors du Congrès des Maires, le premier magistrat de Dijon, François Rebsamen, a communiqué : « Cela a été un rendez-vous manqué pour renoncer aux mesures qui menacent le logement social ». Partagez-vous cette analyse ?

Eric Philippart : « Le mouvement régional du logement social partage le message de François Rebsamen. Nous attendions, en effet, un certain nombre d’annonces… Nous aurions peut-être pu au moins espérer un cadre de travail mais aussi que les choses s’inscrivent dans le temps ».

DLH : Pourquoi la mobilisation contre ce projet de Loi de Finances 2018 semble plus forte en Bourgogne Franche-Comté qu’ailleurs ?

E. P. : « Nous réagissons fortement parce que, d’une part, nous sommes attachés à nos territoires et, ensuite, parce que nous ne faisons pas que du logement. Nous fabriquons aussi, dans certains territoires, avec les élus, de la cohésion sociale et territoriale. Nous considérons que nous devons faire face à une double peine : la vacance et la réduction des loyers… N’oublions pas non plus que nous avons des loyers particulièrement bas : 5,10 € en moyenne par m2, alors que, dans d’autres régions, ils sont de 8 ou 9 € ! Nous pourrions même parler de triple peine car, en BFC, le taux d’APL atteint 56%, ce qui traduit que nos locataires ont des revenus très modestes. Aussi sommes-nous très exposés… »

DLH : Vous êtes par exemple plus exposés qu’en Ile-de-France…

E. P. : « Nous ne sommes pas en Ile-de-France ou encore en Rhône-Alpes, autrement dit dans des territoires tendus. C’est la singularité de notre région qui n’est pas non plus homogène, avec des pôles urbains et des réalités moins tendues. En dehors de la méthode qui est un peu brutale et même si nous sommes évidemment conscients qu’un effort collectif est nécessaire pour la maîtrise des dépenses publiques, c’est l’absence de prise en compte de nos réalités territoriales qui nous choque. La France est riche de ses différences, de ses territoires ».

DLH : Comment se traduirait pour les organismes HLM locaux la mise en place des mesures envisagées par le gouvernement ?

E. P. : « Nous avons mesuré l’impact de l’article 52 de la Loi de Finances, tel qu’il a été adopté en première lecture, sur une vingtaine de nos organismes. Treize seraient en difficulté l’année prochaine et n’arriveraient pas à équilibrer leur budget ».

DLH : Et quelle serait la répercussion sur les investissements ?

E. P. : « Notre démarche se fait avec le soutien de la Fédération régionale du Bâtiment. Cela renforce notre position. L’impact de la réduction des loyers représente 10 % en moyenne des chiffres d’affaires des organismes. Il faut savoir que le mouvement HLM pèse de l’ordre de 20% de la commande publique sur la construction de logements. Ainsi, selon les projections effectuées, nous passerions d’un investissement d’environ 500 M€ à 150 M€ ! Ce serait ainsi un élément complet de l’économie de la région qui serait touché. Et, au même moment, Nicolas Hulot s’apprête à nous demander d’être encore plus présents sur les rénovations énergétiques lors de la Loi Logement attendue pour 2018. Nous ne savons pas faire, nous ne sommes pas magiciens et nous n’avons pas de planches à billets ! »

DLH : Lors de sa dernière interview sur TF1, le président de la République a, en substance, évoqué des réserves financières sur lesquelles dormiraient des organismes HLM. Ces organismes « rentiers » existent-ils localement ?

E. P. : « Chez nous, les « dodus dormant », autrement dit ces organismes qui seraient anormalement riches, n’existent pas… Nous avons une vraie transparence sur la situation des 33 organismes qui composent l’USH. Les réalités sont différentes mais il n’y a aucun trésor de guerre. Je récuse aussi l’idée d’un mouvement HLM un peu assoupi, qu’il faudrait secouer, même si je peux comprendre qu’il s’agisse de stratégies de communication. La réalité est très différente ! Nous ne sommes pas des organismes attentistes. Nous nous mobilisons en permanence ! »

 

Propos recueillis par Xavier Grizot