François Martin : « Notre profession doit rester indépendante »

François Martin a achevé, ce lundi 15 mai, son mandat de président de la Chambre départementale des notaires de Côte-d’Or. Retour sur les temps forts de cette profession qui compte, dans le département, 90 notaires employant 480 salariés.

Dijon l’Hebdo : Quel est le regard que vous portez sur ces deux années que vous venez de passer à la tête de la chambre départementale des notaires de Côte-d’Or ? Vous êtes le président qui a pris de plein fouet la loi Macron ?

François Martin : « Deux années palpitantes, extrêmement prenantes, mais aussi très mouvementées, marquées par les interrogations provoquées par la loi Macron. Cette dernière a tout de même eu des aspects positifs : elle nous a obligés à nous remettre en question, à réfléchir sur nos structures, sur nos manières de travailler. Nous resterons des notaires évidemment, mais nous n’aurons pas d’autres choix que de nous comporter en chefs d’entreprises avec une notion de rentabilité clairement établie ».

DLH : Chef d’entreprise, vous l’étiez déjà ?

F. M. : « Oui, mais cela ne transparaissait pas. Avec l’augmentation du nombre d’études –20 % de plus sur le secteur de Dijon –, on ne peut plus se permettre de faire des actes à perte. On ne l’a pas encore évalué, mais il y aura forcément une baisse du chiffre d’affaires car l’activité, elle, n’augmentera pas de 20 % ».

DLH : Les regroupements d’études qui semblent inexorables ne vont-ils pas susciter des convoitises de la part de groupes financiers ?

F. M. : « C’est inévitable. Ce sont les effets de la loi Macron. C’est « l’uberisation » de la profession. Il ne faudra pas céder à des solutions de facilité, cela pourrait être dramatique. Ce qui est essentiel, c’est que notre profession reste indépendante.

L’inquiétude des notaires français va bien au delà car derrière ces réformes, ils redoutent surtout la patte de Bruxelles et le poids non négligeable du lobby des grands cabinets d’avocats anglo-saxons. Ces derniers, en concurrence directe avec le système notarial français au niveau mondial, pourraient chercher, petit à petit, à imposer leur modèle juridique au reste de l’Europe ».

DLH : La loi Macron impose, entre autre, l’ouverture de nouvelles études. Combien y en aura-t-il en Côte-d’Or ?

F. M. : « En Côte-d’Or, l’attribution des nouveaux offices de notaires s’est effectuée par un tirage au sort. Au total, ce sont 9 notaires, parmi 127 candidats, qui vont s’installer sur le secteur de Dijon. Le nombre d’études passera ainsi de 40 à 49 ».

DLH : Est-ce la chambre de notaires qui a procédé à ce tirage au sort ?

F. M. : « Non, c’est la chancellerie. C’est elle qui décide de ces nouvelles implantations à partir d’un avis de la Haute autorité de la Concurrence. Au passage, je regrette qu’il n’y ait pas eu de concertation sur ce sujet. Le tirage au sort n’est pas une bonne solution. La Chambre aurait été capable d’organiser un concours, comme l’internat de médecine, pour attribuer ces nouvelles implantations ».

DLH : Qui pouvait candidater à l’ouverture de ces nouvelles études ?

F. M. : « Toute la profession. Une étude déjà en place, une étude extérieure au département, un notaire salarié, un jeune notaire diplômé ».

DLH : S’il fallait revenir sur la réforme du notariat, que faudrait-il faire évoluer ?

F. M. : « Les sondages montrent la belle confiance que nous accordent les Français. Et pourtant, il nous faire connaître encore mieux notre métier. Pour utiliser une image, il faut faire apparaître la partie immergée de l’iceberg. Nous ne sommes pas seulement des personnes qui enregistrent, nous sommes là pour garantir la sécurité juridique. Il nous faudrait revoir les fondamentaux de la communication tout en respectant les règles de déontologie. La publicité ne nous est pas autorisée alors que d’autres professions réglementées la pratiquent. Par exemple, la chambre des notaires peut soutenir un club de sport, mais pas un notaire… »

DLH : Comment voyez-vous évoluer votre profession dans les années qui viennent ?

F. M. : « Sur le présent déjà : nous accueillerons comme il se doit les nouveaux confrères qui vont s’installer. C’est primordial. Pas question de les rejeter. La pire des choses, ce serait un échec de leur intégration.

Dans les deux ans qui viennent, nous aurons complètement changé nos méthodes de travail. Il y aura peut-être des regroupements d’études, pourquoi pas la mutualisation d’un service formalités… »

DLH : La bonne nouvelle, c’est quand même la belle reprise de l’immobilier ?

F. M. : « Le volume des transactions a nettement augmenté. La baisse des prix était salutaire. On était arrivé à des sommets qui devenaient infranchissables. Notre volonté est de mutualiser nos moyens sur ce marché sur lequel certaines études sont déjà bien positionnées ».

Propos recueillis par Jean-Louis PIERRE