Mulot et Petitjean : 225 ans et pas une ride !

    Enchâssée entre deux immeubles en briques de la place Bossuet, la façade de la boutique Mulot et Petitjean structurée de poutres rouge bourgogne se détache du reste des commerces comme un mirage, promesse d’un paradis sucré. Les regards curieux et gourmands des passants ne manquent jamais de s’y arrêter quelques instants voire de céder à la tentation d’y entrer.

    Pour ses 225 ans, la maison Mulot et Petit Jean présente à l’intérieur de ses vitrines ses douceurs aux épices dans leurs coffrets vintages ainsi qu’une pièce maîtresse : la reproduction de la façade de la boutique en pain d’épices ornée d’une plaque célébrant le 225ème anniversaire. Les deux stores vermeils qui surmontent la devanture, rebondis comme des madeleines, semblent protéger les délices au secret bien gardé. Dijon l’Hebdo s’est rendu à la rencontre de Catherine Petitjean, fille d’Albert Petitjean qui dirige avec son énergie et son endurance habituelle cette entreprise fondée en 1796, puis rassemblée sous le nom de Mulot & Petitjean en 1901 avec la fusion des deux plus anciennes fabriques de pain d’épices à Dijon.

    Dijon L’Hebdo : « Mulot et Petit Jean fête cette année ses 225 ans : 225 ans de tradition familiale et d’engagement ; pour vous quel est cet esprit original et authentique de la Maison ? »

    Catherine Petitjean : « Notre esprit de tradition passe tout d’abord par le respect des savoir-faire et du code d’usage de fabrication de notre pain d’épices. Ce code a des spécificités bien précises ainsi qu’un process : de la pâte mère à la pâte braquée pour ensuite arriver sur un produit qui doit être pauvre en matières grasses (moins de 3%). La cuisson peut varier de seulement quelques minutes à plus de 2 heures, notamment pour nos produits traditionnels comme le pavé qu’on appelait auparavant « pavé de santé » qui nous est d’ailleurs toujours demandé par notre clientèle dijonnaise traditionnelle. » 

    DLH : « Les nonettes Mulot & Petitjean à l’emballage fluorescent sont devenues une composante de l’identité gastronomique et culturelle de Dijon et font partie de ces incontournables qu’on retrouve partout en France : quels sont vos futurs projets de développement et d’influence ? »

    C. P : « Déjà, développer nos nouveaux produits mis sur le marché l’année dernière qui donnent au consommateur de nouvelles occasions de déguster le produit. C’est le cas du nouveau pain d’épices toasté, qui se trouve être facile d’utilisation pour le/la cuisinière, et délicieux par-dessus le marché ! De plus, dans le cadre de cette nouvelle année et de nos 225 ans, nous allons sortir une nouvelle gamme qui n’est pas encore complètement aboutie ainsi qu’un nouveau fourrage au fruit. Nous travaillons également sur le packaging : deux nouvelles boîtes collectors sont à venir pour marquer les 225 ans de la Maison. On travaille donc activement sur le produit mais aussi sur sa présentation qui fait l’identité de la marque ».

    DLH : « On vous sait très engagée que ce soit sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise ainsi que sur votre empreinte écologique. Vous proposez notamment une gamme bio ; pensez-vous élargir cette exigence à l’ensemble de vos réalisations ? »

    C.P : « Nous avons en effet une gamme bio pour le moment restreinte mais en parallèle, nous sommes très vigilants quant au choix des matières premières, que ce soit sur leur qualité mais également sur leur origine : on essaye de se fournir au plus près. La farine vient de Bourgogne tout comme le miel qui ne peut toutefois pas être que du miel 100 % bourguignon. Sur l’approvisionnement, nous sommes sur du miel France et UE. C’est une action forte pour nous à la fois sur les origines des matières premières mais aussi sur la situation géographique des fournisseurs. C’est un travail de tous les instants ! La gamme bio a vocation à être étendue bien que cela ne soit pas notre objectif principal cette année ».

     

    DLH : « Vous avez proposé deux formations pour vos collaborateurs, une sur la gestion des déchets et du tri ainsi qu’une autre avec une naturopathe alimentation et santé ; qu’en est-il de ces évolutions qui tendent vers toujours plus d’éthique à l’échelle de vos collaborateurs ? »

    C.P : « C’est en effet ce qui a été fait bon an mal l’année dernière avec la crise du Covid-19. Nous sommes très vigilants à la lutte contre le gaspillage, d’où les dernières formations avec les collaborateurs. Le but est de sensibiliser pour que l’on jette le moins possible les matières premières. Ces ingrédients perdus auraient pu nourrir des personnes, et représentent du travail. Or on ne jette pas du travail ! C’est pourquoi nous vendons nos chutes ou les donnons à des organismes caritatifs. Nous sommes très proactifs sur les chutes depuis qu’une étude récente nous a montré le total des pertes qui fait vite prendre peur. D’où le rôle essentiel de nos consultants ! 

    Cette année, nous avons choisi de proposer également une formation sur les retraites : c’est un aspect primordial à mettre en place pour nos collaborateurs. Nous avons aussi créé un comité du travail où l’on parle qualité de vie au travail, protection des salariés et sécurité. Le fait d’avoir ce comité nous permet d’être ainsi plus attentif aux diverses demandes. Les collaborateurs sont inclus à part entière dans ce process de RSE. De plus, il y a une demande de notre part vis-à-vis de nos collaborateurs d’être à l’initiative sur les réunions qu’on pourrait organiser ».

    DLH : « Comment voyez-vous l’avenir de l’entreprise ? »

    P.C : « Cette entreprise a toujours été familiale. J’ai la chance d’avoir 4 filles dont une se destine à reprendre. C’est donc un héritage qui va continuer à se transmettre dans la famille. Rien d’officiel à ce niveau-là : la transmission va se faire en douceur bien qu’il soit temps de commencer à y penser ».

    DLH : « Vous venez de sortir une nouvelle gamme de toast pur miel ; Mulot et Petitjean est donc capable de se réinventer. Avez-vous peut-être des idées d’innovation ou de nouveaux produits ? »

    C.P : « Nous allons sortir une gamme salée, surtout sur des mini-nonettes : j’ai eu l’occasion de goûter, c’est bon ! Nous essayons de mettre le pain d’épices sur ce plan salé comme on a pu le faire avec la gamme spécial toast à l’aneth, aux graines et son de moutarde sans oublier à la figue pour un retour à un côté plus traditionnel. Autant de possibilités de déguster Mulot & Petitjean à l’apéritif ! ».

    DLH : « Est-ce qu’il y a un de vos produits en particulier pour lequel vous avez une préférence ou qui vous évoque un souvenir ? »

    C.P : « Effectivement j’ai mes petites Madeleine de Proust qui me tiennent à cœur. En premier lieu le pavé, qui pour moi sent l’enfance quand j’en coupe la tranche. Autre Madeleine, la bande d’amande toasté et bien sûr les nonettes à l’orange. Également les gimblettes ou les malakoffs qui sont eux des produits plus confidentiels car fait à la main et qui ne représentent pas une grande part des ventes. Je n’en mange pas toute la journée et pour preuve, il n’y en a pas dans mon bureau car quand je mets le nez dedans je n’en sors plus ! »

    DLH : « Pour vous quel est le pain d’épices qui représente le plus ce goût de l’authenticité et de la tradition Mulot et Petitjean ? »

    C.P : « Nous avons sorti un pain d’épices pur miel qui fait 230 grammes, très bon et que j’affectionne aussi particulièrement. Comme quoi, cette tradition passe aussi par le biais de l’innovation permanente ! ».

    DLH : « A propos du musée, les 225 ans y-seront-ils fêtés comme il se doit ? »

    C.P : « Malgré la fermeture du musée liée à la pandémie, nous avons refait nos films, avec plus d’explications et plus axée RSE. En effet, on devient vite obsolète quand on maintient un héritage culturel. C’est important de se renouveler si on ne veut pas se retrouver avec quatre sabots et quatre moules ! Nous avons également prévu un certain nombre d’interventions thématiques avec des intervenants extérieurs pour parler de la farine, du miel et de la Bourgogne ».

    Propos recueillis par Victor-Louis Barrot