Pendant 3 jours, les maires de France ont tenu leur congrès annuel au Parc des Expositions de la Porte de Versailles, à Paris, avec en ligne de mire les efforts budgétaires demandés aux collectivités par le gouvernement de Michel Barnier. Ludovic Rochette, président de l’AMF 21, revient sur ce temps fort des élus locaux.
Une écharpe noire recouvrant l’écharpe tricolore… Les élus ont donné un ton très particulier à ce congrès des maires de France… en même temps qu’une unité retrouvée ?
« L’unité n’a pas été retrouvée car elle est bien présente au sein des maires de France. C’est même la caractéristique de l’Association des maires de France et tout particulièrement de l’association côte-d’orienne. L’AMF est représentative de toutes les idées politiques, républicaines, mais aussi de tous les territoires. Et mon rôle, c’est de faciliter la discussion et l’harmonie de tous ces territoires qu’ils soient urbains ou ruraux.
Ce que je retiens surtout, c’est que les maires en ont marre d’être flattés au congrès et tapés au budget. Cette écharpe noire était à la fois un message d’unité et de fermeté vis à vis du gouvernement mais aussi et surtout vis à vis de la haute administration ».
La résignation, la colère, l’inquiétude n’ont donc jamais autant résonné durant ces trois journées de congrès ?
« A titre personnel, la résignation, je ne connais pas. Au contraire, je suis plus motivé que jamais. La particularité du mandat de maire, c’est à la fois le plus beau et le plus dur. Nous avons pour responsabilité de nous projeter sur les futures élections municipales pour éviter un crash démocratique. Il faudra impérativement avoir des candidats et des candidats dans chaque commune, animés d’un esprit républicain. Pour cela, il est indispensable de rendre moins difficile cette fonction de maire. La volonté de Michel Barnier et de son gouvernement va dans le bon sens avec l’annonce de travailler, dès janvier prochain, sur le statut de l’élu ».
En quoi les communes constituent-elles un véritable pôle de stabilité face au marasme politique national ?
« A chaque situation de crise, la commune a toujours été là. Le mandat actuel est très particulier. Il a commencé par la crise sanitaire. Qui était là. La commune ! Ensuite, la phase de vaccination. Qui était là ? La commune ! Puis, la crise énergétique. Qui était là ? La commune ! S’il y a bien un facteur de stabilité aujourd’hui en France, c’est bien la commune. D’ailleurs le maire est l’élu en qui on a le plus confiance. On a toujours montré qu’on savait faire. Dès lors, laissons nous agir ».
Les propos du Premier ministre venu clôturer le 106e congrès de l’association des maires de France vous ont-ils vraiment rassuré ?
« « Déjà, le parcours de Michel Barnier est rassurant. Nous avons des ministres, telles que Catherine Vaurin ou Françoise Gatel, qui connaissent très bien l’exercice du mandat local. Le Premier ministre a donné certains gages comme la volonté de lutter contre l’inflation des normes, la chasse aux injonctions contradictoires… Il y a des signes très positifs. Notamment quand Michel Barnier dit qu’il ne peut pas y avoir d’Etat sans communes. Par contre, les actes financiers étaient très attendus. On les attend toujours et on sera très attentifs aux propositions du sénat quant à la modification du budget. Sans budget, nous serions dans une situation très périlleuse ».
Pourtant, la méthode employée par le Gouvernement pour imposer ses mesures, sans concertation ou discussion avec les collectivités n’est pas de nature à gagner votre confiance ?
« La méthode que le gouvernement a été amené à suivre, c’est celle de la haute administration technocratique. Il faut une véritable révolution de culture. Ce qu’on fait localement, on doit être capable de le faire nationalement. J’avais des relations quasi quotidiennes avec Franck Robine, l’ancien préfet. Physiquement, par téléphone, par sms, nous étions régulièrement en contact. Je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer de manière sérieuse son successeur qui est en poste depuis le 28 octobre dernier… ».
Vous insistez sur le fait que « ce que nous vivons n’est pas une défaillance momentanée du système, c’est dans ses profondeurs que le système est défaillant ». Comment en est-on arrivé là ?
« Je pense tout simplement que c’est parce que nous avons laissé la haute administration en totale autonomie. Le rôle des élus, dans chaque strate, est de travailler avec des services. Mais à la fin, c’est le politique qui doit décider. Au passage, j’en profite pour souligner le problème que pose le mandat unique des parlementaires. Plus que jamais, nous avons besoin de parlementaires-maires pour se saisir parfaitement des problématiques des territoires. Dans ce sens, le mandat unique est une catastrophe ».
Les violences faites aux élus restent une de vos préoccupations majeures. Qu’est-ce que ce congrès a apporté dans ce domaine ?
« Dans les propos de Michel Barnier mais aussi dans les débats que nous avons eus, on a bien compris que ce qui était fait sur le plan local doit se généraliser nationalement. L’AMF a décidé de se porter partie civile aux côtés des élus agressés. Nous avons une justice beaucoup plus sensibilisée sur ce sujet. La mise en place d’un véritable statut de l’élu sera à même de rassurer les femmes et les hommes qui s’engageront aux prochaines élections municipales ».
Rattrapés par les réalités vécues par leurs concitoyens, les élus locaux ne peuvent plus évidemment détourner le regard face à l’intensification du trafic de stupéfiants sur le terrain que ce soit en ville ou à la campagne ?
« Les élus n’ont jamais détourné le regard. Ils n’avaient tout simplement pas les moyens de lutter seuls. Les relations sont de plus en plus constructives avec les forces de l’ordre, avec la justice et on ne peut que s’en féliciter ».
L’AMF 21 que vous présidez donne rendez-vous à tous ses adhérents, ainsi qu’à l’ensemble des élus et des services des collectivités du département, les 12 et 13 décembre prochains, à Dijon, pour le Salon des Maires de la Côte-d’Or. Ce sera l’occasion d’y accueillir Nathalie Koenders qui a succédé à François Rebsamen ?
« Ce sera l’occasion d’accueillir tous les nouveaux maires élus depuis le dernier salon dont Nathalie Koenders à qui j’adresse, une nouvelle fois, mes félicitations les plus sincères et les plus républicaines. Le fait que le nouveau maire de Dijon soit une femme est une bonne chose qu’on retrouve cependant à l’échelle du département. Entre 2014 et 2020, nous avons eu 70 nouveaux maires dont plus de la moitié était des femmes. Nous avons, certes, encore beaucoup de retard si on considère l’ensemble des femmes maires en Côte-d’Or qui dépasse tout juste les 20 %. Pour autant, on peut remarquer que dans les élections intermédiaires, ce sont principalement des femmes qui deviennent maires ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre