François Rebsamen : « L’avenir de la planète, c’est aussi de loger les gens »

C'est un François Rebsamen souriant et détendu qui aborde la période estivale. Le maire de Dijon fait le point sur les principales actions menées depuis 2020, celles qui sont en cours, celles qui contribuent à l'attractivité et au rayonnement de la ville. Sans oublier de parler de l'avenir...

La veille des vacances estivales est toujours propice aux bilans. Si vous deviez évoquer ces trois dernières années, que mettriez-vous en avant spontanément ?

« D'abord il faut évoquer le contexte de ces trois dernières années. La crise de la Covid -en 2020, 2021 et début 2022- qui a impacté nos finances avec des interventions importantes en direction de l'économie locale, notamment pour soutenir les secteurs de hôtellerie, de la restauration et les artisans. Ensuite, le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie qui a accéléré l'inflation naissante, créé des difficultés de pouvoir d'achat pour les particuliers et entraîné une crise économique.

Cela ne nous a pas pour autant empêché de tenir les engagements que nous avons pris. Chaque jour, nous avons agi, de différentes manières, pour faire de Dijon la première ville écologique de France et c'est pour cela que nous avons été retenus par l'Union européenne comme une des trente villes européennes -il y en a deux en France, Dijon et Nantes- climatiquement neutres en carbone et intelligentes à horizon 2030.
Il faut évoquer la fréquentation touristique qui a explosé tout particulièrement cette année avec des chiffres meilleurs que ceux de 2019 et ce sans les touristes asiatiques. Nous allons fêter le millionième visiteur à la Cité internationale de la gastronomie et du Vin. L'attractivité de notre ville y est pour beaucoup.

Une attractivité régulièrement récompensée et saluée dans les médias nationaux et internationaux. Ne pas oublier, non plus, de mettre en avant la reprise du Palais des Congrès – Parc des Expositions mais aussi les filières très performantes qui se développent autour de l'agro-alimentaire, de la santé. Je pourrais donner plus de détails... Parler du plan vélo... Souligner encore la priorité à l'éducation avec un plan de 75 millions d'euros pour la rénovation de nos écoles... D'une manière globale, le bilan est très bon ».


L’urgence environnementale et climatique appelle à faire évoluer nos comportements vers plus de sobriété. Qu'avez-vous mis en place depuis ce début d'année ?

« Je suis très surpris que nos grands responsables politiques nationaux n’aient pas salué l'extraordinaire capacité des Français à consentir des efforts quand c'est nécessaire. S'il n'y a pas eu les coupures annoncées cet hiver, c'est bien parce qu'il y a eu une baisse de 10 % de la consommation. Moi, à mon niveau, je leur dis merci.

Nous avons lancé la rénovation thermique des écoles. Nous avons un projet exemplaire au niveau européen : c’est le projet « Response ». Il va permettre à 1 200 habitants du quartier de la Fontaine d'Ouche de produire plus d'énergie qu'ils ne vont en consommer. Parlons aussi du réseau de chaleur urbain qui fait plus de 120 km et dessert à peu près 100 000 équivalent-habitants qui sont alimentés par des chaufferies bio-masse. Ce dispositif illustre parfaitement l’écologie populaire que je porte en ce sens qu’il redonne du pouvoir d'achat aux habitants tout en réduisant l’empreinte carbone, ce qui améliore la qualité de l'air. D’ailleurs à Dijon la qualité est telle que nous n’avons pas besoin de faire de zone à faible émission. Il y a très peu de dioxyde d'azote dans l'air. Nous sommes en dessous des normes qui sont demandées pour 2030. C'est évidemment une donnée très importante pour la santé.

Nous produisons nous même notre électricité avec l'usine d'incinération et nous alimentons aussi notre tramway. Nous avons installé 17 hectares de panneaux photovoltaïques, mis en place la méthanisation des boues... Sans oublier le projet d’hydrogène vert pour alimenter notre flotte de bus et nos bennes à ordures ménagères dans les prochains. Tout cela démontre que nous sommes bien à la pointe de l'écologie ».

Lors de la présentation de vos vœux, vous avez choisi le mot « ensemble » pour cette nouvelle année. A-t-il toujours la même résonance six mois après ?

« Oui, bien sûr. C'est pour cela que je me suis opposé à la réforme des retraites telle qu'elle était. Après toutes les crises que nous avons connues, que nous continuons à subir, il n'était pas opportun de fracturer notre société. De surcroît, je pense qu'il ne fallait pas faire subir cette réforme brutale aux seuls salariés. Ce dont nous avons besoin c’est de repenser profondément le rapport de notre société au travail. C'est ensemble qu'il nous faut agir. Je me suis toujours reconnu dans ce slogan de François Mitterrand : « La France unie ».

« Je crois à l'unité, à la persistance, à la logique, à l'adhésion d'hier avec demain » ... C'est une citation de Victor Hugo ».

 

Vos relations avec le Département n'ont pas toujours été au beau fixe. Se sont-elles améliorées ?

« Avec François Sauvadet, nous sommes appelés à nous entendre. Nous avons des combats communs. Et nous allons les mener ensemble. Que ce soit pour le soutien à l’installation du Muséum d'histoire naturelle qui viendra un jour à Dijon. Que ce soit pour les acquisitions de voiries en matière d'autoroutes et de rocade. Ce qui fait aujourd'hui l'attractivité de la région, c'est essentiellement le développement économique de Dijon. C'est une ville qui gagne des habitants. C'est une métropole qui rayonne. Cette attractivité, il faut la renforcer car elle profite aussi à la Côte-d'Or. Le président du Département l'a compris. Ensemble nous devons agir pour aider au désenclavement de notre région qui n'a aucune liaison ferroviaire avec le nord de l'Europe, aucune liaison ferroviaire avec l'ouest de la France. Si la Région ne se bat pas, elle va continuer à décliner en termes d’attractivité et à perdre des habitants ».

 

Comment réagissez-vous à cette menace de fermeture qui pèse sur l'aéroport Dole-Tavaux ?

« J'ai donné ma position à la présidente de Région. Je ne souhaite pas subventionner Ryanair. Par contre, je souhaite qu'une offre se développe à partir de Dole-Tavaux. Je ne peux pas être celui qui, en 2001, après mon élection, a fait campagne pour faire de Dole-Tavaux un aéroport régional de qualité et, aujourd'hui, me satisfaire de ce que j'entends à propos de la suppression de subventions. J'ai proposé au président du Département de voir ensemble quelles pourraient être les conditions du soutien que nous devrions apporter. Pas seulement nous deux, il faut aussi discuter avec les départements de Saône-et-Loire et du Doubs. La Métropole sera présente pour maintenir le rayonnement de cet aéroport, surtout au moment où l'offre ferroviaire ne cesse de se dégrader ».

 

L'annonce du Guide Vert Michelin d'attribuer trois étoiles à Dijon pour récompenser les sites touristiques incontournables vient confirmer vos efforts qui visent à faire rayonner Dijon et sa Métropole ?

« Ce qui me fait aussi très plaisir, c'est qu'il y ait des journalistes qui m'en parlent. J'ai l'impression, parfois, qu'on a honte des bonnes nouvelles. Notre opposant historique, celui qui fait des recours permanents contre la ville de Dijon, disait beaucoup de mal des Halles de Dijon jusqu'au jour où CNN a dit que le déplacement à Dijon s'imposait au moins pour les voir.

Même la Cité de la Gastronomie a déjà une étoile sur ce guide. Tout cela concoure à l'attractivité et c'est tant mieux. Et les touristes asiatiques ne sont pas encore tous revenus. Il y a 8 hôtels en construction à Dijon. 4 800 places potentiellement disponibles dans l'hôtellerie. Il y en avait 3 200 quand je suis arrivé. Je ne suis pas dans la folie des grandeurs. Je suis dans le progrès durable, mesuré. Je ne suis pas dans le déclinisme, je suis pour une croissance sûre. ».

 

Vous insistez sur le fait que « la Cité de la Gastronomie et du Vin est bel et bien devenue une destination incontournable, un nouvel emblème de notre capitale régionale ». Que répondez-vous à ceux qui la critiquent en affirmant que les Dijonnais ne se l'approprient pas ?

« Ce sont des gens qui n'y vont pas. C'est leur droit. Le baromètre annuel de la politique municipale montre que 61 % des Dijonnais considèrent que c'est un projet utile à la ville. Tous les dimanches, il y a 300 à 400 personnes qui vont prendre le brunch à la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin ».

 

Qu'est-ce qui pourrait être de nature à vous inquiéter dans les semaines et mois qui viennent ?

« Je suis très inquiet de cette guerre qui dure en Ukraine imposée par l'impérialisme russe sans limite et cet autocrate qu'est Poutine. Il faut que l'Ukraine gagne cette guerre. C'est vital pour l'Europe. Avec la guerre, c'est l'inflation qui dure.

Il y a aussi le problème du logement. J'avais remis un rapport à Jean Castex - quand il était Premier ministre - apportant un début de solution au logement locatif à loyer modéré. Mais depuis la situation s'est aggravée parce qu'il y a une curieuse alliance - à Dijon comme dans d’autres villes de France - entre ceux que j'appelle les possédants, c'est à dire les propriétaires d'un appartement ou d'une maison et des anarchistes qui veulent détruire le capitalisme. Une alliance pour le moins curieuse visant à empêcher toute forme de construction au nom, soi-disant, de l'avenir de la planète. Alors que l'avenir de la planète, c'est aussi de loger les gens qui y vivent. Aujourd'hui en France 4 millions de personnes souffrent du mal-logement ou d'absence de logement. Ne l’oublions pas ».

La Foire internationale et gastronomique de Dijon approche. Cet événement majeur, vous le voulez comment ?

La Foire était en perte de vitesse. Il y avait dans le temps plus de 200 000 visiteurs. Aujourd'hui, on est à 110 – 115 000. Il faut, tout à la fois, garder ce qui faisait la force de cette foire, c'est à dire la tradition et lui apporter de la nouveauté, de la fraîcheur. Pour faire revenir les familles, je propose la gratuité des entrées pour les enfants. On va s'inspirer de ce qui marche bien. Je pense à la foire de Châlons-en-Champagne qui attire plus de 250 000 visiteurs.

Cette foire, on va la réussir. On tourne la page, et on regarde vers l'avenir. 2024 sera une année formidable pour le tourisme de congrès. On va avoir des événements qui vont marquer l'histoire de la ville comme le congrès national de l'hydrogène et le congrès mondial du vin, le centenaire de l'OIV et la rencontre interministérielle des 49 pays membres de cette organisation internationale, les journées de l'Economie Autrement, le mondial de pétanque... ».

 

Il se murmure que vous pourriez transmettre votre écharpe de maire à votre Première adjointe Nathalie Koenders avant la fin du mandat. Vous êtes dans cette disposition d'esprit ?

« Des rumeurs, j'en ai connues de toute sorte. En général, c'est pour vous faire du mal. Je vais répondre à celle-ci en vous disant que je suis maire. Je fais mon travail et j’y prends plaisir comme au premier jour. Quand j'en aurais assez, j'arrêterai. Mon souhait le plus cher c’est que Nathalie Koenders me succède un jour, devenant ainsi la première femme maire de Dijon. Et je ferai tout pour que ça arrive ».

 

Parlons vacances maintenant. Où avez-vous prévu de les passer ?

« En France. C'est important de soutenir l'économie nationale ».

 

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre