Pierre Pribetich : « Un chemin de volonté ! »

En imposant aux promoteurs la mixité sociale dans tous les quartiers depuis 2001, la municipalité pilotée par François Rebsamen vient d’atteindre le seuil de 20% de logements à loyer modéré. Le « Monsieur urbanisme » de la Métropole, Pierre Pribetich, revient sur deux décennies qui ont profondément transformé la capitale régionale.

La Ville de Dijon vient de franchir la barre de 20% de logements sociaux. Quel chemin parcouru depuis 2001 pour arriver au respect de la loi !

« Je ne dirais pas que c’est un chemin de croix mais ce fut un véritable chemin de volonté. Que ce soit le maire ou moi-même, nous avions la volonté de parvenir, au-delà du respect de la loi, à équilibrer sociologiquement l’ensemble des quartiers. Pour mémoire, lorsque nous arrivons aux responsabilités en 2001, il y a une forme d’assignation sociale à résidence. C’est à dire que les habitants des Grésilles ou de la Fontaine d’Ouche ne pouvaient plus quitter ces quartiers parce qu’ils y étaient assignés en résidence par l’équipe municipale précédente.

C’était un scandale et nous nous sommes donnés les moyens politiquement de ne plus être dans ce blocage social. Il était nécessaire de pouvoir louer un logement à loyer modéré dans tous les quartiers de la ville. Et c’est là que les difficultés ont commencé. La production de tels logements en 2001 par l’OPAD de Dijon était de 50 par an. La création d’une position d’offre pour satisfaire une demande était alors impossible. En socialiste, c’est curieux de reprendre des vieux principes de l’économie libérale mais telle était la réalité. Nous nous sommes attelés à la tâche ».

Et ce, en reconstruisant la ville sur elle-même…

« Cela a été fait avec le premier éco-PLU à la fin de la décennie 2000-2010 mis en œuvre avec la volonté d’intensifier la ville avec la notion de densité heureuse de l’habitat et de permettre d’identifier par secteur les possibilités de réaliser du logement à loyer modéré. Nous étions dans certains quartiers à 3% et dans d’autres à 67%. Là où nous avions 3%, nous avons imposé pour toute construction neuve de plus de 1 000 m2 la réalisation d’un pourcentage important de logements à loyer modéré. Avec une production en augmentation, nous avons pu accélérer les choses ».

Vous avez également à l’époque créé les outils afin de pouvoir avancer dans le domaine…

« L’ensemble des outils de développement de création de logements n’étaient en effet pas présents. Je pense notamment à la maîtrise foncière avec l’EPFL, à la SEMAAD qui n’était pas forcément le fer de lance de la création de logements à loyer modéré ou encore à la mise en mouvement de l’OPAD de Dijon et de l’ensemble des bailleurs autour d’une politique de l’habitat créatrice d’offres adaptées. Et nous en avions fondamentalement besoin car je rappelle que 70 % de la population française peut avoir accès aux logements à loyer modéré. Il y a encore aujourd’hui 10 500 demandes de logements à loyer modéré sur la métropole, dont 60% de primo-demandes, ce qui est énorme.

Nous sommes dans une équation où il faut continuer pour éviter l’engorgement. Sur les mobilités, on voit bien tout l’intérêt qu’a une métropole-capitale régionale de pouvoir produire un panel de logements, y compris dans du très haut de gamme, si on souhaite notamment accueillir des institutions internationales, ce qui est le cas avec l’Organisme international de la Vigne et du Vin (OIV). Il faut être capable d’assurer toute la palette : des logements pour les plus modestes jusqu’aux logements pour les catégories supérieures. Et c’est la même chose pour les tailles de logements, qui doivent être adaptées à toutes les familles, ce qui complexifie encore plus la politique de l’habitat ».

18 000 logements ont ainsi vu le jour sur la métropole depuis 2001. Votre objectif était d’accueillir des habitants supplémentaires ?

« Nous avons pu accueillir 14 000 Dijonnais supplémentaires et permettre un fort renouvellement de la population. Au milieu de la décennie 2010-2020, une autre étape est apparue : la nécessité de renforcer la question de l’accession abordable. Nous avons poursuivi la production de logements à loyer modéré (25%) mais nous avons aussi inclus cette accession abordable, afin d’éviter d’avoir une gentrification de la population. Ce parcours résidentiel a permis de libérer des places dans le locatif à loyer modéré… 

C’est ce que met en place le PLUI-HD. Voilà sur deux décennies une trajectoire politique de l’habitat qui a permis de répondre aux attentes, d’arrêter l’assignation à résidence dans certains quartiers et de renouveler la ville sur elle-même. Pour réaliser les 18 000 logements, nous n’avons en effet consommé que 4 terrains de football contre les 233 ha consommés par l’équipe précédente pour faire sortir de terre 10 000 logements dans les quartiers de Pouilly ».

C’est en cela que vous avez eu une approche durable ?

« On voit bien avec l’absence de consommation de terre agricole que la démarche écologique a été présente dès le départ dans l’approche du maire François Rebsamen. Cette politique de l’habitat s’est voulue dès l’origine vertueuse. Ajoutons à cela que l’installation de chauffage urbain a été aussi l’une de nos premières préoccupations. Et c’était bien avant la production d’îlots actifs en énergie renouvelable comme nous le faisons sur la Fontaine d’Ouche avec RESPONSE ».

Comment réagissez-vous à celles et ceux qui ont tenté de bloquer vos programmes de construction ?

«  Ce sont toujours ceux qui sont les plus nantis qui oublient qu’avant de l’être ils étaient sans doute en demande d’un logement. Nous avons même des choses assez surprenantes : des gens qui se disent de gauche se retrouvent dans des combats perdus d’avance, parce que, s’il y a bien une municipalité écologiste, c’est celle de Dijon conduite par François Rebsamen. Nous n’avons pas attendu la mode pour faire de l’écologie mais de l’écologie responsable et pas de l’écologie de discours. Et nous prenons en compte toutes les contraintes et d’abord celle de loger nos concitoyens parce que se loger reste la première des dignités ! »

Propos recueillis par Camille Gablo