Crise énergétique : « 15 à 20% des boulangers disparaitront »

Les nouveaux contrats signés ces derniers mois entre les entreprises et les opérateurs ont ainsi vu leur prix flamber, parfois de manière insupportable. Les boulangeries, particulièrement énergivores, sont particulièrement touchées par ces fluctuations à tel point que nombre d’entre elles pourraient purement et simplement disparaître. Le point avec Pierre Guez, président de Vitagora et des entreprises agroalimentaires de Bourgogne Franche-Comté.

N’est-on pas en train de vivre la disparition de l’artisanat boulanger ?
Cette crise entraînera inévitablement une restructuration du secteur. L’écrémage est inévitable. Les plus faibles mais aussi les plus mauvais disparaîtront. C’est à dire 15 à 20 % des boulangers. Les Premium, eux, vont subsister en renforçant leurs parts de marché ainsi que les chaînes de boulangeries, et les boulangers adhérents de concepts tels que Banette ou Estival… Les Français sont très attachés à leur baguette qui vient d’être élue au patrimoine immatériel de l’UNESCO.

Comment les boulangers peuvent-ils sortir de cette spirale infernale ? En augmentant les tarifs, en ajoutant des jours de fermeture, en réduisant le personnel ?
La meilleure recette pour rester en place, c’est la qualité. Le bon pain préparé en chambre de pousse, alvéolé, moelleux… sera toujours recherché par le consommateur. Ceux qui sont adeptes du surgelé, aux qualités très moyennes, perdront des parts de marché. Quant aux prix, ils vont forcément augmenter pour passer à 1,20 – 1,30 €. La clientèle l’acceptera. Dans les campagnes, les municipalités devront aider leurs boulangers à résister. Et puis, n’est-ce pas aussi le moment de relancer les fournils au feu de bois ?

Du coup, les consommateurs ne vont-ils pas se tourner un peu plus vers les grandes surfaces où les prix ne sont évidemment pas les mêmes ?
Je ne pense pas que les consommateurs se tourneront massivement vers les grandes et moyennes surfaces. A condition que la boulangerie artisanale maintienne la qualité de sa baguette. De plus, la proximité du réseau des 35 000 boulangeries demeure un atout incontestable. Qualité, plafonnement du prix de l’énergie, aide de la meunerie et des paysans de France à travers leurs coopératives, soutien des collectivités… sont les ingrédients essentiels pour traverser cette période inédite.

Les aides apportées par le gouvernement vous semblent-elles suffisantes pour faire face à cette crise sans précédent ?
Tout ce qui est report de charges, des impôts ne constitue pas une solution car il faudra toujours payer. C’est reculer pour mieux sauter dans le trou un jour prochain. La profession, la confédération de la boulangerie, l’association de la meunerie française et Jean-François Loiseau, Coop des France et Dominique Chargé, préconisent un plafonnement du prix du mégawatt aux alentours de 200 € pendant un an pour passer le cap. Tous les acteurs ne sauraient accepter la mise en place d’une usine à gaz.

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre