Nos tables s’étaient converties depuis longtemps à la mondialisation, et on mangeait global, sans même y prêter attention. Le couscous et la pizza poussaient du coude la blanquette et le bourguignon, dans la short-liste de nos envies, alimentaires. Depuis quelques années, la tendance s’était même accélérée: chili (con carne) et les sushi/sashimi sont rentrés dans la danse, alors le barbecue coréen et le churasco brésilien s’étaient aussi invités à la table de nos saveurs presque quotidiennes. En clair, nos menus se sont diablement métissés, un véritable manteau d’Arlequin gastronomique !
Sans même évoquer les petits plaisirs fortement CO2-isés, cerises du Chili (on y revient !), fraises africaines et viande néo-zélandaises.
Mais cela, c’était avant. Ou presque. Car la réalité covidienne est en train de rebattre les cartes, et de nous faire revoir la profondeur de nos horizons culinaires, ramenant nos paysages exotiques aux haies de nos terroirs. Après les ailes du goût, les racines de retour en cuisine. En clair, de la Terre au terroir.
La révolution est copernicienne, car on inverse les perspectives. Et la tendance est profonde : on remange local. Ceci marque la revanche paisible des petits producteurs voisins, des circuits courts court-cuitant les heures de vol et les latitudes englouties par vos asperges argentines ou vos haricots kenyans, juste par snobisme (« en cette saison, quel délice ! ») ou habitude, et accoutumance (« des fraises en février ? Ben pourquoi pas ?? »). En clair, on doit « actualiser nos logiciels », qui sont alimentaires donc, mais plus largement touchent à nos modes de vie.
A toute chose malheur est bon, jamais les émissions de gaz à effet de serre n’ont été aussi faibles que pendant le confinement. La nature s’est refait la cerise, elle a retrouvé la banane et la patate, pour le meilleur et pour le sourire. Car on a aussi pu réapprendre à cuisiner ensemble des choses fraiches et locales, à faire par la force des choses des courses de proximité, à se ressourcer, et à se ré-enraciner.
Réduire la voilure de nos ambitions alimentaires, certes, mais cela n’induit en rien une frugalité, une monotonie, tant tout cela va aussi nous permettre de redécouvrir les mille merveilles gastronomiques de nos territoires, de notre belle Bourgogne. Ce qu’on perd en horizontalité gastronomique, on va le gagner en verticalité des saveurs. Petits commerçants du coin de la rue et artisans du cru, producteurs du champ d’à coté et paysans des marchés, fromagers des halles et ventes directes vont retrouver leur lustre et voir leurs part… de marché croitre. Et on oubliera les produits sans saveur et sans histoire, à la prétention planétaire mais n’enchantant aucun palais. Manger redevient plus que simplement s’alimenter, cela redevient le partage d’une culture, la réaffirmation d’une appartenance, la conscience d’un art de vivre, qui est patrimoine et héritage. L’assiette, c’est tout cela, et plus encore : la transformation d’aliments en plaisirs et même en bonheur.
Comme aurait dit le fabuliste, « cette leçon vaut bien un fromage »…