Jean-François Buet : « Dijon est une ville sage »

Jean-François Buet, c’est une expérience de 35 années dans l’immobilier. Une expérience qui s’est enrichie au fil du temps par des initiatives ou des fonctions importantes : création de l’agence Buet Immobilier qui emploie aujourd’hui 25 collaborateurs, création de l’ESI (Ecole supérieure de l’Immobilier) qui accueille à Courbevoie 450 étudiants en licence et masters, président national de la FNAIM de 2012 à 2017. Ce Dijonnais pur souche sort très prochainement un ouvrage intitulé « Que vaut Dijon ».

Dijon l’Hebdo : Ce marché de l’immobilier que vous connaissez bien, vous le sentez comment en cette rentrée ?

Jean-François Buet : « Sur le plan national, au risque de vous faire sourire, j’ai entendu, pendant le confinement, les grands experts économiques qui prennent souvent la parole sur les plateaux TV, se tromper avec certitude. C’est à dire qu’ils nous annonçaient une catastrophe, que les prix allaient s’effondrer, qu’on s’en remettrait très difficilement et, qu’au final, c’était la crise tant attendue, évoquée depuis dix ans. Et comme ça fait dix ans qu’ils prévoient une crise, un jour, forcément, ils auront raison. Quand on s’est approché de la fin du confinement, les mêmes ont quand même dit que le marché allait se maintenir dans un premier temps. Un peu plus tard, en juin, ils ont bien été obligés de constater que l’activité était bonne… et qu’ils s’étaient trompés. La réalité donc, c’est que le marché se porte bien. Il est actif, sain, avec des prix maîtrisés, à ceci près : il manque de produits que ce soit à la vente ou à la location. Il est, par exemple, difficile de trouver un 3 pièces à Dijon dès lors que l’on fixe des critères comme le quartier, un garage.

Sinon, je suis bien incapable de dire ce qui se passera dans six mois ou dans un an. Je constate que le chômage progresse, que les banques affichent une certaine inquiétude et commencent à prêter avec des conditions plus drastiques, soit sur la durée de l’emprunt, soit sur l’apport personnel. On peut donc imaginer une période hivernale un peu plus compliquée. De là à dire qu’il y aura une incidence sur les prix, c’est beaucoup trop tôt pour l’affirmer ».

 

DLH : Les taux, vous les voyez évoluer ?

J-F. B : « Non. Je ne les vois pas évoluer à court terme. Certains pensent que le taux du livret A pourrait remonter : je n’y crois pas. Et puis l’évolution des taux présente un risque pour l’économie. C’est plutôt sur les conditions de prêts qu’il faut s’attendre à voir bouger les lignes ».

 

DLH : Entre l’ancien et le neuf quel est le marché qui se porte le mieux ?

J-F. B : « Curieusement, pour l’instant, les deux se portent pas mal. Je préfère parler du marché du neuf et du marché de l’existant. Quand on parle des livres, on parle du neuf et de l’occasion… Quand on parle des voitures, on parle encore du neuf et de l’occasion… C’est pour tout comme ça sauf dans le logement où on parle de neuf et d’ancien. C’est un abus de langage et c’est un mauvais mot qui crée un ressenti qui n’est pas le bon. Si on parle de logement ancien, inévitablement on imagine un vieux logement. Peut-on parler raisonnablement d’ancien quand on évoque un immeuble construit il y a dix ou quinze ans ?

Sinon on constate qu’il y a toujours le même différentiel au niveau du prix entre le neuf et l’existant qui est de l’ordre de 20 à 25 %. Pour le neuf, on peut constater qu’il y a une recrudescence des acquéreurs en résidence principale par rapport aux investisseurs. Si les promoteurs se plaignent c’est parce qu’ils ont du mal à trouver des entreprises et du foncier.

Quant à la location, elle se porte bien. Ce qui peut paraître surprenant car, en général, on assiste toujours à l’effet vase communicant ».

 

DLH : Certains estiment qu’on construit trop à Dijon. C’est votre avis ?

J-F. B : « Je ne le crois pas. Ceux qui pensent ça sont ceux qui habitent à côté d’un projet de construction. C’est bien connu : on est tous d’accord sur le fait qu’il faut construire mais si possible pas à côté de chez soi… On densifie certaines zones, c’est vrai : l’avenue Jean-Jaurès, le quartier des Tanneries. Mais pas tant que ça. Aujourd’hui, Dijon ce sont 82 000 logements. Au niveau national, on construit en moyenne 350 000 logements par an. C’est à dire qu’on construit un peu moins de 1 % du parc qui s’élève à 36 millions. A Dijon, on est à 0,8 / 1 %. On est donc dans la bonne fourchette. Les logements construits le sont en fonction des besoin des gens ».

 

DLH : Si vous deviez brosser le portrait immobilier de Dijon, quel serait-il ?

J-F. B : « Dijon est une ville sage. Si on regarde dans l’histoire de Dijon, on a toujours mieux passé les caps que dans les autres villes. Aussi bien les caps inflationnistes que les caps de récession. Les prix de l’immobilier à Dijon ne se sont jamais effondrés ou envolés, hormis entre 2002 et 2007. Entre le passage à l’euro et la crise des subprimes. Et les augmentations étaient bien moins fortes que ce qu’on a pu voir à Marseille, Nantes, Bordeaux ou même Paris. Prenons l’exemple de Lyon : il y a 25 ans les prix, à 10 % près, étaient les mêmes qu’à Dijon. Aujourd’hui, il est très compliqué de s’y loger.

Autre élément à prendre en considération : la rentabilité locative. On est dans une ville où la rentabilité brute faciale avant impôt est supérieure à 6 %. Paris, c’est en dessous de 3. Il faut aller à Poitiers ou à Tours pour trouver une rentabilité similaire. Le rapport loyer-prix est bon à Dijon. Il est sain et peut-être moins sujet à variation que dans des villes dont la structure économique est plus basée sur l’industrie avec les tensions que l’on peut avoir parfois ».

 

DLH : Vous allez très prochainement sortir un livre qui s’intitule « Que vaut Dijon ? ». Répondez-vous vraiment à la question ?

J-F. B : « On s’efforce d’y répondre. D’abord on fait une analyse quartier par quartier et on essaie de voir l’évolution des prix, l’évolution de la propriété et l’évolution de l’urbanisme. Je suis Dijonnais, né dans la moutarde et le cassis, j’aime Dijon et j’entends souvent « vous avez une belle ville » de la part de ceux qui nous visitent. J’ai toujours expliqué à mes enfants que Dijon était le centre du monde. Je le dis avec le sourire mais aussi le sérieux qu’imposent l’époque des Ducs de Bourgogne, Saint-Bernard… Dijon, je la vois avec les yeux de l’amour. Et c’est ce que le lecteur ressentira à la lecture de ce livre qui sortira courant octobre ».

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre