Le patron de la Société Est Métropole et de LCDP a remis le bois au goût du jour avec la prise en charge de la construction du nouveau siège de la Caisse d’Epargne de Bourgogne – Franche Comté, plus grand complexe tertiaire en construction bois de France. Entretien avec Thierry Coursin qui se présente comme un développeur urbain passionné par la complexité.
Dijon l’Hebdo : D’un immeuble multiconnecté dans une technopole de l’innovation à un bâtiment agricole locatif pour les viticulteurs de la Côte, en passant par de nombreuses constructions bois innovantes... la palette de votre société est pour le moins étendue ?
Thierry Coursin : « D’une manière générale nous nous positionnons comme un opérateur qui accompagne le développement des territoires. Cela nous amène à nous positionner sur des sujets très différents, à concevoir et construire des typologies de bâtiments très variés, en réponse aux besoins de territoires et des collectivités. Cette souplesse et cette agilité sont une marque de fabrique de la Société Est Métropoles et de LCDP, ce qui permet à notre groupe de proposer un vaste champ d’expertise ».
DLH : En quoi les préoccupations environnementales constituent-elles un fil rouge dans vos activités ?
T. C : « Le fil rouge de notre stratégie d’entreprise est le développement durable. Les préoccupations environnementales sont donc centrales dans notre stratégie mais il faut les envisager dans un contexte prenant également en compte les enjeux sociaux et économiques.
Rappelons que le secteur du bâtiment et de la construction est l’un des secteurs les plus concernés par les enjeux du développement durable. Le bâtiment (la construction) représente environ 40 % des émissions de CO2 des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits. Ces quelques chiffres illustrent l’importance du secteur sous l’angle des enjeux du développement durable et justifient notre engagement.
Pour résumer, l’approche durable est donc fondamentale dans l’élaboration de nos projets. Le choix des matériaux, des modèles constructifs, ou encore des services et technologies proposés sont des aspects essentiels que l’on étudie par le prisme d’une approche durable, liant environnement, social et économie. Point crucial dans la réalisation des édifices de demain, nous intégrons également dans nos projets les exigences induites par les nouvelles préoccupations sanitaires ».
DLH : Vous vous présentez comme un développeur urbain passionné par la complexité. Pourquoi ?
T. C : « LCDP et la Société Est Métropoles s’inscrivent comme des porteurs d’opérations immobilières innovantes, engagés vers plus de développement durable. L’innovation technique (notamment liée à la construction bois à grande échelle) pour répondre au challenge de la durabilité anime nos actions et stimule nos équipes. Cette approche nous amène à relever des défis techniques, juridiques et économiques – effectivement souvent complexes car précurseurs – afin d’établir un modèle constructif innovant et cohérent ».
On pourrait donc dire développeur urbain et durable ?
T. C : « Nous nous définissons de manière plus globale comme un développeur de l’écosystème Immobilier et Construction durable : un acteur spécialisé dans l’analyse stratégique des montages immobiliers et de l’économie de la construction, sur le secteur des bâtiments multi-matériaux en général et plus spécifiquement sur celui de la construction bois ».
DLH : Pour vous, l'avenir se construit avec le bois ?
T. C : « Entre prouesse technique et respect de l’environnement, le bois participe activement à la lutte contre le réchauffement climatique et s’inscrit donc effectivement comme le matériau d’avenir de la construction immobilière. Grand consommateur de CO2 (bilan carbone positif : 1m3 de bois séquestre 1 tonne de C02), le bois est par ailleurs le matériau qui consomme le moins d'énergie pour être produit et mis en œuvre. Il possède des propriétés isolantes importantes ce qui permet de faire des murs porteurs moins épais. Le bois est un très bon isolant et participe à cette grande inertie thermique nécessaire tant en hiver, pour garder la chaleur, qu’en été, pour garder la fraîcheur. Enfin, il est désormais reconnu que le bois est un matériau stable au feu : il ne se déforme pas sous l'action de la chaleur et conserve ses caractéristiques mécaniques. Il ne brûle pas mais se consume de sorte que les pompiers disposent de plus de temps pour leurs interventions.
Déterminées à faire évoluer l’approche traditionnelle en matière de construction immobilière & convaincue des qualités remarquables de ce matériau durable par excellence, LCDP et la Société Est Métropoles ont choisi de faire du bois notre atout constructif identitaire. Tout en adoptant une approche multi-matériaux pragmatique et incontournable, nous affichons la volonté de développer la part du bois dans nos projets. Il s’agit ainsi de mieux répondre aux enjeux écologiques et durables, tout en respectant les standards d’efficacité tant mécaniques que thermiques ou esthétiques. Parmi les pionniers sur le sujet du bois, nous nous sommes construits pour faire de sa conviction profonde une réalité immobilière opérationnelle, performante et responsable.
Au-delà du bois, l’avenir est à l’écoconstruction dans son ensemble. Une réflexion avec les professionnels du bâtiment et des filières concernées a été engagée au niveau national, sur le développement des matériaux de construction biosourcés. Les constats qui en ont découlés ont débouché sur la mise en place de plans d’action nationaux et régionaux destinés à développer cette filière en s’attachant notamment à réduire l’incidence carbone dans la construction neuve et la rénovation du parc tertiaire privé et public et ainsi développer des bâtiments sobres en énergie et à faible empreinte environnementale. Ainsi, la convergence de leurs caractéristiques environnementales et durables met en évidence l’intérêt de combiner les démarches de développement de la construction bois avec l’utilisation de matériaux de construction biosourcés (isolants, panneaux, remplissage d’ossature bois, colles, peintures, enduits, adjuvants, …) ».
DLH : On peut donc construire durable avec des matériaux de proximité ?
T. C : Proximité et approvisionnement local : c’est idéalement ce que l’on vise, en cohérence avec notre démarche globale. C’est donc ce que nous privilégions dès que l’offre le permet.
Cependant pour certains matériaux tels que le bois de construction, la filière française n’est à ce jour pas suffisamment développée pour nous permettre la réalisation de projets de grande envergure. A ce jour, pour développer un mode constructif bois en phase avec les attentes de nos clients et nos propres objectifs, nous avons donc été amenés à envisager d’autres sourcings bois permettant de conjuguer une qualité garantie [ donc un matériau ayant déjà prouvé ses performances exceptionnelles lors de la mise en œuvre de projets constructifs d’envergure ], un approvisionnement rapide et fluide [ donc une ressource disponible immédiatement et en quantité conséquente sur le long terme ], un modèle économique compétitif et le respect de nos exigences en matière de développement durable et respect de l’environnement ».
DLH : Et c'est ce qui vous a poussé à créer le cluster Robin.s en 2020 ?
T. C : « En cohérence avec les 2 points précédents (écoconstruction + approche locale), LCDP a été à l’initiative de la création du cluster Construction Bois et matériaux Biosourcés de Bourgogne - Franche-Comté.
S’il est majoritairement admis que la pertinence technique et écologique du bois et des matériaux biosourcés est réelle et avérée, il perdure des freins au développement de la mise en œuvre de ces matériaux dans le cadre de la construction. L’évolution des marchés, des techniques, des savoir-faire, des produits et services conduisent les entreprises à un effort permanent pour s’adapter, anticiper, faire des choix. Cela nécessite du temps, de l’énergie, des moyens financiers et des compétences qui ne sont pas toujours, individuellement, à la portée de toutes les entreprises.
Face à ces enjeux, LCDP a rassemblé des acteurs économiques régionaux pour créer le Cluster régional Construction bois & matériaux biosourcés de Bourgogne-Franche-Comté. Porté par les entreprises et associant des maîtres d’œuvre, des industriels, des négociants, des entreprises de construction, des maitres d’ouvrage, des organismes de formation et de recherche, ce cluster vise le développement d’une offre compétitive et à grande échelle de ce secteur et ainsi constituer un véritable levier de développement économique et d’innovation.
Baptisé Robin.s (Réseau des ouvrages biosourcés innovants), ce réseau d’entreprises -une vingtaine à ce jour - a pour objectifs, en tant que cluster, d’augmenter le chiffre d’affaires et l’efficacité économique des entreprises membres et de détecter dans l’environnement les facteurs favorisant la croissance. Il affirme sa volonté de s’inscrire dans une perspective de croissance économique durable et de respecter les principes de l’économie circulaire ».
DLH : La Caisse d'Epargne de Bourgogne – Franche-Comté a misé sur le bois pour son futur siège social à Valmy. Et c'est le plus gros projet de construction en bois aujourd'hui en France ?
T. C : « Dans le cadre de son projet d’entreprise visant à accélérer sa transformation, la Caisse d’Épargne Bourgogne Franche-Comté construit un nouveau siège à Dijon, au sein du parc d’affaires Valmy. La solution architecturale retenue a pour but de donner une meilleure visibilité à la banque, acteur majeur de sa région, avec l’utilisation de matériaux écologiques et durables à des coûts de conception et d’exploitation maîtrisés. En sa qualité de maître d’ouvrage, la SCCV Tertiaire Valmy constituée par LCDP s’est faite accompagner par la Société Est Métropoles (Maîtrise d’ouvrage déléguée) et a confié le projet à l’architecte Graam Architecture. La construction est quant à elle pilotée par l’entreprise générale Forestarius.
Associant 4 matériaux constructifs (bois-béton-métal-verre), la part du bois au sein de ce bâtiment est exceptionnelle : en tout, c’est un peu plus de 2000 mètres cubes de bois qui seront mis en œuvre pour cette construction (CLT et Lamellé Collé produits et posés l’entreprise Simonin, implantée en Franche-Comté). Matière première universelle et intemporelle ayant une valeur patrimoniale, le bois est le matériau emblématique de cet édifice innovant et sera visible aussi bien en façade qu’à l’intérieur du bâtiment. La structure bois est apparente sur toute l’enveloppe de l’édifice et s’exprime par des contreventements en croix. Une enveloppe de verre agrafé procure un effet double peau qui assure le confort thermique et la protection du bois.Aux côtés de ce bâtiment est édifié un parking silo bois mutualisé de 565 places (structures poteaux-poutre), bénéficiant aux collaborateurs de la Caisse d’Épargne de Bourgogne-Franche-Comté et également ouvert au public.
Avec 3 000 mètres cubes de bois ces 2 édifices constituent le plus grand ensemble tertiaire construction bois de France, et absorbent 3 000 tonnes de Carbone, soit l’équivalent du rejet d’un véhicule qui parcourt 928 fois le tour de la Terre ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre