La Maison de l’Architecture, Latitude 21, présente une exposition rare et originale de quelque soixante-dix dessins et estampes de l’architecte Luc Schuiten, un nom qui n’est pas inconnu quand on apprécie la bande dessinée : son frère n’est autre que François Schuiten, l’auteur des célèbres Cités obscures où règne une architecture fantastique d’immeubles et de gratte-ciels.
L’on retrouve la même inspiration chez Luc Schuiten qui nous offre un monde visionnaire où le végétal s’entremêle au verre et au métal de ses cités.
Une succession de petits panneaux montre l’évolution de la ville entre 1850 et 2150, dans un monde où tout est à repenser, depuis la forme et la densité des immeubles, aux éléments de locomotion, à la présence du végétal qui sous-tend toutes les constructions. Le propos n’est pas innocent : Luc Schuiten offre l’omniprésence de la nature comme pari pour l’avenir de notre planète. C’est une approche intuitive qui respecte le monde vivant et doit assurer la pérennité de notre civilisation.
Loin des prévisions catastrophiques, des scénarios apocalyptiques sur notre civilisation, il propose des solutions positives inspirées du monde vivant. Ces sont des projections de villes où l’on peut rêver, respirer à fond, rendre sa place à la nature. Des forêts s’entrelacent à des architectures de verre et de métal, formant une résille à laquelle les végétaux s’entremêlent. On serait tenté de se rappeler Gaudi dans cette expression verticale et futuriste de la ville. Les gratte-ciel se multiplient, permettant une moindre occupation au sol, et souvent sont sommés par des sortes d’ogives aux terminaisons en forme de feuilles voir de fleurs et de légumes. Les toitures sont végétales. Les plantes grimpent le long d’étranges pagodes, en résille verte. Les jardins potagers s’épanouissent au pied des immeubles, des lianes relient les immeubles en guise de réseaux.
C’est aussi une façon de parler du biomimétisme qui s’inspire de la nature dans ses formes. Ici c’est la structure de l’artichaut qui est repensée, là c’est la forme de l’asperge qui est reprise, là encore ce sont des citrouilles ou encore des arbres entremêlés de maison : « l’habitarbre » comme s’intitule cette création. Dans ce futur, d’ailleurs, les voitures n’existent plus, remplacées par des sortes d’ailes volantes.
L’homme et la nature réconciliés
Luc Schuiten explore les possibles d’un monde actuel pour le porter vers une architecture positive et vers des solutions. Ce sont des projets utopiques mais bien ancrés dans le réel, avec une espèce de réconciliation entre l’homme et le vivant. Il propose une alternative là où d’autres ne parlent que d’effondrement de notre civilisation.
Ses estampes et dessins sont magnifiques et expriment toute sa philosophie. Ce sont aussi en eux-mêmes des plaidoyers car l’image plus que le mot peut exprimer le présent et le futur. Luc Schuiten cherche à raconter le temps qui évolue. Ses dessins sont autant d’hypothèses où les maisons sont en symbiose avec le sol , le terroir, l’environnement, où de la forme du végétal peut surgir la solution architecturale.
« L’architecte est quelqu’un qui ne travaille que dans le futur et la projection de ce qui va jaillir de son esprit commence par un dessin. D’où l’idée d’anticiper et d’imaginer ce que pourrait être demain, mais un demain désirable, loin des visions négatives trop courantes » dit-il.
Il y a dans les créations de Luc Schuiten du respect et un émerveillement constant pour la nature, pour la vie sur terre, qui nous ouvre des possibles et une alternative pour demain.
Une exposition à voir absolument pour croire en l’avenir.
Marie-Claude Pascal
33 rue de Montmuzard, à Dijon. Ouverture du mardi au vendredi de 9 h à 12 h et 14 h à 18 h jusqu’au 30 avril.