SNCF : Qui roule qui ?

Qu’est-ce qui avance encore moins vite que l’escargot ? Le Brexit et la SNCF – surtout à la veille des grands départs – cf ces vacances de Toussaint : les cheminots ont fait valoir un droit de retrait sur tout le territoire, à la suite d’un accident dans les Ardennes lors d’une collision à un passage à niveau entre un camion et un TER qui n’avait à son bord que le seul conducteur, comme c’est plus ou moins l’usage depuis trois décennies. Houp-là boum, et voilà une partie des personnels SNCF exerçant le droit de retrait, arguant que la sécurité de tous était menacée ! 
Et paralysant l’ensemble du trafic, des jours durant. Questions posées à notre société nationale « partenaire de nos mobilités » et censée avoir « remis le client au centre de l’entreprise » (sic): mais, qui se fiche de qui ? Et qui va payer quoi ? Estimant que le droit de retrait des salariés de la SNCF ne peut être exercé à titre collectif, le Premier ministre, Guillaume Pepy, ainsi que des élus territoriaux ont déclaré qu’il s’agissait-là d’une grève non déclarée et donc illégitime, qu’il convenait de porter l’affaire en justice. Il est vrai que le jusqu’auboutisme de la CGT ou celui de Sud-rail était patent. D’où cette autre interrogation : ne sommes-nous pas devant le brouillon, l’ébauche de la grève générale programmée pour le 5 décembre prochain, le tout assorti d’une mise-en-garde à l’adresse du prochain patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou ? Un Farandou qui affiche un franc-parler difficile à digérer pour des syndicats non-réformistes habitués à brouter dans leur pré-carré et hostiles à toute refonte du régime des retraites : « On a devant nous un plan de productivité à un niveau peut-être jamais atteint », a-t-il déclaré, évoquant entre autres les frais de structure deux fois plus élevés à la SNCF que dans la filiale Keolis qu’il préside. Et d’enfoncer encore le clou à propos du temps de travail : « On fera toujours les 35 heures à la SNCF, mais il faut vraiment (les) faire. Cela passe par la dénonciation d’accords locaux qui se sont sédimentés au cours des décennies ». A bon entendeur, salut !

En 2018, chaque Français a contribué, par l’intermédiaire de l’État et des Régions, à hauteur d’environ 215 euros, au financement des budgets colossaux de la SNCF, tout comme à celui du régime spécial de sécurité sociale des cheminots. Soit environ 900 euros pour les 16,5 millions de foyers fiscaux imposables. C’est ce que révèle une étude menée par un ancien magistrat de la Cour des Comptes. De manière plus globale, l’ardoise de la SNCF réglée par les Français s’élève à 14,4 milliards d’euros. Un montant particulièrement important et d’autant plus inquiétant, quand on sait que l’endettement de la SNCF dépasse les 50 milliards d’euros. 
Plus inquiétant encore, si l’on songe à l’ouverture du rail voyageurs/fret à la concurrence en fin d’année pour les lignes régionales, et en décembre 2021 pour les lignes TGV. Renaud Muselier, le président de la Région PACA et Christian Estrosi n’ont pas caché leur volonté de faire appel en temps venu à un opérateur italien pour les lignes TER, si… 
Sur un plan plus local, évoquons une gare de Dijon, ses accès malaisés et incommodes aux quais, ses agents préposés aux guichets bien plus dispersés que les distributeurs de malbouffe omniprésents dans le bâtiment. Rappelons la mission première de la SNCF : faire rouler les trains sans rouler les clients !

Marie-France Poirier