Apocalypse Now Final Cut, drame américain de Francis Ford Coppola avec Martin Sheen, Robert Duvall, Marlon Brando, Harrison Ford, Denis Hopper, Frederic Forrest et Aurore Clément
Cloîtré dans une chambre d’hôtel de Saïgon, le jeune capitaine Willard (le jeune Martin Sheen), mal rasé et imbibé d’alcool, est sorti de sa prostration par une convocation de l’état-major américain. Le général Corman lui confie une mission qui doit rester secrète : éliminer le colonel Kurtz (Brando, la boule à zéro), un militaire aux méthodes quelque peu expéditives et qui sévit au-delà de la frontière cambodgienne.
Fond noir, bruits des pales d’un hélico qui tournoient : sommes-nous plongés dans la mémoire du capitaine Willard ? Comme chez Joseph Conrad dans Heart of Darkness, s’agirait-il d’un flashback ? Ou plutôt d’un flashforward ? Une double surimpression révèle, aux côtés de la tête renversée du capitaine, une statue cambodgienne que l’on retrouvera bien plus tard dans la narration chez le colonel Kurtz, à la fin. « This is the end ». La mythique chanson des Doors débute le film, lui donnant un mouvement circulaire identique à celui des pales du ventilateur ou celui du magnétophone à bandes sur lequel on entend la voix de Kurtz. « Voici la fin, ô mon ami, voici la fin, mon seul ami, de tous nos beaux projets, de tout ce qui est debout ». Sur l’écran, les images de l’Apocalypse, des jets de napalm, de la forêt en feu …
Quarante ans après sa première sortie en salle et son triomphe cannois, le chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola est à redécouvrir dans une nouvelle version entièrement restaurée par le réalisateur dans un montage inédit. « Superproduction expérimentale, odyssée rock et onirique, road-movie opératique », c’est surtout un nouveau film que nous visionnons ici, bénéficiant de nouvelles séquences, d’une modernisation visuelle et sonore, rendant Apocalypse now encore plus spleenétique que la mouture originelle. Cette version, sortie en salle à l’Eldorado, est également disponible en magnifique coffret steelbook édition limitée.
Le film est une adaptation de la nouvelle de Joseph Conrad Heart of Darkness, parue en 1899, et du roman L’adieu au roi de Pierre Shoendoerffer, transposé au cinéma en 1989 par John Milius, scénariste d’Apocalypse Now. Le titre Heart of Darkness est également celui du making of légendaire d’un tournage impossible, à partir des notes prises par Eleanor Coppola, la femme du réalisateur.
Lors de la conférence de presse au Festival de Cannes en 1979, Coppola met en garde : « Mon film n’est pas un film. Mon film ne traite pas du Vietnam. Il est le Vietnam. Exactement comme il était. C’était fou. Et la façon dont nous l’avons tourné était très proche de celle dont les Américains ont fait la guerre au Vietnam. Nous étions dans la jungle, trop nombreux, nous avions accès à trop d’argent, trop de matériel, et peu à peu nous sommes devenus fous ».
« La Chevauchée des Walkyries »
Pape du Nouvel Hollywood, auréolé du succès des deux Parrains et de sa palme d’or à Cannes pour Conversation secrète, Francis Ford Coppola peut à cette époque tout se permettre ! A peine un an après le retrait des troupes américaines du sud-est asiatique, Apocalypse Now sera le troisième grand film de l’ère post-Vietnam, opéra guerrier sur fond de psychotropes et d’hallucinations. Il sortira en salles après Le retour d’Hal Hashby avec Jon Voight et Jane Fonda, et surtout l’inoubliable Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino avec Robert de Niro, Christopher Walken et Meryl Streep.
The psychedelic soldier, titre du scénario écrit par John Milius, devait être tourné à l’origine par George Lucas en 1971, avec un budget réduit. Mais le cinéaste ne tarde pas à travailler sur sa saga « Star Wars », et Coppola prend alors les rennes de la réalisation. Marlon Brando, avec lequel Francis Ford a déjà tourné Le Parrain, accepte immédiatement de jouer le colonel Kurtz. Pour le rôle de Willard, Coppola essuie les refus de Steve McQueen, Al Pacino, Jack Nicholson, Robert Redford et James Caan. C’est finalement Harvey Keitel qui commencera le tournage, vite remplacé par Martin Sheen, que Coppola avait déjà auditionné pour le rôle de Michael Corleone.
La scène la plus célèbre débarque au bout d’une demi-heure de film. Pour atteindre le fleuve qui le mènera jusqu’au colonel Kurtz, Willard est escorté par la flotte des hélicos du colonel Kilgore (Robert Duvall). Ce dernier, obsédé par le surf, en profite pour mener un raid sur un village vietnamien, en lançant plein pot « la Chevauchée des Walkyries » de Wagner. Certains habitants fuient, d’autres organisent une contre-attaque. Le colonel aperçoit alors les vagues, d’immenses rouleaux qui s’écrasent à côté du village. Il pose son hélico. La chevauchée n’était qu’un prétexte pour satisfaire ce désir esthétique de mer hors norme.
Chef-d’œuvre indépassable, Apocalypse Now est autant un film sur la guerre que sur la folie des hommes, isolés au milieu de nulle part.
Apocalypse Now Final Cut de Francis Ford Coppola, à l’Eldorado et chez Pathé Distribution.
Au cœur des ténèbres (Heart of Darkness) de Joseph Conrad, chez Garnier Flammarion.
Hearts of Darkness, making-of légendaire d’après les notes d’Eleanor Coppola.