Grand débat sur l’alimentation du futur, François Rebsamen : « Dijon, capitale du goût »

Parmi les grands enjeux du 21e siècle, l’alimentation est sans doute l’un des plus importants défis que doit relever notre société contemporaine. Le modèle actuel, qui affiche clairement ses limites, oblige les experts à réfléchir à des solutions alternatives qui soulèvent parfois des interrogations : éthiques, avec par exemple l’émergence des viandes artificielles, environnementales, avec le modèle décrié de l’agriculture intensive… C’est dans ce contexte que la ville de Dijon et Dijon Métropole en partenariat avec L’Obs ont proposé tout récemment une soirée débat sur le thème de l’alimentation du futur. Retour sur les enjeux majeurs avec François Rebsamen, maire de Dijon et président de la Métropole.

 

Dijon l’Hebdo : Pourquoi avoir souhaité un tel débat à Dijon ?

François Rebsamen : « D’abord parce qu’à Dijon, nous sommes fiers de revendiquer le titre de capitale du goût et de la gastronomie ! Ensuite, un forum comme celui-ci était à même d’illustrer la réflexion dynamique que nous menons dans le cadre de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin. Cette Cité qui confortera l’attractivité de notre ville. L’avenir de l’alimentation est au cœur de nos préoccupations. Comment nourrir les 10 milliards d’êtres humains qui devraient peupler notre planète en 2050 sans dégrader davantage l’environnement ? Voilà l’équation délicate et l’immense défi qui nous attendent dans les décennies qui viennent. Ce forum à Dijon nous a permis de débattre ensemble des questions que se posent les Français et les Dijonnais dans ce domaine essentiel ».

 

DLH : Et quand on parle d’alimentation, on parle aussi de la planète et de son évolution ?

François Rebsamen : « Dans les années 1970, nous imaginions que les années 2000 seraient faites de nourriture en poudre, sans plus aucune relation avec le produit, or c’est tout le contraire qui arrive. Plus la société se modernise, plus le monde devient anxiogène, plus nous avons envie de revenir à la nature. Nous avons vu les choses s’inverser complètement à partir des années 2000 et s’imposer le désir de savoir d’où viennent les produits. Comme il y a eu une perte de confiance en terme d’alimentation, nous essayons de comprendre la racine des choses. Cette reprise en main de la planète s’impose à nous aujourd’hui tout simplement parce que si nous voulons continuer à y vivre, il va falloir faire attention au lien avec le vivant, se soucier davantage de la relation « de la terre à l’assiette ».

 

DLH : L’éducation est essentielle dans le domaine…

François Rebsamen : « Les meilleurs alliés de la qualité demeurent, en effet, l’éducation, le plaisir, l’exigence, non pas celle de l’étiquette prestigieuse, mais celle de l’authenticité.

L’école représente l’un des lieux privilégiés de découverte du goût et d’éducation à la nutrition. Des animations, à finalité éducative, destinées à former l’apprentissage du goût de l’enfant ou à lui faire découvrir des produits spécifiques sont organisés régulièrement dans les restaurants scolaires de la ville qui participent aussi à la semaine du goût. Sur la composition des repas dans les cantines scolaires, la part de produits bio vient de dépasser les 30% et la part de produits locaux est quant à elle de 16% ».

 

DLH : Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer le projet « Dijon, territoire modèle du système alimentaire durable de 2030 » qui vous a permis de candidater dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « TIGA » (1) voulu par le gouvernement ?

François Rebsamen : « La ville de Dijon et Dijon Métropole sont identifiées comme des collectivités qui font de l’alimentation durable une priorité avec notamment le développement des filières locales et biologiques. Nous encourageons l’agriculture en circuit court et luttons contre l’étalement urbain afin de préserver les terres agricoles. Et peu de collectivités ont fait le choix d’investir dans l’acquisition de terres agricoles. Celles-ci représentent chez nous 200 hectares. Il ne faut pas oublier non plus les systèmes agro-écologiques et la réduction de l’usage des engrais de synthèse et des pesticides. Avec le projet TIGA, la métropole s’est fixée l’objectif d’atteindre l’autonomie alimentaire en 2030. Très peu de villes en France, voire en Europe, se sont lancées dans ce défi que nous voulons relever avec tous les acteurs du système alimentaire du territoire, avec les agriculteurs, avec les chercheurs et avec les ingénieurs. Concrètement, il s’agit de diversification des productions, de reconquête du vignoble dijonnais, du projet d’une légumerie, de la création d’un label « Dijon-agro-écologie » en partenariat avec l’INRA ».

 

DLH : La lutte contre la précarisation alimentaire vous tient également à cœur…

François Rebsamen : « Nous avons d’un côté le le projet TIGA qui permettra de booster les investissements privés, et de l’autre, notre objectif de lutter contre le fléau de la précarisation alimentaire. C’est Thierry Marx qui précisait récemment que « si on continue, en 2050 seuls les très riches pourront bien manger, les autres n’auront que le pire de l’alimentation, avec de la lyophilisation à outrance et autres… » Nous ne devons pas l’oublier ! »

 

DLH : La Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, dont vous poserez prochainement la première pierre, participera à l’attractivité mais sera-t-elle aussi une vitrine de votre politique en faveur d’une alimentation de qualité, d’un territoire exemplaire en la matière ?

François Rebsamen : « Notre projet vise à faire de Dijon Métropole une terre d’excellence dans le domaine de l’agroécologie, du goût, de la nutrition et de la santé. Il prend appui sur la création de la future Cité internationale de la gastronomie et du vin. Ce lieu sera effectivement la vitrine de notre savoir-faire et j’ajouterai, de notre savoir-être. Notre Cité sera un atout considérable pour notre ville, elle la confortera dans son rôle de capitale régionale du goût français, avec notamment l’implantation de la prestigieuse école Ferrandi, que certains qualifient comme le « Harvard de la gastronomie ». Mais nous pourrons aussi nous appuyer sur TIGA, sur le pôle d’innovation agricole Vitagora, sur Agronov et sur la Food Tech Bourgogne Franche-Comté, spécialisée dans le digital et l’alimentation, qui assurera l’inter-connectivité de cet écosystème d’acteurs et la diffusion de l’offre de nouveaux services.

Au final, l’amélioration de la qualité de l’environnement et de l’alimentation induite par l’ensemble du projet contribuera à augmenter le bien-être de la population. Les villes représentent 2% de la surface de la terre mais accueillent 54% des humains. Cette donnée aide à mieux cerner les enjeux d’agriculture urbaine et péri-urbaine, car il est essentiel de pouvoir produire de la nourriture au plus près des consommateurs ! »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre

(1) TIGA : Territoire d’Innovation et de Grande Ambition.