Maman, j’ai raté l’avion !

Les raisons de ma colère, les motifs de vouer le film susdit aux gémonies sont multiples. Mais avant de poursuivre, et pour étancher la soif générale de culture, je précise que les gémonies sont des monstres hollywoodiens entre faune visqueuse de l’espace et Gilets Jaunes du Middle West (Allez-y, dans le Middle West, vous verrez, c’est gratiné !)

La première raison pour détester Maman, j’ai raté l’avion ! , c’est que ce métrage à destination des familles (Beurk ! « Familles, je vous hais ! » a déclaré Gide qui disait beaucoup de conneries, mais pas que…) est précisément devenu le prototype, le paradigme, souvent imité, jamais égalé, du film d’aventures puériles, formaté pour la chaîne Gulli et les sorties au ciné avec mamy. Le scénariste a créé et/ou porté à sa perfection un canevas idéal qui sera repris un nombre incalculable de fois, ne serait-ce d’ailleurs que par la compagnie de production qui a sorti au moins trois suites de l’abominable pellicule : Maman, j’ai encore raté l’avion ; Maman, je m’occupe des méchants ; Maman, je suis seul contre tous… Rien qu’en lisant les titres, on mesure à quel point, le renouvellement et l’imagination sont ici au pouvoir.

Il est vrai que le synopsis est d’une simplicité tellement biblique qu’on peut le décliner à l’infini : un gnard à la fois hyper-mignon et insupportable sert un peu de souffre-douleur à sa famille. Pourtant, comme il est aussi astucieux, imaginatif, créatif, inventif (toutes qualités hautement appréciées des pions à la tête farcie de théories pédagogiques fumeuses), il sauve la mise à ladite famille qui lui en est à peine reconnaissante.

Il est vrai (autre raison de détester Home Alone – c’est le titre en anglais) qu’il semble difficile d’éprouver la moindre reconnaissance pour Macaulay Culkin qui incarne en l’occurrence le jeune héros, prénommé Kevin par-dessus le marché. En 1990, date de sortie du film, ce lardon de 25 kilos tout mouillé, à l’origine petit rat à l’Opéra de New York, était considéré comme un des acteurs les plus rentables d’Hollywood. Il était très pote avec Michael Jackson, notamment au cours de goûters délirants où les deux complices accumulaient les couillonnades sous des avalanches de chocolats, de viennoiseries et de pop-corn. Aujourd’hui, on n’entend plus parler de Macaulay Culkin ; on sait seulement que ses gentils parents lui ont piqué, en toute légalité, le pognon de dingue qu’il avait gagné enfant – ce qui correspond bien à l’admirable logique du libéralisme et du droit américain. Il serait quand même scandaleux que l’on protège les mineurs de l’exploitation, que l’on défende les faibles et qu’un stupide souci de justice entrave la marche glorieuse de l’économie !

Et ce, d’autant plus que Macaulay Culkin est véritablement exaspérant. Ses capacités grimacières sont à la hauteur d’un Jim Carrey d’école élémentaire. Il agrandit des yeux exorbités, il vibrionne dans les fauteuils, il cabriole sur son lit, il remue les oreilles, il parcourt la maison en agitant frénétiquement les bras, il fait de la luge dans les escaliers, il hurle en ouvrant une bouche plus grande qu’une benne à ordures, il semble vraiment atteint du syndrome du twist infernal.

L’intrigue ? Oh, je crois que tout le monde la connaît. Les nanars les plus aboutis marquent souvent les mémoires et l’histoire universelle … de la nullité. Je résume néanmoins car je suis consciencieux : pour la Noël, la famille (Beurk !) McCallister quitte sa belle villa de Chicago afin de passer les vacances à Paris. Dans l’affolement du départ, ils oublient leur benjamin, Kevin, qui se retrouve seul dans la vaste demeure, menacée par deux cambrioleurs bas de gamme et de plafond. Mais le môme est fortiche, il va tendre piège sur piège aux deux nuisibles nigauds qui subiront chute sur chute, brûlures, écrasement, tir de petits plombs dans les burnes, projection de fer à repasser en pleine poire, and so on…, jusqu’à ce que la police vienne les arrêter.

En somme, tout cela aurait pu donner un film sadomaso plutôt marrant. Mais on n’allait pas affubler un marmouset de cuir et de latex. Même Macaulay Culkin ne méritait pas ça. Et l’on aurait pu choquer jusqu’à Michael Jackson.

Références : Maman, j’ai raté l’avion ! (Home Alone), USA, 1990

Réalisateur : Chris Columbus

Edité en DVD chez Twentieth Century Fox Home Entertainment, dans le coffret contenant l’intégrale des quatre films (Home Alone 1,2,3,4). La tétralogie (!) entière est vendue sur Internet pour 13 € – petits veinards !