VERNON SUBUTEX

Série française de Cathy Verney avec Romain Duris, Céline Sallette, Laurent Lucas, Flora Fischbach, Philippe Rebbot et Florence Thomassin.

Vernon Subutex (un amaigri Romain Duris à la démarche chancelante), disquaire au chômage, se fait expulser de son appartement. En quête d’un endroit où dormir, Vernon sollicite d’anciens amis de la bande de Revolver, son mythique magasin de disques, dont Alex Bleach (Athaya Mokonzi, habité), rock-star sur le retour. Mais celui-ci meurt d’une overdose et lui laisse trois mystérieuses cassettes vidéo. Alors que Vernon disparaît dans l’anonymat de la ville, il devient l’homme le plus recherché de Paris. Sur ses traces, commanditée par le producteur Laurent Dopalet (Laurent Lucas dans tous ses excès), La Hyène (Céline Sallette, véritable héroïne de la série) et son assistante Anaïs (la chanteuse Flora Fischbach, une révélation) déambulent de Paris à Barcelone, en passant par le festival de Cannes.

Je me souviens… la première fois que j’ai vu Céline Sallette sur un écran de cinéma, c’était il y a treize ans dans une œuvre assez rock’n roll du réalisateur Patrick Grandperret, MEURTRIERES. Le film était tiré d’un scénario de Maurice Pialat, dont Grandperret avait été le premier assistant. La jeune femme nous éblouissait déjà par sa beauté sauvage, son regard clair et expressif, son phrasé particulier et sa voix tellement belle et reconnaissable. Depuis le marginal cinéaste nous a quitté (Patrick Grandperret est mort en toute discrétion le mois dernier), tandis que Céline Sallette s’est imposée au fil des rôles et des années. Au cinéma d’abord, dans UN ETE BRULANT de Philippe Garrel, L’APOLLONIDE de Bertrand Bonello, le sublime MON AME PAR TOI GUERIE de François Dupeyron ou GERONIMO de Tony Gatlif. A la télévision ensuite, avec des séries réussies et ambitieuses comme L’ECOLE DU POUVOIR, les deux saisons des REVENANTS, et aujourd’hui l’adaptation des deux premiers tomes de VERNON SUBUTEX de Virginie Despentes.

Nouvelle création originale de Canal +, VERNON SUBUTEX a débarqué en avril sur les écrans et est désormais disponible en vidéo. La série a été réalisée par Cathy Verney (HARD, FAIS PAS CI, FAIS PAS ÇA) : neuf petits épisodes de trente minutes, surfant sur l’énergie d’une bande son impeccable, de Cambodia de la Brigitte Bardot de la pop anglaise Kim Wilde à Elegia des post-punks New Order, en passant par le touchant C’était mieux avant du torturé Daniel Darc au Trahison du dijonnais Vitalic.

VERNON SUBUTEX raconte ainsi la chute d’un ancien disquaire prestigieux désormais en faillite, contraint de renouer avec les fantômes de son passé pour continuer à exister. Mais le présent est malheureusement plus fort que la nostalgie, camarade ! Et les idéaux de la jeunesse semblent avoir laissé place à un certain cynisme ambiant. Restent l’alcool, le sexe et la musique … bien entendu !

Au milieu de la galerie de rôles hauts en douleur chronique, le personnage d’Apocalypse Bébé, prix Renaudot 2010, vole la vedette à un Vernon Subutex de moins en moins en forme au cours des épisodes. La Hyène (c’est son surnom), détective privée spécialiste de la traque sur le net, violente et manipulatrice, gagne petit à petit en humanité, notamment après ses rencontres avec Anaïs, une ingénue plongée dans le monde trompeur et illusoire de la musique, et Aïcha (Iman Amara- Korba), fille orpheline d’une ancienne vedette du porno.

Missionnée par le colérique producteur Laurent Dupalet pour récupérer les trois cassettes disparues, héritage compromettant d’Alex Bleach, La Hyène impressionne avec sa coupe garçonne et ses tatouages : sexy comme jamais, Céline Sallette compose une personnalité inattendue dans cette satire jubilatoire de notre société contemporaine, où le rock s’est fait manger tout cru par le capitalisme décomplexé.

Chaque épisode fait la part belle à une âme en détresse. Et si tous les personnages secondaires sont excellents, Philippe Rebbot est émouvant en scénariste soumis, amoureux de sa petite chienne malade. Distillant un peu d’humanité et de folie, il nous permet d’entrevoir dans une photographie sans bavure, la dérive des sentiments et celle de toute une génération.

Raphaël MORETTO

VERNON SUBUTEX, saison 1dvd et blu-ray disponibles à partir du 24 avril chez Studiocanal, 270 minutes, 20 €

Coffret 3 volumes VERNON SUBUTEX de Virginie Despentes, Grasset, 432 pages, 23€70

Céline Sallette est également à l’affiche, au côté de Pio Marmai, du premier film d’Audrey Diwan, MAIS VOUS ETES FOUS.