Nathalie Koenders : « La sécurité, c’est aussi l’affaire des citoyens »

« Ensemble, parlons de sécurité et de tranquillité »… C’est le thème des trois prochaines réunions de quartier qui sont organisées les 1er, 4 et 5 avril à Dijon. Un thème que maîtrise parfaitement bien Nathalie Koenders, la Première adjointe. Entretien.

Dijon l’Hebdo : La sécurité publique est un droit fondamental. C’est d’abord évidemment le rôle de la police nationale et de la justice, mais les acteurs locaux ont aussi un rôle à jouer. C’est ce message que vous souhaitez faire passer lors des trois prochaines réunions que vous organisez ?

Nathalie Koenders : « Le message que l’on souhaite faire passer, c’est que la sécurité, c’est l’affaire de tous. C’est avant tout l’affaire de l’État, dans son rôle régalien. C’est aussi le rôle des collectivités locales, mais plutôt sous le volet tranquillité publique. Mais c’est aussi l’affaire des citoyens car ce sont eux qui sont les experts de leur quartier, de leur quotidien. Ils sont en mesure de faire remonter les problématiques qu’ils rencontrent. C’est cela qui va nous permettre d’affiner nos modes d’intervention pour faire en sorte que Dijon reste une ville douce à vivre. C’est d’ailleurs une des plus sûres si on la compare aux autres villes de sa taille.

Il est important de faire comprendre que la sécurité et la tranquillité publique sont une gouvernance partagée, un véritable travail en commun. Je tiens aussi à préciser que ces réunions publiques de quartier ont un caractère unique. Je ne suis pas sûre qu’il y ait beaucoup de villes qui réunissent à cette occasion le procureur de la République, le directeur départemental de la Sécurité publique et l’élu en charge de cette thématique, qui répondent en direct aux questions qui sont posées. »

DLH : La distinction entre la gestion de la sécurité et de l’ordre public qui relèvent de l’Etat, et la tranquillité publique, qui relève du seul maire, est-elle bien perçue par la population ?

N. K : « Les réunions que l’on propose ont un rôle pédagogique. Les gens ne savent pas exactement qui fait quoi. La différence entre la police nationale et la police municipale. Très souvent, ils considèrent que le maire, les élus locaux sont responsables de fait. Sauf que nous ne sommes pas responsables de droit. Nous n’avons pas forcément la compétence et les outils juridiques pour agir.

Ces réunions ont aussi pour but de bien expliquer qui fait quoi. Chacun dans son rôle. La justice, la police nationale, la police municipale. Et dans ce décor, la place et le rôle du citoyen. Un citoyen qui veut avant tout et surtout qu’on règle ses problèmes. »

DLH : Avez-vous l’occasion d’échanger avec d’autres élus en charge des questions de sécurité et de tranquillité publique ?

N. K : « Je participe régulièrement à des réunions avec mes homologues d’autres villes. Nos discussions tournent évidemment autour du désengagement de l’État qui affecte moins de moyens à la police de proximité. A partir de là, il y a deux positions qui s’affirment. D’une part, certains de mes collègues se disent prêts à reprendre les missions que l’État n’assume plus. Et, d’autre part, une volonté de renforcer la police municipale. Cette vision, c’est la nôtre. Pour nous, la sécurité doit rester du domaine régalien. »

DLH : Comment les effectifs de la police municipale ont-ils évolué depuis ces trois dernières années ?

N. K : « Sous l’autorité du maire, j’ai engagé, dans le cadre d’une démarche participative, dès la fin 2015 une réorganisation du service de tranquillité publique qui n’était plus forcément en phase avec la réalité du moment. François Rebsamen a annoncé l’arrivée de 30 policiers supplémentaires et nous sommes toujours en cours de recrutement. Son souhait, c’est d’avoir une police de proximité, d’ilotage, visible, qui va dans tous les quartiers, capable de faire un vrai travail de terrain. C’est ce qu’attendent nos concitoyens.

Aujourd’hui, nous disposons de 70 agents équipés de gilets de protection, de pistolets à impulsion électrique. Certaines missions comme la fermeture de parcs et jardins ont été déléguées à une entreprise privée. »

DLH : En dehors de la police municipale, quels sont les outils dont vous disposez pour rendre efficace votre politique en matière de tranquillité publique ?

N. K : « Il y a plusieurs outils : la médiation, la prévention spécialisée qui est du domaine du Département qui s’est complètement désengagé. Nous allons la récupérer au niveau de la Métropole pour travailler encore plus efficacement.

Il y a également les travaux d’intérêt général. Sans oublier la dissuasion. Car c’est bien le message que l’on passe à notre police municipale : l’objectif, c’est d’intervenir avant l’infraction. Il y a aussi un autre outil qu’on utilise ici dans cette mairie, c’est le rappel à l’ordre. Cela se traduit par la convocation de l’auteur d’un fait ou de ses parents s’il est mineur. Nous mettons nos interlocuteurs en face de leurs responsabilités. Ce n’est pas la panacée mais cela peut mettre des jeunes dans le droit chemin avant qu’il ne soit trop tard. »

DLH : Le système de vidéoprotection déjà installé sur la ville joue un rôle de dissuasion. Quel bilan tirez-vous de son utilisation et envisagez-vous de l’étendre sur davantage de quartiers ?

N. K : « Le système de vidéoprotection s’est étendu au fil du temps. D’une vingtaine de caméras, nous sommes passés à plus de cent. C’est outil d’aide à la décision et à l’intervention. Il permet de calibrer avec justesse le type d’équipe qui doit intervenir. C’est aussi un outil de dissuasion qui a, par ailleurs, permis de sauver des vies, en portant secours rapidement à des gens qui avaient fait des malaises. Qui a permis aussi de retrouver des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou encore des enfants qui avaient échappé à la vigilance de leurs parents.

Installer des caméras supplémentaires, c’est envisageable, mais ça ne se fait pas comme ça. Cela passe par le préfet. C’est très encadré. Heureusement. »

DLH : Les nouvelles formes de délinquance, s’exprimant de manière diffuse à l’échelle de la ville, du quartier ou de la rue, n’obligent-elles pas à repenser l’action publique dans le sens d’une plus grande proximité ?

N. K : « La demande sociale en matière de tranquillité publique a évolué dans les dix dernières années. En fonction des quartiers, des problèmes d’incivilité vont remonter, d’occupation de halls d’immeubles… plus difficiles à combattre car nous ne sommes pas dans du pénal. Des problèmes de rodéos aussi qu’on ne connaissait pas avant et qui empoisonnent la vie des gens. Sur ce point, une loi a été votée. Elle va permettre aux policiers nationaux et à la justice d’être plus efficaces, je l’espère.

Je constate et je m’inquiète des carences au niveau de l’accompagnement des jeunes, sur l’aide sociale à l’enfance, au niveau de la psychiatrie… »

DLH : On le voit depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, sur le terrain, il n’est pas rare de voir des policiers municipaux accompagner, voire relayer les forces de l’ordre pour la surveillance des bâtiments… N’avez-vous pas le sentiment que l’Etat se décharge progressivement de ses missions régaliennes sur les villes ?

N. K : « Je vais parler au niveau local. Les policiers nationaux, ils font avec les moyens qu’ils ont et je sais qu’ils font le maximum chaque samedi. Je salue leur courage et leur dévouement au service de la République. »

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre