Ces derniers jours, j’ai fait une petite revue de tous les films (et donc de tous les genres cinématographiques) que j’ai traités ou maltraités depuis que je tiens cette chronique. Or – Enfer et Tex Avery ! – je me suis rendu compte qu’aucun dessin animé n’avait fait l’objet ici de mon adoration ou de ma vindicte. Je vais par conséquent remédier de ce pas à cette lacune. Et tant pis pour le genre car, aujourd’hui, c’est le mauvais jour, c’est le Dies Irae, jour de colère, de mauvaise foi et d’exécration.
Hélas, l’animation offre bien des chefs d’œuvre, notamment en France, « quoi qu’on die ». Je suis donc allé faire les poubelles et les fonds de casserole bien crades du genre, du côté de Gulli, chaîne télévisuelle dite éducative quoique susceptible de consterner le cancre le plus honnête et le plus assidu. Evidemment, j’ai trouvé sans trop de difficulté le pire du pire dans des séries d’animation, souvent diffusées entre 23h et 2h du matin – horaires particulièrement indiqués pour les marmots !
Dans le marécage putride de ce champ culturel (sic), le must me semble être la série intitulée Foot 2 rue extrême (ça s’écrit comme ça, dans les textos…). D’après un boutonneux dont je connais les parents, le foot de rue existerait bel et bien : cela consiste en gros, pour des hordes de jeunes crétins, à jouer au foot dans la rue en s’appropriant l’espace public, en prenant appui sur les divers revêtements de sol ou le mobilier urbain, en bousculant les passants et en fracturant les vieilles dames. Le foot de rue extrême, ben, c’est la même chose mais, comme dit un héros de la série, « en dix fois plus rapide, en cent fois plus technique, en mille fois plus extrême, quoi ! »
Le feuilleton nous fait donc suivre un championnat de foot de rue ultime qui oppose cinq équipes, chacune composée de cinq joueurs. Naturellement, le caractère marginal, brutal et acrobatique du sport en question sert surtout à faire passer le moralisme le plus balourd assorti à un politiquement correct vomitif. Toutes les équipes sont mixtes et multiraciales, le rôle des filles est sans cesse surligné. L’arbitre (adulte !) rappelle constamment qu’il faut respecter les règles (c’est vachement extrême !) et avoir bon esprit.
Enfin, l’entraîneur, surnommé Tag, de l’équipe dite La Team (que j’évoquerai quelques lignes plus bas) semble chargé de tirer la morale de chaque épisode. Et il n’est jamais à court d’une sentence forte : « L’amitié ne se bâtit pas en un jour. » « Il faut s’accepter tel qu’on est. » « Un héros, c’est quelqu’un de généreux qui se bat pour les autres. » « On demeure prudent, même si on est extrême. » « L’essentiel est de faire de son mieux. » « Restez unis comme les doigts de la main. » « Il faut apprendre à affronter ses peurs. »
Bref, on flatte la révolte et la sécession adolescentes pour mieux conditionner des moutons ultra-libéraux.
Notons que chaque équipe a son style et son nom. Il y a les Ninjaz (oui, avec un z) qui n’ont rien de japoniais mais qui voltigent dans les airs comme dans un film de karaté. L’équipe, essentiellement féminine, ne compte qu’un garçon, roux comme un renardeau anglais, qui parle avec un accent snob et qui s’appelle donc Lord. Il y a les Del Toro, typiquement hispanos (Olé !) qui sont constitués d’une seule fratrie, parmi laquelle des triplés mongoloïdes, taillés comme des blocs de béton et qui chargent tels des taureaux. Il y a les Magics, pour lesquels l’important est « d’avoir du style et de faire le show », super-doués techniquement, mais – retenez bien la leçon, petiots – sans aucun sens du jeu collectif et donc souvent perdants. Il y a encore les Dark Side, qui ont sombré du côté obscur de la Force, tricheurs, menteurs, semeurs d’embrouilles et qui présentent conséquemment un look punk prononcé. On n’est même plus dans le cliché, mais sous le règne du Souverain Poncif !
Enfin, l’équipe principale, celle qui focalise l’action, s’appelle tout simplement La Team, c’est-à-dire l’Equipe, l’Equipe par excellence à laquelle le public est censé s’identifier et qui concentre les affres, les questions, les tourments et les sottises de la tranche d’âge – entre 11 et 14 ans, mettons. L’aspect de leur capitaine, Sammy, a d’ailleurs été étudié avec soin : c’est une sorte de mixte entre collégien standard exaspérant et angelot post-moderne pour pédophile soft, avec sa jolie tignasse blonde soigneusement enduite de gel tous les matins.
Cela doit attendrir les filles de la classe, les mèèères d’élèves, toujours en admiration devant leurs fœtus sur pattes, et les pédagogos démagogos… Mais pas moi, foutredieu !
Références : Foot 2 rue extrême, série française d’animation sommaire et tressautante, diffusée très tard sur Gulli.
Réalisateur, dessinateur(s), story-boarder : vous tenez vraiment à savoir les noms ?
Edité en DVD plus ou moins légaux, en vente sur Internet à des prix astronomiques (jusqu’à 150 euros la saison : il faudrait être fou pour dépenser moins !)