Carte blanche des lycéens à l’Eldorado

SUSPIRIA : Thriller d’épouvante italien de Dario Argento (1977 et 2018 pour la version restaurée) de Dario Argento avec Jessica Harper, Joan Bennet et Stefania Casini.

Le cinéma Eldorado s’associe avec plusieurs lycées de la métropole dijonnaise pour proposer, un jeudi soir par mois, un film choisi par les lycéens eux-mêmes dans le catalogue des grands classiques, films de genre ou œuvres plus récentes. Les séances ont lieu en général au milieu du mois dans une ambiance détendue et sympathique, où chacun peut s’exprimer en toute liberté après la projection. Quatre-vingt jeunes étaient présents lors de la première séance. Le choix inaugural s’était porté sur un drame judiciaire de Sidney Lumet avec Henry Fonda, Douze hommes en colère.

Pour le mois de décembre, le chef-d’œuvre de Dario Argento, SUSPIRIA, dont Luca Guadagnino vient de réaliser un remake, est programmé. L’occasion pour nous de revisiter ce premier volet baroque de la « trilogie des Enfers ». Argento s’est inspiré pour SUSPIRIA d’un passage du livre Suspiria de Profundisde l’écrivain britannique du dix-neuvième siècle Thomas de Quincey. Le cinéaste italien déclare « mélanger l’univers des contes de Walt Disney et de Grimm avec la violence de L’Exorciste ».

L’histoire est la suivante : Suzy, une jeune Américaine, débarque à Fribourg pour suivre des cours dans une académie de danse prestigieuse. A peine arrivée, l’atmosphère du lieu, étrange et inquiétante, surprend la jeune fille. Une jeune élève est spectaculairement assassinée. Sous le choc, Suzy est bientôt prise de malaises. Le cauchemar ne fait qu’empirer : le pianiste aveugle de l’école meurt à son tour, égorgé par son propre chien. Suzy apprend alors que l’académie était autrefois la demeure d’une terrible sorcière surnommée la Mère des Soupirs. Et si l’école était encore sous son emprise ? A vous de voir … Voici cinq bonnes raisons pour une nouvelle fois vous faire peur avec la jeune Suzy en (re)voyant SUSPIRIA !

Pour le générique fulgurant et la scène liminaire de cette œuvre horrifique. Filmé en 35 mm, SUSPIRIA est le dernier film dont le transfert a été réalisé grâce au procédé Technicolor. Des percussions se mêlent à des grincements déconcertants, angoissants et saturés. Une police blanche baroque sur fond noir indique « A film by Dario Argento ». Suivent les noms des deux actrices principales : Jessica Harper et Stefania Casini, puis SUSPIRIAclaque comme un coup de fouet, alors qu’une petite ritournelle enfantine et inquiétante se fait entendre avec le reste de la distribution. La voix de Dario Argento introduit le film à la manière du conte, style « Il était une fois ». Le ton est donné : images d’aéroport sous une pluie battante et inquiétante, avec l’arrivée de Suzy dans une atmosphère effrayante, rendue par le choix de gros plans sur la machinerie. Un film à broyer du noir et de l’humain(e). Nos repères sont bouleversés.

Pour la mythique séquence du meurtre inaugural, qui se terminera à travers une verrière dévastée. Les couleurs délibérément saturées et primaires, peintes sur les dé-corps, donnent un effet graphique saisissant, images d’une beauté brute et fatale.

Pour la musique composée par « the Goblin », groupe italien de rock progressif : elle revêt une importance cruciale dans l’identité particulière du film. Des claviers-séquenceurs, comme le grand Moog ou le Mellotron, mêlés au bouzouki, instrument national grec, donnent un effet anxiogène et l’impression de l’omniprésence de sorcières. Soupirs, cris et chuchotements ajoutent au côté oppressant du film.

Pour les nombreuses citations qui font de SUSPIRIAun film-référence(s) : du romancier britannique Lewis Caroll au cinéaste italien Mario Bava, en passant par le lithographe hollandais M.C. Escher. La rue de l’école de danse porte le nom de ce dernier et deux de ses œuvres apparaissent dans le film. Argento filme la matière onirique comme personne, entrant dans le cercle fermé du quatuor qu’il forme avec Federico Fellini, Luis Bunuel et plus tard David Lynch.

Pour la jeune actrice Jessica Harper, découverte trois ans auparavant dans PHANTOM OF THE PARADISE de Brian de Palma. Son physique de femme-enfant, aux grands yeux effarouchés et à la peau très blanche, contraste avec les interprètes habituelles comme Daria Nicolodi, actrice et coscénariste de SUSPIRIA, qui aurait bien aimé décrocher le rôle !

Quarante ans plus tard, Luca Guadagnino réussit sa relecture du chef-d’œuvre magnétique de Dario Argento avec son SUSPIRIA. Un tour de force pour le réalisateur de CALL ME BY YOUR NAME. Un film qui lui aussi aura peut-être bientôt sa place dans cette carte blanche lycéenne … ou d’ici quelques semaines dans votre vidéothèque ?

Raphaël MORETTO

Prochaines séances de la carte blanche lycéenne au cinéma Eldorado : le 13 décembre 2018, puis les 17 janvier, 14 février, 14 mars, 4 avril et 16 mai 2019.

Au programme : Suspiria, L’île aux chiens, Blow out, Psychose, Platoon, Thelma et Louise, Petit paysan, Valse avec Bachir…