Gérard Laborier, ancien maire de Marsannay-la-Côte, est depuis juin dernier le nouveau Président de la Fedosad, dont il était auparavant Vice-Président. Il succède donc au Docteur Jean Barthe à la tête de cette association qui accompagne depuis 1956 les personnes en situation de dépendance. Cet humaniste, fort de multiples expériences dans diverses associations nous dévoile ces grands projets pour la Fedosad.
Dijon l’Hebdo : La Fedosad, dont vous êtes désormais Président, est un acteur majeur depuis plus de 60 ans dans la prise en charge de la perte d’autonomie à Dijon. Comment a-t-elle évolué ?
Gérard Laborier : « L’aide aux personnes âgées en difficulté, en rupture et en situation de dépendance est depuis toujours l’activité dominante au sein de la Fedosad. L’Alzheimer et les autres maladies cognitives, entrainant des situations difficiles, avec des malades perdant progressivement leur autonomie, notamment intellectuelle, font également partie des pathologies que nous prenons en charge. Il est vrai que cela concerne principalement les personnes âgées mais on peut aussi maintenant suivre des enfants atteints d’autisme et des personnes en situation de handicap, même si cela n’est pas encore le secteur privilégié par notre structure. »
DLH : Quels sont les moyens mis en place par la Fedosad pour répondre à l’augmentation des besoins, notamment liée au vieillissement de la population ?
G. L : « La Fedosad dispose de différentes unités. Il y a le premier volet : l’aide et l’accompagnement à domicile, nous avons formé du personnel pour faire réellement de l’aide à la personne, nous allons plus loin que l’aide-ménagère en tant que telle pour être capable d’assurer un suivi particulier comprenant le lever, le coucher et la toilette. Nous avançons pas à pas pour mettre en place un Service Polyvalent d’Aide et de Soins à Domicile (SPASAD), alliant accompagnement et soins infirmiers. L’accueil de jour, quant à lui, est autant pour les personnes dépendantes que pour les aidants. Il arrive un moment où l’aidant souffre autant, sinon plus, que le malade, comme c’est le cas pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, on leur accorde donc un peu de temps. On veut également voir le service infirmier évoluer vers le SIAD (Service Infirmier d’Aide à Domicile), pour pouvoir venir en aide à des personnes dont l’état nécessite par exemple l’intervention de deux personnes à la fois. C’est là toute la complexité de notre système. Mais nous sommes quand même dans une ambiance générale où la réflexion sur ces sujets existe, au plus haut niveau, autour de la notion de dépendance, du maintien à domicile et du devenir des EPHAD. Les premières mesures qui sont prises vont dans le bon sens, notamment sur le financement des EHPAD. Je pense pourtant qu’on aura du mal à faire que tout le monde soit en établissement, financièrement ça ne suivra pas. »
DLH : Vous dirigez justement un certain nombre d’EPHAD (Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes), quels sont les grands défis à relever pour ces structures de la Fedosad ?
G. L : « Il y a en effet un EPHAD à Fleurey-sur-Ouche, et nous travaillons sur le regroupement de ce que l’on appelle les « petites unités de vie », actuellement sur cinq sites différents. Ils accueillent, dans un schéma presque familial, des groupes de 20 personnes au maximum. L’ARS et le département ont, à juste titre, exigé que l’on structure le service pour que ces centres prennent la forme d’un seul EPHAD, nommé « L’Horizon ». À terme, ils seront regroupés sur un site unique, pouvant accueillir environ 90 personnes. L’accueil de jour pourra lui aussi rejoindre la structure d’hébergement. Il s’agit finalement de mutualiser au maximum nos services pour limiter, notamment, les frais. C’est l’un des dossiers importants que l’on vient de me confier et idéalement il faudrait que l’on soit dans nos murs en 2020. »
DLH : Si la prise en charge en EHPAD pour tous semble impossible, quelles sont les autres solutions à mettre en place à l’avenir ?
G. L : « Le maintien à domicile est un enjeu majeur, on va même jusqu’à parler « d’EPHAD à domicile », c’est-à-dire que l’on fait en sorte d’avoir une structure relativement forte mais à domicile. La difficulté est de faire accepter cette situation aux familles, il faut réussir à trouver des formules relativement souples. Il y aussi le travail mené en ce moment sur l’évolution de la prise en charge de l’hospitalisation, par la Ministre de la Solidarité et de la Santé, Agnès Buzyn, qui devrait bientôt couvrir l’hospitalisation et le service médico-social. On prend en compte la personne et l’on cherche comment fonctionner autour d’elle sans faire « de l’activité pour de l’activité ». Il faut donc trouver des ressources, on parle de la journée de solidarité supplémentaire ou des systèmes d’assurances individuels par exemple. Il s’agit aussi de chercher où l’on peut faire des économies, ce qui est délicat dans nos milieux. »
DLH : Quelles sont vos ambitions pour la Fedosad dans les années à venir ?
G. L : « On ne parvient pas à mettre en place le budget comme on le voudrait, prendre des mesures sur le long terme n’est pas toujours simple, on ne sait pas si on aura ou non les moyens nécessaires pour le faire. On voudrait avoir une politique cohérente et savoir où l’on va. Mais on compose avec les risques de ce métier, et la Fedosad a tout de même plus de 60 ans, ça compte ! Et ça veut dire que son existence est justifiée… Maintenant, tout le monde doit avancer ensemble, ceux qui travailleront dans cette unité de 90 places et ceux qui interviennent à domicile, c’est un beau challenge ! A Dijon, nous sommes trois grands acteurs, avec l’ADMR et le Mutualité, mais beaucoup de petites entreprises partagent aussi ce marché, avec des tarifs avantageux. Nous sommes certes plus coûteux, mais on apporte un service différent, complet, 7j/7 et 24h/24. Nous voulons nous positionner comme une référence, être attractif. Pour que lorsqu’une personne ou une famille a un besoin, elle pense à nous et que cela soit un réflexe. »
DLH : Quels sont les financements dont vous disposez en EHPAD ?
G. L : « Il y a trois financements principaux : celui de la personne prise en charge, celui du département pour l’hébergement, et celui de l’ARS au titre des soins. La personne a toujours une part à financer, et c’est là le problème, on ne parviendra pas dans ce contexte à mettre tout le monde en établissement EHPAD. Un EHPAD coûte entre 2300 et 2400 euros par mois, actuellement nous recevons des seniors qui sont en mesure de financer leur hébergement, parce qu’ils ont encore une retraite correcte et un patrimoine. Mais dans quelques temps, les retraites seront probablement moins élevées, qui va donc prendre en charge l’hébergement en EHPAD ? »
DLH : Les récentes polémiques concernant la prise en charge des personnes dépendantes, notamment dans les EHPAD, prouvent que la gestion du personnel est un problème épineux. Quel est votre ressenti, à l’échelle de la Fedosad, à ce sujet ?
G. L : « Nous avons des difficultés à recruter du personnel soignant, parce que ce sont des métiers difficiles, dans lesquels les moyens dont on dispose ne nous permettent pas de les rémunérer dans de bonnes conditions. Certaines personnes décrochent un peu brutalement. Lorsqu’un employé est absent, c’est dramatique, c’est une personne âgée dépendante qui attend, il faut suppléer en dernière minute. On cherche donc à avoir des agents polyvalents, pouvant aller sur différents postes, dans les différentes structures qui composent la Fedosad. »
DLH : Quelles sont les mesures envisagées pour faire face à ce problème de gestion du personnel ?
G. L : « En ce moment, on va vers un autre système en termes de volume horaire, dans les EHPAD, permettant d’être plus disponible. Les équipes fonctionnent sur 12 heures avec des rythmes adaptés : 2 jours travaillés et 3 jours de repos par exemple. Elles ont donc moins de pression que sur 7 ou 8 heures, durant lesquelles elles n’avaient pas toujours le temps de tout faire. La difficulté de la gestion du personnel, dont j’étais en charge en tant que Vice-Président, est aussi que sur nos 650 salariés, 350 ou 400 interviennent à domicile. On peut les réunir et les rencontrer mais on ne les voit pas sur leur lieu de travail. Ils sont seuls avec la personne prise en charge et la famille. L’objectif est donc de les suivre et de les accompagner, pour briser cette solitude et faire en sorte qu’ils se sentent intégrés dans un ensemble. »
DLH : Les nouvelles technologies font-elles parties de vos perspectives d’avenir ?
G. L : « C’est une nécessité, on travaille sur la notion d’hôpital numérique, dans le cadre de l’hospitalisation à domicile, avec l’intervention de médecins et d’infirmiers, nous cherchons par différents moyens à pouvoir les solliciter en cas de problème sans les faire déplacer. Ils auront sous la main l’ensemble des informations qui permettent de répondre à la problématique d’une personne, une sorte de carnet de santé électronique. Nous souhaitons aussi mettre en place deux bases de données, l’une avec les compétences des soignants et la seconde avec les besoins des patients. On cherchera donc à synchroniser les demandes et les moyens, sur le plan géographique mais aussi en termes de compétences. Avec 2000 clients, cela prend du temps et il faudra aussi être en mesure de la tenir à jour. »
DLH : D’après vous, Dijon est-elle une belle ville pour vieillir ?
G. L : « Le travail mené, dans le cadre de Dijon « Ville amie des aînées », avec la mise en place d’un certain nombre de structures pour bien vieillir à Dijon semble efficace. Je pense qu’il faut aussi que l’on arrive à trouver des moyens d’intégrer le logement des personnes âgées dans les quartiers, on ne le sent pas encore vraiment. Il ne s’agit pas forcément de faire de l’intergénérationnel à tous prix, ce système a ses limites car les rythmes et les modes de vie sont différents. Par contre, les proximités qui peuvent exister, où chacun a son entité et où l’on se rencontre sans tout partager, me semblent être de bonnes alternatives. Il faut réussir à trouver un équilibre, et je pense que l’effort qui est fait doit être poursuivi pour permettre ce « bien vivre vieux » à Dijon. »
Propos recueillis par Léa Chauchot