Calligraphie : Un spectacle d’artisanat aussi ancien que magique

 

C’est un artiste et artisan dijonnais pas comme les autres qui vient d’exposer chez Gibert Joseph, à Dijon, pendant le Printemps des Arts, lors d’une démonstration unique de calligraphie et dorure à l’ancienne…

Philippe Muller a été piqué il y a deux ans par le monde de la calligraphie. Un ami lui offre un jour un porte-plume, alors Philippe essaye, expérimente, apprend puis se rend compte que les gens apprécient ses travaux d’écriture et que très vite les commandes affluent. Philippe complète donc son métier de graphiste avec les activités de calligraphie et d’enluminure et il est rapidement contacté pour des créations de logos calligraphiés au pinceau ou des réalisations pour événements tels que des marque-places, menus et plans de table.

Très habile de ses mains, Philippe se met également à fabriquer les objets relatifs à la calligraphie. Il se rend chez les vignerons où il récupère des sarments de vigne en fagots, il place ensuite ces morceaux taillés dans son tour à bois (fabriqué maison !) les tourne jusqu’à obtenir des porte-plumes, uniques donc et très personnels. Pour fabriquer ses calames -outils d’écriture anciens-, il utilise du bambou ou du roseau, qu’il taille également au couteau et dans lequel il insère un petit réservoir fabriqué à la main et qui permet d’écrire plusieurs lettres à la suite. Il travaille avec des plumes naturelles comme le dindon, l’oie, le faisan ou encore la chouette et les taille pour en faire des plumes d’écriture, à trait, à double ou triple bec.

 

Secret bien gardé…

Pour se procurer de l’encre, Philippe devient alchimiste et crée ses propres encres ferriques. Nommées ainsi car elles contenaient du vitriol bleu ou vert (sulfate de fer ou de cuivre), elles étaient notamment utilisées comme encres de parchemins ou d’archives. Il conçoit donc les siennes à base de vin blanc, de vinaigre ou de noix de galle –et même parfois de tannins de grenade ou raisin- et qui donnent des couleurs bleutées, rougeâtre ou grisâtre et un rendu noir de plus en plus profond avec le temps.

Les recettes de son atelier, le Studio da Vinci, sont basées sur celles de l’Antiquité ! C’est ainsi qu’on trouve encore des écrits d’une propreté saisissante et sur des parchemins plusieurs fois centenaires. Mais chaque artisan ajoute ses ingrédients et son savoir-faire ce qui le distingue des autres. Pour lier ses pigments et créer de la peinture, Philippe utilise par exemple une détrempe médiévale à base de glaire d’œufs, d’eau de miel, de gomme naturelle, et… le reste est un secret bien gardé…

 

 

Quant à la couleur, Philippe se sert autant de la terre de son jardin que de bougies de cire ou encore d’os trouvés lors de ses balades en forêt et qu’il fait calciner, ce qui lui donne un noir d’ivoire. Il travaille même en ce moment avec du lapis-lazuli, qu’il chauffe puis broie et mélange à divers ingrédients -ce qui peut pendre une semaine ou deux-, une technique qui lui permet d’obtenir un pigment minéral d’un bleu intense.

Tout est donc fait maison et dans l’esprit des anciens, une force qui fait de ce trentenaire l’un des seuls à pratiquer cet artisanat dans la région. Complété par le travail de la dorure et de l’enluminure, la demande est croissante et plusieurs expositions ont permis à Philippe de faire connaître son art, au point d’intéresser les gens pour des cours particuliers.

Philippe compte une expérience comme celle qu’il a effectuée à la librairie Gibert Joseph, pour faire mieux connaître l’artisanat ancien, un monde qui le fascine et dont il espère vivre un jour, car ce passionné ne cesse de se réinventer et prévoit même de s’approprier la gravure sur verre pour créer des objets décoratifs unique : abat-jours personnalisés, coffrets d’écriture et bien d’autres choses…

Caroline Cauwe