Tousser, maigrir ou aimer avec ou sans ordonnance ?

 

L’hiver arrive avec ses micro-bobos : rhume, toux, mal de gorge, état grippal, gastro ou autres troubles digestifs… Pour les traiter, les Français sont incités – à coups de pubs télé ou dans les magazines Santé –  à acheter des médicaments accessibles sans ordonnance. Attention ! Ca peut être carrément « refroidissant »…

Certes, on dit la France grippée, cramponnée à son bas de laine du livret A. Et pourtant, il y a dans notre hexagone frissonnant, ce fameux secteur de l’automédication où le citoyen dépense sans compter : le portefeuille affiche un enthousiasme économique délirant. Pas question d’aller baguenauder en ville, sans qu’un panneau « Croix Verte » vous lance une œillade irrésistible. Mine de rien, vous voilà  pris dans les filets des offres tentatrices qui battent pavillon en tête de gondoles des officines. Sans compter les grandes surfaces qui ont mis allègrement, elles aussi, le cap sur la parapharmacie et le continent juteux des vitamines A, B, C, D, E etc. Tant et si bien qu’un moufflet pourrait apprendre toutes les lettres de l’alphabet, rien qu’en se baladant chez Carrefour, Auchan ou Casino.

Sacrée foire à la tisane qui fait maigrir, ou à la barre sur-vitaminée qui propulse sur le ring de la gonflette, ou encore au muesli « médico-diététique » dont les omégas 3 remettent le système cardio-vasculaire à neuf ! Bref, « l’autoconso » a un bel avenir. L’élégance de nos quelques 23 000 officines françaises épate bien plus la clientèle touristique étrangère que la Galerie des Glaces de Versailles. Normal, la France occupe la 1ère place dans l’Union européenne pour l’implantation de ses pharmacies. La Turquie lui fauche la vedette en ce domaine, sauf que la Turquie ce n’est pas vraiment l’Europe.

Pharmacovigilance : mythe ou réalité ? Dans son nouveau hors-série « Se soigner sans ordonnance », 60 Millions de consommateurs évalue 62 médicaments parmi les plus vendus sans avoir à passer par la case « Médecin ». L’évaluation a été menée avec deux spécialistes : Jean-Paul Giroud, professeur de pharmacologie clinique et membre de l’Académie de médecine, ainsi qu’Hélène Berthelot, pharmacienne et chercheur. Tous deux démontrent (ou démontreraient ?) que plus de 40% des anti-toux ou des produits stars, tels Drill ou Lysopaïne, ne nous veulent pas que du bien !

Mais, attention alerte ++++ avec d’autres « fashion victimes », qui se font proscrire du Prozac, un antidépresseur bien connu, sous couvert qu’il ferait maigrir. Cyber-époque oblige, pas un consommateur « prozacien » qui n’y aille de son commentaire sur la toile de ses nuits blanches et de ses jours sans pain ni alcool. Pour les uns, le Prozac ne fait pas vraiment perdre du poids, mais ça rend addict à l’anti-dépresseur. Pour les autres, oui, ça fait maigrir, mais la libido et l’activité intellectuelle en prendraient un sacré coup. Aille-aille ! La vie moderne vous plonge, jusqu’à les confondre, dans les univers de Racine et de Shakespeare : Hermione, jalouse d’Andromaque, se met aux biscottes et sous Prozac pour séduire… Othello. A l’acte IV, sa libido manque de performance. Que faire ? To be or not to be?  Aimer à en mourir ? Avec ou sans Prozac ? Faire prendre du Viagra à Oreste, Pyrrhus, au Duc de Venise ou encore au rusé Lago,  quitte à dépasser les doses prescrites ?

Allo ! SOS Docteurs …

Marie France POIRIER