Quel est le sens premier du mot « dimanche », l’un des jours préférés des Français ? L'étymologie du terme provient du latin des premiers chrétiens et de la tradition abrahamique : dies dominicus désignait le « jour de Dieu, le jour du Seigneur ». Ce dernier, après avoir créé notre univers, était censé s’être reposé le 7e jour. Par ricochet, les humains étaient encore tout récemment … priés de suivre l’exemple divin. Sinon, tout mécréant frisait le péché mortel. On connaît la suite du feuilleton : Jésus Christ, ambassadeur de Dieu sur terre, chassa les marchands du temple. Voilà pour les épisodes 1/3 de la saison 1. Arrive bien plus tard Nietzsche, notre prophète du XIXe siècle, qui parcourt le monde en clamant : « Dieu est mort ». Juste retour des choses au XXe siècle : le marketing à la ville ou… en ligne boute le Seigneur hors de son sacro-saint dimanche. Fin des épisodes 4 et 5 de la saison n°2 ! Nous voilà donc, nous, les Dijonnais imitant Parisiens et autres Pharisiens de notre planète bleue, à vivre désormais un dimanche modifié génétiquement en jour ouvré et donc ouvrable… Du coup, enseignes et magasins, escomptant une hausse de 10% leurs CA, sont autorisés à désobéir au Ciel et à honorer Mercure, le dieu du commerce des Romains.
« Bravo, bravissimo » ! Allez-vous dire, vous tous, esprits éclairés par le Siècle des Lumières et dignes héritiers de de la Révolution de 1789… Laquelle – les grands historiens Braudel et Pierre Rosanvallon l’ont prouvé – est paradoxalement à l’origine de l’économie de marché. Diable-diable ! L’univers des humains est devenu décidément bien plus impénétrable que ne l’étaient les voies du Seigneur. Revenons sur la station-terre de Dijon, métropole régionale et classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Certaines de ses grandes enseignes, telles la Fnac, les Galeries Lafayette, Bensimon, H§M ou Monoprix ouvrent le dimanche, définitivement ou à titre expérimental. D’autres se montrent attentistes, observant le comportement du citoyen-consommateur avant de passer à l’acte. L’opération sera-t-elle bénéfique à terme, dans une agglomération de la taille de la Cité des Ducs ? En tout cas, les chiffres d’affaires dominicaux réalisés depuis le début du mois par ces pionniers du centre-ville seraient plutôt prometteurs.
Néanmoins, d’autres questions se posent avant de passer à la caisse enregistreuse nos 52 dimanches annuels : donner un sens à sa vie en 2017, est-ce consommer 7 jours sur 7 ? Un dimanche pèse-t-il le même poids existentiel qu’un mardi ou un jeudi ? Ne faudrait-il pas plutôt réserver les dimanches à la vie familiale, à la vie intime, voire à la réflexion ? Résumons la saga des pauvres hères que nous sommes : en quoi notre époque matérialiste, désacralisée et… baptisée de « post-moderne » détient-elle davantage de vertus ou de vérités absolues qu’une religion, voire que la pensée magique telle que la définissait Sartre ? Tout de suite, la preuve par 9 qu’un dimanche ne se résume pas forcément à des achats en ligne ou en magasin : le Musée des Arts Premiers du quai Branly nous entraîne depuis Paris en Nouvelle-Zélande. Au royaume des ancêtres Maori. Afin d’y admirer deux cents amulettes, sculptures ou herminettes en jade. Ces objets-cultes ne remontent pas forcément à un lointain passé. Nombre d’entre eux sont dus au talent ainsi qu’à la foi d’artisans et d’artistes d’aujourd’hui ! Tous sont sacrés et vécus comme tels dans ce pays du bout du monde, y compris par ces héros du Haka et du Stade que sont les All Blacks. Pourquoi ne pas espérer alors que – dimanche œuvré ou pas – les dieux, les mythes et les légendes retrouvent une nouvelle visibilité en l’an 2050 après JC (Jésus Christ) ? Ou, si l’on préfère, en l’an 2050 ans après CT (Consumérisme Théocratie) !
Marie-France Poirier