CPME : Benoît Willot et la réforme du Code du Travail

 

Au niveau économique, cette rentrée restera, c’est certain, marquée par les 5 ordonnances sur la réforme du Code du Travail, ses 36 mesures et ses 150 pages. Comment cette réforme a été perçue dans les rangs de la CPME de Côte-d’Or. Son président, Benoît Willot, que nous avons interrogés sur le sujet au lendemain de l’annonce des ordonnances, avait le sourire. Interview d’un patron satisfait…

 

Dijon l’Hebdo : Votre président national, François Asselin, a été dithyrambique quant à la Réforme du Code du Travail, estampillée Emmanuel Macron. Vous en félicitez-vous également ? Est-ce réellement une loi taille patron ?

Benoît Willot : « Nous nous félicitons de toutes ces mesures. Ce n’est pas une loi taille patron mais une loi taille PME ! Et, par là-même, du patron indépendant. C’est une loi favorisant les petites et moyennes entreprises qui représentent tout de même 97% des entreprises en France. Nous nous réjouissons parce que tout ce qui avait été annoncé dans le programme est mis en œuvre concrètement. C’est suffisamment rare pour le souligner ! »

DLH : Cela signifie que vous aviez un doute…

B.W. : « Oui, car nous étions échaudés par toutes les promesses électorales que l’on a pu entendre par le passé qui n’aboutissait sur rien. Le doute est dans toutes les têtes à chaque fois qu’il y a un nouveau président qui arrive avec des mesures qui paraissent bonnes. Mais l’on se pose toujours la question : aura-t-il le courage de les mettre réellement en œuvre. C’est le cas cette fois ci ! »

DLH : Sans les aborder toutes, quelles mesures mettriez-vous en avant ?

B.W. : « A mon avis, l’un des points les plus marquants de cette réforme est de pouvoir négocier des accords d’entreprise au sein même de l’entreprise, avec la délégation du personnel ou leurs représentants sans présence syndicale obligatoire. Cela va changer la vie car il y a très peu d’entreprises syndiquées dans les TPE/PME. Elles vont pouvoir négocier chez elles des accords adaptés à leur activité, à leur entreprise, à leurs marchés. C’est une révolution ! Cela va faire un grand bien à toutes les PME qui vont être plus agiles, plus souples et qui vont pouvoir, par là-même, conserver de l’emploi quand c’est plus difficile et l’augmenter plus facilement quand il y a du travail. C’est une bonne mesure. Elle était dans la loi El Khomri première version où elle apparaissait également comme cela. Mais ils avaient fait machine arrière devant les syndicats dans la rue. Dorénavant, cela ouvre les vannes… »

DLH : C’est la raison pour laquelle votre organisation patronale avait soutenu déjà à l’époque cette première version de la loi El Khomri…

B.W. : «  La loi El Kohmri première version était très bonne. La CGPME s’en était déjà félicité mais, dans la seconde version, il n’y avait plus rien. Je souligne aussi que François Rebsamen, lorsqu’il était ministre du Travail, avait eu une très bonne idée : vouloir s’attaquer aux seuils. Il avait proposé de faire un test en relevant les seuils pendant un an ou deux. Cela devait être un laboratoire d’idées. Si cela développe l’emploi, parce que le seuil psychologique des 49 est levé, alors l’on dira que c’est une bonne chose. Ce test était intelligent. Alors, comme ce n’est pas le cas-là, pourquoi, plutôt que l’inscrire dans une ordonnance ou dans une loi, ne pas expérimenter ? Hors la question des seuils, ces ordonnances répondent complètement aux attentes de la CPME qui est derrière le gouvernement pour ces mesures »

DLH : Le plafonnement des indemnités prud’homales doit également vous satisfaire ?B.W. : « Même si l’on trouve cela toujours trop cher, cela a le mérite pour les chefs d’entreprise d’avoir une visibilité sur le préjudice qui sera à affecter au bilan, et donc au business plan si l’on doit se séparer de quelqu’un. Cela rassure, cela sécurise… »

DLH : La réduction de 2 ans à 1 an du délai possible de recours aux prud’hommes est dans la même veine…

B.W. : « L’on a moins de crainte de prendre un CDI. L’acte le plus valorisant pour un patron de PME est d’embaucher. Lorsque les gens te parlent de la réussite de leur entreprise, ils n’évoquent pas leur chiffre d’affaires mais ils insistent sur les embauches. Ah je suis passé de 20 à 40 salariés en 2 ans !, entend-on. C’est, pour eux, la plus grande des réussites. C’est un acte très valorisant mais, en même temps, embaucher était un risque majeur pour la boîte. Nous allons repartir vers une croissance de l’emploi sans avoir cette crainte d’une somme énorme à payer si jamais cela se passe mal. Donc c’est une très bonne mesure ».

DLH : Certains chefs d’entreprise la qualifient de réforme anti-chômage. Quel terme lui donneriez-vous ?

B.W. : «  Je la qualifierais, pour ma part, de loi pro-croissance. Et, quand il y a de la croissance, il y a de l’emploi. Elle sera évidemment, mais de façon induite, anti-chômage. Nous pourrons la qualifier réellement de pro-croissance si, après toutes ces mesures, suit la réforme de la fiscalité. Car, là, on donne un environnement d’embauche qui est favorable, maintenant il faut donner du business, de la compétitivité aux entreprises. Cela passe par la baisse de la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Il va falloir un important toilettage des impôts et taxes qui restent pour que l’on soit compétitif à l’échelle européenne ».

DLH : Il semblerait que, pour vous, ces ordonnances aient remis les PME au centre du village ?

B.W. : « C’est la preuve d’un gouvernement intelligent qui a compris que l’emploi non délocalisable français, l’emploi pérenne, se fait par les TPME/PME. Ces mesures permettront qu’elles embauchent et qu’elles grossissent. Le mal français, c’est que nous n’arrivons pas à avoir ces ETI (entreprises de taille intermédiaire), de grosses PME de plus de 250 salariés. En Allemagne, elles deviennent très compétitives face aux grands groupes, elles exportent beaucoup mais elles restent patrimoniales indépendantes. Nous allons avoir des ETI qui vont fleurir en France. L’attractivité de notre pays va en sortir renforcée avec du développement exogène d’entreprises qui vont venir s’installer dans l’Hexagone. Si le terrain est à nouveau favorable, nous aurons également de l’emploi qui proviendra de l’extérieur. Je pense à l’industrie. Nous allons reproduire en France. Nous avons le savoir-faire, certainement les meilleurs ouvriers du monde mais nous avions des freins qui étaient des carcans. Pour les investisseurs, notre pays était plutôt marqué en rouge. Aujourd’hui, l’on va donner envie ! »

DLH : Vous venez de lancer un pôle création-transmission d’entreprises devant les difficultés rencontrées dans ces domaines. Pensez-vous réellement que ces ordonnances puissent booster les reprises et éviter que les cédants ferment leurs structures faute d’avoir trouvé des repreneurs ?

B.W. : «  La gouvernance et l’animation de ce pôle création-transmission d’entreprise est actif. Eric Seutet en est le grand maître de cérémonie, Les actions commencent de mise en relation de repreneurs et de cédants d’entreprise et les liens que l’on doit créer avec différents organes, que ce soit les commissaires aux comptes, les experts comptables, etc. Ces mesures devraient favoriser tout cela. En tout cas, elles favoriseront le fait que des jeunes diplômés, sortant des grandes écoles, qui ont aujourd’hui, à 80%, le souhait de travailler dans des administrations ou des grands groupes, peuvent avoir à nouveau des velléités pour créer leur boîte. Ces mesures devraient devenir un coup de fouet pour se dire : entrepreneur, ce n’est pas si mal ! Les jeunes ont été tellement dans un monde d’insécurité au niveau de l’entreprise qu’ils ne se destinent plus à développer leur propre activité ou à la reprise. Nous allons redonner à cette frange de la population qui a cet ADN en elle le goût de l’entreprenariat ! Ce sera, qui sait, le retour de l’appétence pour la prise de risque, car, même avec les meilleures conditions du monde, elle existera toujours ! Mais quand c’est plus sécure, l’on passe plus facilement le cap…»

DLH : Le gouvernement, qui s’est déplacé en force mardi à Dijon avec, notamment, le Premier ministre, Edouard Philippe, à la Chambre de Métier et de l’Artisanat, se penche sur le RSI. Etes-vous pour sa suppression ?

B.W. : « La CPME de Côte-d’Or est la seule en France, par l’intermédiaire d’un des membres de son conseil d’administration, Brunot Dumont, à présider le RSI. C’est un système qui est décrié par les pouvoirs publics, par beaucoup d’entrepreneurs. Mais, il n’est pas décrié par tous, notamment pas par ceux pour qui cela fonctionne. Il faut améliorer son mode de fonctionnement, le rendre plus professionnel, dans son recouvrement, en travaillant avec l’URSSAF. Mais, lorsque quelqu’un qui choisit d’être TNS (Travailleur non salarié), avec le RSI, il y a une économie de charges de 15 à 20% par rapport au régime général. Il faut bien l’expliquer ! Et il ne faut pas oublier le pouvoir de discussion. Combien de situations avons-nous débloquées avec le RSI pour des entrepreneurs en difficulté grâce à des plans d’aménagement, des remises, etc. C’est un bon système dans le fond qu’il faut améliorer. Il ne faudrait pas que l’on rase gratis et que l’on se retrouve avec une augmentation des cotisations que paieront les TNS. Le gouvernement vient rendre visite au RSI mais il y a des choses à dire sur ce point. ».

DLH : In fine, votre sentiment sur cette rentrée ne peut être que positif ?

B.W. : « Nous avons toujours dit : attention. Là, je vais être clair : c’est un sentiment très positif. C’est l’une des rares fois où, en même temps, l’emploi repart – et cela date d’avant ces ordonnances –, la croissance revient dans un peu tous les secteurs d’activités, même dans le TP où les carnets de commandes se remplissent à nouveau. Les TP vont mieux, le bâtiment va mieux, les services vont mieux, le commerce, dans une moindre mesure tout de même, va un peu mieux. Et, en plus, l’on nous annonce ces bonnes nouvelles qui vont favoriser cette croissance. C’est une très bonne rentrée. Nous sommes confiants pour les années qui viennent et j’espère que, finalement, dans 2/3 nous aurons réduit de quelques millions le nombre de chômeurs en France, nous aurons des belles entreprises qui se développent. Qu’il fera à nouveau bien vivre et bien entreprendre en France. Que nous pourrons mieux payer nos salariés car nous gagnons plus d’argent ! C’est notre objectif … Cela faut du bien au moral. C’est une très bonne rentrée »

 

Propos recueillis par Xavier Grizot